Le 14 février 2011

C’est un artiste de cirque, danseur, voltigeur, la trentaine, l’œil fait au khôl, enjôleur, un peu pute, un beau grand diable d’homme qui pousse devant lui sa fille en jupe de mariée, lourdement brodée de grandes fleurs rouges. Elle, treize ans, quatorze peut-être, porte sur la tête une jarre de cuivre d’où jaillissent des flammes. Elle est belle à ravir, elle ondule gracieusement, et sous son maquillage elle meurt de peur. Comme s’il ne suffisait pas d’avoir ces flammes sur le sommet du crâne, son père la terrorise. Alors oui, lui aussi est affublé de l’étrange coiffure, mais est-ce une raison ? « Avance ! À droite ! Arrière ! » Les lèvres maquillées de la petite se serrent. À genoux ! Et la voilà qui glisse sur le sol en rampant pour attraper entre les dents un billet fiché sur une petite pique, toujours avec sur la tête le pot qui flambe. Ainsi, au même âge, Maria Malibran fut-elle terrorisée par son père ténor qui, chantant l’Otello de Rossini, feignit si fort de l’étrangler qu’il manqua l’étouffer pour de bon. Elle eut si peur que sa voix d’ange sortit et qu’elle devint la grande Malibran. Cette belle enfant qui danse et qui, finalement, attrape le billet sans faire flamber son voile ne deviendra pas chanteuse, sans doute. Sauf si elle se rebelle, son père la mariera. Ils sont du Rajasthan, l’État de l’Inde le plus rudement traditionnel, rude aux filles, terriblement macho. Le cirque n’est pas tendre; quand un père en profite, c’est à la fois magnifique et terrible. À propos, le célèbre théâtre Footsbarn qui fît les joies du festival d’Avignon si longtemps est en Inde pour réunir les artistes de cirque et leur trouver un chapiteau: fort bonne idée ! Ils ont besoin d’argent, avis aux mécènes ! Ce serait bien, et bien pour les fillettes rudoyées par leur père, du feu sur les cheveux.

Un commentaire

  1. Je la piste, je la cherche, je l’ai découverte à travers « la putain du diable » acheté d’occasion dans un bookshop de Gokarna. Quel bonheur m’a apporté cette lecture rien à voir avec l’Inde mais une façon de voir les choses , les gens, une truculence revigorante, bref je suis tombée sous le charme et depuis mon retour le 17/02/2011 je cherche à me procurer « Pour l’amour de l’Inde »( qui parait épuisé ?) savoir comment elle l’a vue cette Inde et voilà que je tombe sur ce journal !! inespéré..