C’est l’épisode le plus étrange. Peut-être le plus significatif. Et, aussi, le plus complètement inconnu.
Document 1.
Lettre de Jean-Luc Godard à Bernard-Henri Lévy (26 novembre 2001)
Cher ami,
Merci pour l’envoi de votre livre que j’ai avec intérêt [sic]. Si vous croisez ce ? [sic] de J. Julliard, en tant que mémorialiste de Sartre, faites-lui remarquer que les derniers mots de « Huis-Clos » sont : continuons et non recommençons. Par ailleurs, n’y-a-t-il pas une erreur là : [morceau d’article découpé : « c’est un islam (celui qui met les femmes en cage) que met en déroute un autre islam (celui qui, tout doucement, commence de les libérer)] ?
En ce qui regarde les films à faire, ne serait-il pas avisé de se souvenir de ce qu’Hollywood a souvent été nommé « la Mecque du cinéma » ? Un café volontiers une fois, ou l’autre, avec l’ami A. Sarde. Je serais heureux de savoir votre point de vue sur la délivrance de Srebrenica par les forces « américaines ».
Amicalement à vous.
Jean-Luc Godard
Le livre dont Jean-Luc Godard accuse réception est mon livre sur les guerres oubliées, Réflexions sur la Guerre, le Mal et la Fin de l’Histoire.
L’article où il lui semble déceler une « erreur » est mon Bloc-notes du 16 novembre 2001 où, pour le dire vite, je soutenais le principe de la guerre en Afghanistan, à mes yeux libératrice.
Et, quant à Jacques Julliard, j’ignore ce qui lui vaut de recevoir cette « balle perdue » – mais c’est ainsi.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est que « l’ami A. Sarde » organisera, sans délai, le « café » demandé.
Ce sera le 2 décembre, chez moi à nouveau, par une après-midi neigeuse, Godard arrivant avec une toque sur la tête qui lancera la conversation sur l’histoire de la toque de Clementis rapportée par Kundera dans Le livre du rire et de l’oubli.
Nous parlerons du 11 septembre, tout proche ; de Srebrenica, déjà perdu dans les brumes d’une mémoire tragiquement sélective ; de la thèse, que je commence de développer, sur la guerre entre les deux islams, l’obscurantiste et le démocrate ; et puis, à ma grande surprise, d’Israël : oui Israël ; pas la Palestine, Israël ; un Israel, cette fois, explicitement et nommément évoqué ; un Israël dont semble, ce jour-là, beaucoup l’intriguer la stratégie de « retenue » face au mauvais bruit que fait la prétendue guerre des civilisations ; et un Israël dont il parle sur un ton, je ne dirai peut-être pas d’amitié, mais de curiosité, d’intérêt vrai et, mettons, de neutralité bienveillante.
Nous sommes à la fois très près de « Pas un diner de gala » – et très loin.
Sur les mêmes thèmes – encore qu’affranchis de cette interdiction de dire et de nommer qui était la marque de nos discussions d’alors.
Mais voici qu’arrive – il y aura fallu cinq ans de plus… – le plus étrange et, à mes yeux du moins, le plus étonnant de cette histoire.
Document 2.
Lettre de Jean-Luc Godard à Bernard-Henri Lévy. Suivie le 18 août d’une réponse de Bernard-Henri Lévy à Jean-Luc Godard (16 août 2006)
Rolle, le 16 aout 2006
Cher BHL,
Suite à votre proposition transmise par A. Sarde, je vous confirme mon accord pour une conversation filmée par Arte selon des termes* à convenir entre eux, vous, et moi
Amicalement
Jean-Luc Godard
Suggestions :
– filmage classique par Arte d’un débat entre deux personnes
– un lieu choisi par BHL
– un lieu choisi par JLG (festival de Haiffa)
– rushes pour BHL et JLG
– montage 1 par BHL/ARTE diffusé sur Arte (propriété BHL/Arte)
– montage 2 diffusé par Peripheria (propriété Peripheria)
copie A. Sarde
[+ 3 photo ou collage à décrire]
Eh oui.
Un nouveau film.
Cela a l’air d’une blague mais il est bel et bien question, à cette date, d’un nouveau film : sans Lanzmann celui-là, sans rapport explicite avec « Pas un dîner de gala » encore que, je le répète, tournant autour des mêmes thèmes – et né dans les conditions suivantes.
Tout a commencé par une énième conversation, chez moi, boulevard Saint-Germain, où Godard m’a interrogé sur l’idée sioniste, son histoire, s’il faut dire « l’Etat juif » ou « l’Etat des juifs », d’où vient que le concept a tant tardé à se doter d’une forme politique digne de ce nom et d’où vient qu’ensuite, quand ce fut chose faite, quand l’Etat fut, sinon bâti, du moins promis et programmé, il ait encore tant tardé à provoquer l’afflux massif de juifs qui aurait pu, sinon éviter, du moins amortir le choc de la Shoah.
J’ai réfléchi ; j’ai longuement et loyalement réfléchi ; et, repensant à cette conversation inattendue en même temps qu’à tout ce que je savais des positions pro palestiniennes de Godard dans ces fameuses « années rouges » où les Fedayin du Fatah apparaissaient comme le sel de la terre en même temps que comme le nouveau peuple Christ appelé à régénérer une Histoire désorientée, je me suis dit qu’il ne serait pas inutile de faire découvrir à cet homme dont je n’avais, par ailleurs, jamais cessé d’admirer l’oeuvre la réalité d’un pays qu’il ne connaissait qu’à travers le prisme de ses préjugés.
Et j’ai, alors, appelé Alain Sarde à qui, rebondissant sur la question posée par Godard lui-même dans la dernière de ses lettres (« en ce qui regarde les films à faire…), j’ai proposé l’idée d’un film en deux volets : un voyage en Israel, d’une part, dont nous choisirions, chacun, les étapes principales ; une discussion, d’autre part, que nous filmerions avant, après ou, mieux, pendant le voyage et où s’opposeraient, sans concession, nos points de vue.
Sarde a transmis.
C’est à cette proposition que, dans cette lettre, répond Godard – avec, déjà, le choix de « son » étape (Haifa).
Et voici ma réponse à sa réponse – voici, dès lors qu’il acceptait le principe, et du film, et du voyage, ma réponse à la question du « lieu choisi par BHL ».
Paris, le 18 août,
Cher Godard.
Haïfa, pourquoi pas ? C’est une belle ville, vous verrez. Et c’est aussi un beau symbole car c’est l’un des lieux d’Israël où la réalité non seulement multiethnique (c’est tout Israël, c’est Israël en tant que tel, qui, brassant des peuples d’origine occidentale et orientale, européenne et arabe, issus de Russie comme de France ou du Yemen, est un modèle de société multi ethnique), mais multireligieuse de ce pays (car Israël est aussi le seul endroit de la région où cohabitent en harmonie Juifs, chrétiens et muslmans), apparaît dans son plus bel éclat. Mais, en même temps, c’est trop facile. Car tout le monde est d’accord avec Haïfa. Personne, même parmi les antisionistes les plus enragés, ne trouve à redire à Haifa. Et la vraie gageure, pour moi, sera de vous amener à Jérusalem – et là, à Jérusalem, sur ce fameux Mont Scopus où les premiers pionniers ont, avant même que l’Etat ne soit formé, créé l’Université hébraïque qui en fut pour ainsi dire la matrice et où, quaranre ans plus tard, en 1967, ont eu lieu les combats les plus acharnés pour l’unification de la ville. Haïfa pour vous, Jérusalem pour moi : je crois que les conditions d’un film, et d’une discussion, seront réunies.
Amitié.
De ce nouveau projet, donc, rien n’a jamais filtré.
Les biographes de Godard, en France comme aux Etats-Unis, n’en savent visiblement rien.
Il n’y a rien à en savoir, dira-t-on, puisque ce film, comme les autres, comme tous ceux que j’évoque dans ce récit, ne verra finalement jamais le jour ?
On peut dire cela, oui.
C’est même, au sens strict, la vérité.
Sauf que ce n’est pas tout à fait rien, un projet. Et que, s’agissant d’un projet sur Israël, s’agissant d’un projet de film de Jean-Luc Godard à propos d’Israel et tourné en Israël, s’agissant d’un film où celui qui, en Mai 1968 et après, trempa, comme beaucoup d’autres, dans les délires tiers-mondistes les plus bêtes devait se mettre au clair avec la question qui l’agite, l’obsède, le hante depuis tant d’années, ce « pas tout à fait rien », ce « mieux que rien », est, sans doute, encore un peu plus.
Mais l’histoire n’est pas finie.
Document 3.
Dimanche 3 octobre 2006. Deuxième lettre de Jean-Luc Godard à Bernard-Henri Lévy.
Cher B-H L,
Merci de votre message transmis par A. Sarde de vive voix. Mais je pense que le chiffre trois était un bon chiffre (le tiers état, le tiers exclus) et si l’on garde le dispositif agréé par tous sauf un, il faut également garder ce triangle-trio et ne pas en faire un duo. J’ai lu votre dernier article du « Point ». A propos du terme allemand d’ « auslesen », il me semble qu’on oublie le plus souvent la composante « aus », propre, si j’ose dire, à la langue allemande, dans beaucoup de sale besogne.
Amicalement à vous.
J-L G
Copie à G. Sandoz
Le « dernier article du Point » est le bloc-notes que je venais de consacrer au discours de Benoit XVI à Ratisbonne et où je disais, une fois de plus, l’urgence de « séparer, dans cette région du monde et de l’esprit, les deux partis : les islamofascistes, d’un côté, dont chaque appel au meurtre ou au suicide, chaque prêche djihadiste, est comme un crachat à la face des musulmans du monde entier, et, de l’autre, les héritiers d’Averroès et Avicenne, tenants obstinés et parfois héroïques de la douceur, de la rationalité, des Lumières de l’islam ».
Le message « transmis par Sarde de vive voix » concernait la date de notre départ, prévu pour le 27 novembre ; les étapes du voyage que je voyais à présent plus nombreuses que celles (Haïfa, Jérusalem) sur lesquelles nous nous étions d’abord entendus ; et il concernait, aussi, quelques questions de moindre importance (hébergement ; choix du King David à Jérusalem plutot que le Michkenot Shehananim ; possibilité, enfin, de s’appuyer, en Israël, sur de bonnes équipes techniques et de permettre ainsi à la production, toujours assurée par Sarde, de faire de précieuses économies)
Or force est de constater que Godard, dans cette lettre, ne répond à aucun des points soulevés.
Il ne récuse pas, par exemple, les techniciens israéliens que j’ai contactés.
Il ne propose pas, comme je pouvais le craindre, d’ajouter à la liste de mes étapes des villes palestiniennes.
Il ne dit rien de la date proposée et donc, implicitement, l’entérine.
Non.
Il fait quelque chose de beaucoup plus étrange et dont je dois avouer que je ne vois pas, sur le coup, le sens.
Il dit que le chiffre trois était « un bon chiffre ».
Il dit sa nostalgie du « dispositif agréé par tous sauf un » – autrement dit de notre « Pas un dîner de gala » dont il fait porter la responsabilité de l’échec au seul Lanzmann.
Et, prétendant renouer avec l’esprit de notre défunt dispositif, ressortant significativement du placard, en post scriptum, le nom de celui – Gilles Sandoz – qui en fut le garant mais qui n’a plus rien à voir, normalement, avec la nouvelle entreprise, il propose juste de faire un voyage, non à deux, mais à trois.
Je ne vois pas le piège, je le répète.
Je le vois même si peu que je ne retrouve, dans mes archives, aucune réponse formelle à cette nouvelle proposition.
C’est une question que, dans mon esprit, nous aborderons aussi bien de vive voix.
Et c’est, de fait, ce qui se produit, huit jours plus tard, le 11 octobre, en début d’après-midi, au premier étage du Flore.
Nous évoquons, si j’en crois mes notes, des noms de réalisateurs susceptibles de travailler avec mes techniciens israéliens (Alain Ferrari de mon côté, Julien Hirsch du sien).
Nous réduisons, à sa demande, le temps du voyage et, donc, le nombre des lieux de tournage (Jérusalem et Haïfa toujours – plus Safed, Tiberiade, Tel Aviv, la Mer Morte).
Comme à l’époque de Pas un dîner de gala nous jouons, un peu, au chat et à la souris (le jeu consistant, cette fois, à faire assumer par l’autre le « vrai » désir de ce nouveau film – « c’est vous qui y tenez… non, c’est vous….).
Je tente, concernant Lanzmann, de rétablir la vérité en rappelant un certain nombre d’épisodes censés démontrer que la responsabilité de l’échec fut pour le moins équitablement partagée.
Et, enfin, nous parlons de cette affaire du « deux » ou du « trois » : lui reprenant, mais sans avoir l’air d’y tenir plus que ça, le thème de sa lettre et moi soulignant : primo que l’intérêt de ce nouveau film sera dans le choc de deux propositions et que le duel s’y prêtera, par définition, mieux qu’un schéma triangulaire ; et, secundo, que s’il fallait revenir au trio, la plus élémentaire courtoisie voudrait que la première personne approchée soit, précisément, Claude Lanzmann.
Nous en restons là.
Godard ne dit ni oui ni non.
Il reste étrangement évasif, comme si je l’avais ébranlé.
Et nous nous quittons en nous promettant, chacun de notre côté, de réfléchir – et de nous revoir afin de trancher.
Quelques jours passent. J’omets de rappeler. Et c’est alors que je reçois cette nouvelle lettre, l’avant-dernière – où je découvre que les variations godardiennes sur le chiffre trois étaient moins innocentes qu’il n’y paraissait…
Document 4.
Lettre de Jean-Luc Godard à Bernard-Henri Lévy ; première partie (16 octobre 2006)
Cher ami,
Suite à votre proposition d’un dialogue-entretien entre nous, dans des lieux choisis par vous, et suite à notre conversation ces jours derniers en compagnie d’A.S., je vous confirme que :
1.Je suis partant pour cette « chose de télévision », à condition que vous en soyez le producteur (ou toute autre personne et/ou société déléguée par vous seul) et acteur, alors que je n’en serai que simple acteur, et comme tel, sans aucun autre droit que d’être rétribué pour le tournage, en prenant à ma charge sur ce salaire les déplacements et l’hébergement sur les lieux décidés par la production (cette dernière ne pouvant être en aucun cas « Wild Bunch » envers qui A.S. et moi-même avons déjà des engagements).
Ainsi que dans tous les « deals » semblables m’ayant été proposés, cette rétribution est de 100 000 euros, à moi directement et/ou en partie à des personnes et/ou des organismes que je désignerai (par exemple « Amnesty International », « Paris-Sarajevo », etc.)
Le titre de cette production télévisée, seuls vous et la production le choisiront, feront le montage, la musique, la publicité, etc.
Je coupe cette lettre en deux. Car sa première partie ne pose évidemment aucun problème. Et j’ai même le sentiment, en la lisant, que notre projet est, plus que jamais, en bonne voie.
Godard y confirme son acceptation des lieux de tournage que j’ai choisis.
Il entre, ce qui me paraît bon signe, dans le détail de l’économie du projet.
Il fixe – ce qui, en bonne godardologie, est, paraît-il, mieux que bon signe – le montant de sa rémunération et les modalités de son versement.
La seule petite surprise concerne notre ami commun Alain Sarde qui se voit destitué, à mon profit, du rôle de producteur qui était, jusque là, le sien – mais je m’avise, en lui téléphonant, que l’idée n’a été avancée qu’avec son assentiment exprès et qu’elle n’est dictée, souligne-t-il, que par un souci d’efficacité, de simplicité, de faisabilité, plus grandes.
Mais voici qu’arrive le meilleur – voici, dans cette lettre-type de la rhétorique et casuistique godardienne, la proposition qui va, bien entendu, me faire bondir :
Document 4bis.
Suite de la lettre du 16 octobre 2006, adressée par Jean-Luc Godard à Bernard-Henri Lévy.
2) en repensant à votre proposition, et à votre regret que le film prévu avec C. Lanzmann, envisagé à l’époque, ne puisse s’être fait, mon opinion est que l’intéressant dans cet ancien projet consistait dans ses trois éléments (mis à jour par G. Dumézil dans ses travaux, et que le bon peuple respecte sous le nom de « règle de 3 », ou, comme le disait le vieux professeur de philo à ma mère : « l’un est dans l’autre, et l’autre est dans l’un, et ce sont les trois personnes » (Léon Brunschvicg).
Peut-être que cette ancienne « chose », également de télévision, mais sans doute plus proche d’un cinéma de résistance que défendit pendant cinquante ans la regrettée Danièle Huillet, peut-être pourrait-elle à nouveau en/dé-visagée avec un autre que l’actuel directeur des « Temps Modernes ».
Peut-être un historien, un scientifique, peu importe la nationalité. Vous connaissez pas mal plus de monde que moi pour constituer l’affiche souhaitée.
Pourquoi pas quelqu’un comme Tarik [sic] Ramadan, étant donné que les données de base ne seraient plus les mêmes, mais que le découpage resterait pareil*, et dans ce cas, que nous déciderions ensemble à qui confier la production. Le titre cette fois serait : « Terre promise ».
Cordialement à vous.
Jean-Luc Godard
*il faudrait le retrouver chez Pierre Chevalier, Sandoz, ou vous-même, J.Hirsch et moi-même ne l’ayant plus.
Copie A. Sarde
On admirera, dans cette seconde partie de la lettre, la malice de l’allusion à mon « regret que le film prévu avec C. Lanzmann, envisagé à l’époque, ne puisse s’être fait ».
On appréciera que Godard, qui semble y croire plus que jamais, baptise notre film et, je trouve, le baptise bien : « Terre Promise » – il fallait y penser ; il fallait, pour y penser, le talent godardien des titres.
Mais on notera aussi l’apparition soudaine d’un nom qui, en fait d’« historien » ou de « scientifique » se pose là : celui du représentant, en Europe, des redoutables Frères musulmans ; celui du tenant le plus insidieux de ce que je commence d’appeler la « fascislamisme » et que je passe ma vie à combattre ; on notera l’apparition du nom de Tariq Ramadan.
Godard sait-il ce qu’il fait en avançant ce nom ?
M’imagine-t-il un seul instant dialoguer, entre Jérusalem et Tibériade, avec l’auteur d’un article que viennent de refuser la totalité des journaux français car il y dressait la liste, supposée infâmante, des intellectuels français « d’origine juive » ?
Faut-il être tordu, ou naïf, ou tragiquement sous–informé, pour ne pas comprendre que l’irruption de ce troisième personnage dans notre projet de débat le rendait, tout à coup, et pour moi, impossible?
Je ne le saurai jamais.
Et ce n’est pas l’échange suivant, le tout dernier, qui m’aura aidé à éclaircir ce mystère ultime.
Document 5.
Lettre de Jean-Luc Godard à Bernard Henri Lévy (suivie d’une lettre de Bernard-Henri Lévy à Jean-Luc Godard) – Dimanche 22 octobre 2006
Cher ami,
A.S. me fait savoir que vous avez dit avoir répondu à mon fax du 16 courant. Mais je n’ai encore rien reçu. Peut-être avez-vous envoyé la réponse au siège social de Paris. Dans ce cas, je vous prie de la faxer au numéro ci-dessus.
Amicalement.
Jean-Luc Godard
Cette réponse que Jean-Luc Godard dit n’avoir pas reçue s’est-elle perdue ? Ou est-ce moi qui, comme il le suppose, me serais trompé de fax ? Tout est possible. A ce degré de malentendu, nul n’est à l’abri de son propre inconscient et des tours qu’il lui joue. Et chacun, moi compris, a droit à sa part de lapsus. En tout cas la voici.
Cher Jean-Luc Godard
Tout m’allait dans votre lettre sauf un point ou, plus exactement, un nom : celui de Tariq Ramadan. Autant je me faisais une joie de ce voyage en Israël avec vous, autant l’idée même de débattre avec ce personnage est, pour moi, inimaginable et, surtout, dénuée d’intérêt. Et je dois vous avouer que le fait que vous y ayez songé et que, me connaissant, vous me la suggériez, me donne à réfléchir. Pouvez-vous, avant que nous allions plus avant, m’éclairer sur les raisons qui vous ont fait penser à un homme que je tiens, moi, pour un fasciste doublé d’un as du double discours ?
Bien à vous.
Bernard-Henri Lévy
A cette dernière lettre, en revanche, je sais ou, en tout cas, j’ai l’impression – car peut-être, après tout, y eut-il, de ce côté aussi, malentendu – que Godard n’a pas répondu. Mieux : jusqu’au printemps 2010, date de la pétition pour Roman Polanski que nous avons lancée, ensemble, à la veille du Festival de Cannes, nous ne nous sommes plus ni revus ni parlés. Et c’est ainsi que le projet de « Terre Promise » s’est dégonflé à son tour – doucement, piteusement, sans explication ni acte de rupture explicite, l’un attendant de l’autre, et l’autre de l’un, une réponse qui n’est jamais arrivée.
L’histoire du cinéma, elle aussi, a ses limbes où végètent les films mort-nés. Et c’est là qu’est le secret de ce nouveau film rêvé, espéré, mais à nouveau sabordé. Une seule certitude. Ou, plutôt, deux. Jean-Luc Godard a bel et bien projeté, à cette date – et, je crois, avec sincérité – un voyage dans l’Etat des Juifs. Ce voyage a été annulé, le cinéaste a succombé à cette autre version d’un complexe d’Hannibal élaboré par les Freudiens pour dire l’incapacité à entrer, non dans Jérusalem, mais dans Rome, lorsqu’il a voulu associer à ce qui aurait pu être un beau geste une crapule avérée. A chacun de conclure, alors, selon son tempérament ou son humeur. A chacun de privilégier la bonne volonté de la démarche ou la perversité du dénouement. Et désolé si l’on ne se sent pas, du coup, plus avancé.
Bonjour,
Je découvre ce site après votre interview ce vendredi matin 17 Décembre sur LCP, par Michel Colombani.
Je ne l’ai pas prise au début, mais à « mi chemin » et j’essaierai de la réécouter en une rediffusion, s’il en est.
Hors du sujet Godard ici exposé, je vous ai écouté ébahi ce matin, défendre le rôle de Pie XII pendant la Shoah.
Vous avez des qualités indéniables de rhétorique à faire passer des messages, qui sous votre faconde sont donc évidents et qui vous l’avez compris ne le sont pas pour moi.. et bien d’autres.
Le silence de Pie XII, vous le savez je pense, n’est pas seulement pendant cette période barbare, mais même après la guerre.
Cela ne vous gène-t-il pas ?
Vous rejetez d’un tour de main l’accès aux archives de l’époque, mais pourquoi donc, et de quel droit ?
S’il n’y a rien à cacher, alors ouvrons les plus de 60 ans après, surtout si c’est un des points de rupture à éclaircir entre Judaïsme et Christianisme !
Et ce d’autant que le Pape d’aujourd’hui, tellement en contradiction en ses actes et paroles, avec Jean XXIII, veut canoniser Pie XII.
On déclare « saint » quelqu’un qui l’est, par ce qui est clair et au grand jour de sa personnalité, mais pas quelqu’un dont on veut qu’elle reste dans l’ombre.
@Asermourt : vous faites un, non en fait de multiples procès d’intention, d’analyses retrospectives, et même retrogrades. Une chose : « Cet homme fut l’Élu de Dieu parce que cet homme choisit d’être élu. » Dieu choisit et l’homme reçoit, car dans tout acte de foi il est une croyance et non un désir. C’est cela la foi, et croire que l’homme choisit sa religion, ou sa foi, n’est que propagande perpetrée. Qui est-on pour se donner autant d’importance ? On croit parce que l’on sait, non pas parce que c’est cela qu’on apprend, sinon ça s’appelle de la logique et c’est démontrable. Et Dieu n’est pas un argument ou une caution.
Non Monsieur BHL, Israël n’est pas « l’état des juifs » il est le pays des israéliens et basta. De plus en plus de juifs de la diaspora ne se reconnaissent pas dans ce pays où les droits de l’homme changent en fonction du coté du mur (de la honte) ou l’on se trouve.
Je vous en prie, respectez moi comme je vous respecte et cesser de penser que la diaspora est totalement sioniste ce qui est loin, très loin d’être la cas.
Évidemment Nina, bien sûr pas pour vous, l’État d’Israël est celui des Juifs
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Quand on sait au contraire le lien non pas seulement historique, mais viscéral qui unit les Juifs de la Diaspora à Israël et ils l’ont maintes fois montré, vous osez
« de plus en plus ne s’y reconnaissent pas »
et que « c’est loin d’être le cas que la Diaspora soit sioniste »
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Au moins je vous accorde le bénéfice du « totalement ».
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Et bien Nina, c’est très facile de jeter à l’emporte pièce des paroles comme les vôtres dans le vent.
Le fameux « mentez, mentez il en restera toujours quelque chose »
Sur quoi vous basez-vous ?
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Vos mots n’ont que votre importance, et ma parole vaut évidemment largement la votre.
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Et veuillez arrêter avec ce terme honteux de « mur de la honte » !
Vous le savez et manquez d’honnêteté en oubliant volontairement qu’il a arrêté tous les attentats terroristes depuis qu’il existe et, je préfère que dans votre bouche il soit « honteux » mais qu’il ait sauvé des vies humaines !
Et puis vous utilisez à tort et à travers le terme de « mur », alors que, à nouveau l’honnêteté, devrait vous pousser à vérifier que la partie « mur » ne représente que moins de 5% d’une barrière électrifiée et « bourrée » de technologie de détection d’intrus !
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Et sachez que moi Juif, je me sens plus enfermé dans ce « mur », comme malheureusement dans un ghetto, avec la seule Méditerranée derrière, que les palestiniens qui ont toutes les terres arabes autour pour liberté !
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Je suis par contre comme beaucoup de Juifs qui n’avaient plus que leur violon à transporter, rêveur et poète, alors permettez (et même Georges Bush) :
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Je m’appelle Israël et suis un État Juif
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Je m’appelle Israël et suis un État Juif !
Et alors vous monsieur qui se veut journaliste ?
Je suis né de tous ceux dont on a fait du suif,
Nulle « erreur de langage », oui, voyez-vous j’existe !
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En votre absurdité, de quel droit s’il vous plait,
Allez-vous décider du nom que l’on me donne ?
Voyez-vous je fleuris, laisse pousser mon blé,
Pour ceux qui ont l’amour de ma flore et ma faune.
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Avant que, sur mon sol, reviennent les hébreux,
J’étais nu, désolé, un pays presque aride,
Ils m’ont redonné vie, au nom de leurs aïeux,
J’ai même rajeuni, soixante ans et sans ride.
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Je m’appelle Israël, excusez-moi du peu !
La région alentour s’affiche musulmane ;
Votre Europe est chrétienne et nul ne s’en émeut ;
Honorez donc le Juif qui de mon âme émane !
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15 Janvier 2008
© Charly Lellouche
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Réponse à Philippe Rochot de France 2 qui a osé qualifier de « dérapage »
les paroles de George Bush, sur le caractère juif de l’État d’Israël.
c’est marrant, quand je lis crapule avérée, ce n’est pas à Tariq Ramadan que je pense en premier…
ONE – On a tous connu cela, le jour où l’on a cessé de nous appeler «Prénom» pour nous donner du Monsieur «Nom». La première chose qui nous soit venue à l’esprit, fut qu’on nous avait confondu avec notre propre père. Or le patronyme ne porte-il pas bien son nom? GODard va répondre à Pivot. Je ne suis pas GODard. GODard, c’est mon (P)ère. Moi, c’est Jean-Luc. Or l’à bout de souffle chronique va confesser quelques minutes plus tard que monsieur GODard avait collaborayotté durant la seconde guerre mondiale. Quelle était la question, déjà… Ah oui! GODard est-il antisémite? Il me semble que Jean-Luc a répondu à la question.
+ ONE – Au ressac de la France Libre vint une Nouvelle Vague. Comment résister à Vichy. En rejoignant De Gaulle. Comment résister à De Gaulle…? Or c’est en chantres du contre-pouvoir, et de l’antisystème, que les fils maudits, chefs uniquement de file d’une avant-garde néo-naturaliste, chassèrent la vieille-garde poussiéreuse, engourdie, confinée dans ses décors de carton-pâte. Et défier la Cinquième république, c’est défier quoi? c’est défier qui? La couleur politique de la vague dans laquelle s’engouffrèrent les nouveaux surfeurs n’est un scoop pour aucun cinéphile. Premier héros, Maurice Sachs réincarné d’un coup d’ABRACADABRA en Michel Poiccard, gestapiste fantôme en cavale, «Qu’est-ce que c’est dégueulasse?», bardé du bandeau léniniste : «Nous sommes tous des morts en permission», et trahi en bout de course par l’Amérique aux cheveux d’or très courts, quasi tondus. Premier sujet d’étude, donc, le seul Juif suffisamment automutilé pour avoir pu vingt ans plus tôt rallier la Gestapo, pour sauver sa peau. Et clin d’œil d’Hitch, le délateur gaulliste (JLG en personne) dénonçant aux forces de l’ordre gaullien le fils d’un certain Belmondo, ex-vice-président de la section arts du Groupe Collaboration. Pourtant, à naviguer dans les eaux godardiennes depuis bientôt trente ans, il me semble que ce millimètre à penser ne se laisse pas si facilement réduire à de l’Autant-Lara. Ce qui fait pousser son urticaire, je ne crois pas que ce soient les Juifs à proprement parler, mais l’idée d’un étant juif conçu comme victime absolue d’un crime absolu, innocent absolu vis-à-vis d’un criminel absolu. Godard semble persécuté par cette idée que les victimes indirectes de son père feraient circuler dans ses propres veines un sang inhumain. Alors, il ne peux plus s’empêcher d’humaniser le mal en vue de se réhumaniser lui-même en tant que fils du mal. Et le moyen le plus sûr de redonner au mal son humanité sera de le judaïser. De démontrer par a + b que le mal peut aussi être juif. Or, cher, très cher Jean-Luc, pensez-vous vraiment que nous autres Juifs vous ayons attendu pour savoir que le mal est en nous-mêmes autant qu’en tout fils d’Adâm et de Hava? Pensez-vous que la réception de la Torah nous ait rendus exhaustivement justes d’un simple coup de lettres, ou que les 613 mitzvot aient jamais cessé d’induire aux 613 propensions à leur transgression?
+ ONE – «Cet air-là, vous pouvez pas savoir ce que ça évoque pour moi. Cet air, vous entendez là?» à la mélodie duquel ce p(é)cheur du port que Pierrot le fou va prendre pour un fou, attribue le sens de : «Voulez-vous m’aimer?», mimant d’une main la main de la jeune fille et de l’autre la sienne, la caressant sur le dos et commentant la scène : «Alors j’ai acheté le disque de ça parce que cette musique ça m’avait… (tripes onomatopesques) c’est de l’hystérie collective après tout c’est… c’est ça» et d’enchaîner après avoir bien essuyé son premier rateau, vers un deuxième avec la même musique de fond au tréfonds de la tête : «Voulez-vous m’aimer?», mais cette fois sur la paume, la caresse, une supplique par en-dessous, et repoussant ces avances mielleuses, cette main prise encore par surprise ne décourage pas davantage notre vétéran-comique du STO dont la troisième fille, celle qu’il va «après tout», excédé qu’il est, caresser à l’excès, des deux côtés de la main, s’abandonnera entre les siennes, à rendre son «Voulez-vous m’aimer» aussi repoussant à ses yeux que l’avaient été les siens aux yeux des deux premières. Vous aurez tous reconnu, mesdames, messieurs, sous la peau de la première main : La France! (Applaudissements) Impeccablement incarnée par une deuxième main oscillant entre débauche et virginalité : L’Allemagne!! (Applaudissements) Et pour finir, délicieusement campée d’une troisième main aussi irrésistible que maligne : Les États-Unis d’Amérique!!! (Applaudissements)
+ ONE – Il ne me semble pas que Godard éprouve le désir de dire du mal des Juifs. J’ai plutôt le sentiment que ce qu’il cherche, c’est à dire des choses qui vont leur faire du mal. Mais la perversité patente qu’il démontre au fil des documents versés au dossier de son antisémitisme présumé, ne me paraît pour le moins pas tellement catholique. Une forme de loi du talion de son crû y présiderait même. Comme s’il ne pouvait plus tenir en place une seconde de plus en présence de celui dont la seule présence lui coupe le souffle, ce non-non-juif dont la négativité au carré miraculeusement positive nie carrément sa propre positivité. Ce Juif qui parce qu’il l’est fait de lui un homme qui n’est pas, en l’occurrence, juif, mais avant tout un homme dont l’identité dans ce miroir-là, serait de n’être pas. Or qu’est-ce que ça me ferait à moi si l’on venait m’expliquer un jour que j’étais né hors-la-Loi? Ne serais-je pas tenté d’aller immédiatement me placer sous protection celto-triadique? Ne ferais-je pas confiance à la règle de 3, et lorsque mon plan serait mis en échec par un irréductible, ne serais-je pas prêt à faire mal, y compris à mal faire, pour éjecter de ma trinité l’unité qui ne se laisse pas phagocyter, afin d’abord de revenir à trois moins Un dont résulterait un dualisme qui statistiquement, offre davantage de chance de m’inclure que ce monothéisme pur et dur, et enfin à ce tiers exclus qui me ferait enfin un, ce tiers état auquel je ne cesserais jamais plus de m’identifier, (moi, pauvre) fils d’Adâm condamné à mordre la poussière au côté du Rival rampant? Et ne serais-je pas soulagé que l’1; 2 vienne me dire que l’on m’avait mal lu, que cette Élection-Là n’était pas bassement littérale, mais hautement littéraire, que ce n’était qu’une façon, parmi d’autres, de contrevenir au désir d’exclusion travaillant cet adâm toujours enclin à saisir sa malchance? Ne me sentirais-je pas béni, en tant que tiers inclus? C’est de la mathématique Iohânan Loucas! Qui a choisi de recevoir le Dieu des deux Toroth aura été l’élu du Dieu des deux Toroth. Qui a choisi de recevoir le Dieu de la Septante et des Évangiles aura été l’élu du Dieu de la Septante et des Évangiles. Qui a choisi de recevoir le Dieu du Coran aura été l’élu du Dieu du Coran. Il n’aura plus à rêver d’une «terre (promise» à n’importe qui plutôt qu’à) Moïse, comme au sein d’un duel de frères amoureux d’une même femme que le cadet des deux va jeter dans les bras d’un demi-frère qu’il n’avait jamais vu, plutôt que d’entendre la toute belle ronronner sur le ventre de son aîné. Il entendra, dans l’acception que prêtait à l’audition ce «pauvre» W. Benjamin auquel avant que de soigneusement le déprénommer, lui arracher une part de germanité qu’un fils de la douzième tribu n’est pas censer partager avec ses cousins issus de germain, il enlevait toute forme de richesse quand il n’entendait pas, quand il ne pouvait pas s’empêcher de pratiquer le double sentiment, comme par exemple ici, la contemption fait de l’entrisme au siège de la compassion. Il écoutera Israël, et il verra ce qu’il entendra. Cet homme fut l’Élu de Dieu parce que cet homme choisit d’être élu. Il a choisi de l’être comme un homme choisit d’introduire un pied, puis un autre, à l’intérieur d’un cercle tracé dans la terre avec un bâton. Il n’a pas pu dire une fois entré dedans que tous les hommes faisaient partie de ce peuple, car ceux qu’il appelait «fils de Noah» étaient restés à l’extérieur du cercle, à son exception près. Alors, pourquoi, après, encore, appeler le peuple d’Israël, le «peuple élu»? Afin de se rappeler, que la foi dans le Dieu unique résulte d’un choix. Et comment mieux insuffler à l’âme ce principe de responsabilité qu’en n’oubliant pas que lorsque l’un a choisi Un dieu, d’autres au même moment en choississaient d’autres.
+ ONE – Trois fois devient coutume, refaisons-nous l’avocat du diable, ce qui ne sera pas pour déplaire à ce GOD au DARD. Le scribe du septième art nous laisse le soin de la ponctuation. Il place des mots issus d’un tissu de pensées déchirées. Il dit ALLEMAND JUIF ARABE. Concluons-en, si nous voulons, que les Allemands firent hier aux Juifs ce que les Juifs font aujourd’hui aux Arabes. Mais sommes-nous sûrs que Godard ait dit ou pensé ceci ou cela? Nous lisons LES JUIFS SE SONT LAISSÉ CONDUIRE COMME DES MOUTONS ET EXTERMINER (EN KAMIKAZES) DANS LES CHAMBRES À GAZ et nous n’avons pas lu les quatre éléments essentiels de la phrase que nous n’avons pas vus. Comment aurions-nous pu quand c’était à nous de les placer dedans? Reprenons donc et n’oublions pas cette fois les «si», «virgule», «quoi» et «point d’interrogation». SI LES JUIFS SE SONT LAISSÉ CONDUIRE COMME DES MOUTONS ET EXTERMINER (EN KAMIKAZES) DANS LES CHAMBRES À GAZ, QUOI? Godard pourrait ainsi nous dire SAKINEH DOIT ÊTRE LAPIDÉE sans qu’il nous ait jamais dit QUE Sakineh devait l’être. Est-ce que Godard est antisémite? C’est à lui de répondre. Ce que je crois, c’est que Godard est quelque chose de très rare dans l’histoire occidentale. Un talmudiste chrétien. CELA NE FAIT QU’ACCROÎTRE SON ANTISÉMITISME.
ONE – On a tous connu cela, le jour où l’on a cessé de nous appeler «Prénom» pour nous donner du Monsieur «Nom». La première chose qui nous soit venue à l’esprit, fut qu’on nous avait confondu avec notre propre père. Or le patronyme ne porte-il pas bien son nom? GODard va répondre à Pivot. Je ne suis pas GODard. GODard, c’est mon (P)ère. Moi, c’est Jean-Luc. Or l’à bout de souffle chronique va confesser quelques minutes plus tard que monsieur GODard avait collaborayotté durant la seconde guerre mondiale. Quelle était la question, déjà… Ah oui! GODard est-il antisémite? Il me semble que Jean-Luc a répondu à la question.
+ ONE – Au ressac de la France Libre vint une Nouvelle Vague. Comment résister à Vichy. En rejoignant De Gaulle. Comment résister à De Gaulle…? Or c’est en chantres du contre-pouvoir, et de l’antisystème, que les fils maudits, chefs uniquement de file d’une avant-garde néo-naturaliste, chassèrent la vieille-garde poussiéreuse, engourdie, confinée dans ses décors de carton-pâte. Et défier la Cinquième république, c’est défier quoi? c’est défier qui? La couleur politique de la vague dans laquelle s’engouffrèrent les nouveaux surfeurs n’est un scoop pour aucun cinéphile. Premier héros, Maurice Sachs réincarné d’un coup d’ABRACADABRA en Michel Poiccard, gestapiste fantôme en cavale, «Qu’est-ce que c’est dégueulasse?», bardé du bandeau léniniste : «Nous sommes tous des morts en permission», et trahi en bout de course par l’Amérique aux cheveux d’or très courts, quasi tondus. Premier sujet d’étude, donc, le seul Juif suffisamment automutilé pour avoir pu vingt ans plus tôt rallier la Gestapo, pour sauver sa peau. Et clin d’œil d’Hitch, le délateur gaulliste (JLG en personne) dénonçant aux forces de l’ordre gaullien le fils d’un certain Belmondo, ex-vice-président de la section arts du Groupe Collaboration. Pourtant, à naviguer dans les eaux godardiennes depuis bientôt trente ans, il me semble que ce millimètre à penser ne se laisse pas si facilement réduire à de l’Autant-Lara. Ce qui fait pousser son urticaire, je ne crois pas que ce soient les Juifs à proprement parler, mais l’idée d’un étant juif conçu comme victime absolue d’un crime absolu, innocent absolu vis-à-vis d’un criminel absolu. Godard semble persécuté par cette idée que les victimes indirectes de son père feraient circuler dans ses propres veines un sang inhumain. Alors, il ne peux plus s’empêcher d’humaniser le mal en vue de se réhumaniser lui-même en tant que fils du mal. Et le moyen le plus sûr de redonner au mal son humanité sera de le judaïser. De démontrer par a + b que le mal peut aussi être juif. Or, cher, très cher Jean-Luc, pensez-vous vraiment que nous autres Juifs vous ayons attendu pour savoir que le mal est en nous-mêmes autant qu’en tout fils d’Adâm et de Hava? Pensez-vous que la réception de la Torah nous ait rendus exhaustivement justes d’un simple coup de lettres, ou que les 613 mitzvot aient jamais cessé d’induire aux 613 propensions à leur transgression?
+ ONE – «Cet air-là, vous pouvez pas savoir ce que ça évoque pour moi. Cet air, vous entendez là?» à la mélodie duquel ce p(é)cheur du port que Pierrot le fou va prendre pour un fou, attribue le sens de : «Voulez-vous m’aimer?», mimant d’une main la main de la jeune fille et de l’autre la sienne, la caressant sur le dos et commentant la scène : «Alors j’ai acheté le disque de ça parce que cette musique ça m’avait… (tripes onomatopesques) c’est de l’hystérie collective après tout c’est… c’est ça» et d’enchaîner après avoir bien essuyé son premier rateau, vers un deuxième avec la même musique de fond au tréfonds de la tête : «Voulez-vous m’aimer?», mais cette fois sur la paume, la caresse, une supplique par en-dessous, et repoussant ces avances mielleuses, cette main prise encore par surprise ne décourage pas davantage notre vétéran-comique du STO dont la troisième fille, celle qu’il va «après tout», excédé qu’il est, caresser à l’excès, des deux côtés de la main, s’abandonnera entre les siennes, à rendre son «Voulez-vous m’aimer» aussi repoussant à ses yeux que l’avaient été les siens aux yeux des deux premières. Vous aurez tous reconnu, mesdames, messieurs, sous la peau de la première main : La France! (Applaudissements) Impeccablement incarnée par une deuxième main oscillant entre débauche et virginalité : L’Allemagne!! (Applaudissements) Et pour finir, délicieusement campée d’une troisième main aussi irrésistible que maligne : Les États-Unis d’Amérique!!! (Applaudissements)
+ ONE – Il ne me semble pas que Godard éprouve le désir de dire du mal des Juifs. J’ai plutôt le sentiment que ce qu’il cherche, c’est à dire des choses qui vont leur faire du mal. Mais la perversité patente qu’il démontre au fil des documents versés au dossier de son antisémitisme présumé, ne me paraît pour le moins pas tellement catholique. Une forme de loi du talion de son crû y présiderait même. Comme s’il ne pouvait plus tenir en place une seconde de plus en présence de celui dont la seule présence lui coupe le souffle, ce non-non-juif dont la négativité au carré miraculeusement positive nie carrément sa propre positivité. Ce Juif qui parce qu’il l’est fait de lui un homme qui n’est pas, en l’occurrence, juif, mais avant tout un homme dont l’identité dans ce miroir-là, serait de n’être pas. Or qu’est-ce que ça me ferait à moi si l’on venait m’expliquer un jour que j’étais né hors-la-Loi? Ne serais-je pas tenté d’aller immédiatement me placer sous protection celto-triadique? Ne ferais-je pas confiance à la règle de 3, et lorsque mon plan serait mis en échec par un irréductible, ne serais-je pas prêt à faire mal, y compris à mal faire, pour éjecter de ma trinité l’unité qui ne se laisse pas phagocyter, afin d’abord de revenir à trois moins Un dont résulterait un dualisme qui statistiquement, offre davantage de chance de m’inclure que ce monothéisme pur et dur, et enfin à ce tiers exclus qui me ferait enfin un, ce tiers état auquel je ne cesserais jamais plus de m’identifier, (moi, pauvre) fils d’Adâm condamné à mordre la poussière au côté du Rival rampant? Et ne serais-je pas soulagé que l’1; 2 vienne me dire que l’on m’avait mal lu, que cette Élection-Là n’était pas bassement littérale, mais hautement littéraire, que ce n’était qu’une façon, parmi d’autres, de contrevenir au désir d’exclusion travaillant cet adâm toujours enclin à saisir sa malchance? Ne me sentirais-je pas béni, en tant que tiers inclus? C’est de la mathématique Iohânan Loucas! Qui a choisi de recevoir le Dieu des deux Toroth aura été l’élu du Dieu des deux Toroth. Qui a choisi de recevoir le Dieu de la Septante et des Évangiles aura été l’élu du Dieu de la Septante et des Évangiles. Qui a choisi de recevoir le Dieu du Coran aura été l’élu du Dieu du Coran. Il n’aura plus à rêver d’une «terre (promise» à n’importe qui plutôt qu’à) Moïse, comme au sein d’un duel de frères amoureux d’une même femme que le cadet des deux va jeter dans les bras d’un demi-frère qu’il n’avait jamais vu, plutôt que d’entendre la toute belle ronronner sur le ventre de son aîné. Il entendra, dans l’acception que prêtait à l’audition ce «pauvre» W. Benjamin auquel avant que de soigneusement le déprénommer, lui arracher une part de germanité qu’un fils de la douzième tribu n’est pas censer partager avec ses cousins issus de germain, il enlevait toute forme de richesse quand il n’entendait pas, quand il ne pouvait pas s’empêcher de pratiquer le double sentiment, comme par exemple ici, la contemption fait de l’entrisme au siège de la compassion. Il écoutera Israël, et il verra ce qu’il entendra. Cet homme fut l’Élu de Dieu parce que cet homme choisit d’être élu. Il a choisi de l’être comme un homme choisit d’introduire un pied, puis un autre, à l’intérieur d’un cercle tracé dans la terre avec un bâton. Il n’a pas pu dire une fois entré dedans que tous les hommes faisaient partie de ce peuple, car ceux qu’il appelait «fils de Noah» étaient restés à l’extérieur du cercle, à son exception près. Alors, pourquoi, après, encore, appeler le peuple d’Israël, le «peuple élu»? Afin de se rappeler, que la foi dans le Dieu unique résulte d’un choix. Et comment mieux insuffler à l’âme ce principe de responsabilité qu’en n’oubliant pas que lorsque l’un a choisi Un dieu, d’autres au même moment en choississaient d’autres.
+ ONE – Trois fois devient coutume, refaisons-nous l’avocat du diable, ce qui ne sera pas pour déplaire à ce GOD au DARD. Le scribe du septième art nous laisse le soin de la ponctuation. Il place des mots issus d’un tissu de pensées déchirées. Il dit ALLEMAND JUIF ARABE. Concluons-en, si nous voulons, que les Allemands firent hier aux Juifs ce que les Juifs font aujourd’hui aux Arabes. Mais sommes-nous sûrs que Godard ait dit ou pensé ceci ou cela? Nous lisons LES JUIFS SE SONT LAISSÉ CONDUIRE COMME DES MOUTONS ET EXTERMINER (EN KAMIKAZES) DANS LES CHAMBRES À GAZ et nous n’avons pas lu les quatre éléments essentiels de la phrase que nous n’avons pas vus. Comment aurions-nous pu quand c’était à nous de les placer dedans? Reprenons donc et n’oublions pas cette fois les «si», «virgule», «quoi» et «point d’interrogation». SI LES JUIFS SE SONT LAISSÉ CONDUIRE COMME DES MOUTONS ET EXTERMINER (EN KAMIKAZES) DANS LES CHAMBRES À GAZ, QUOI? Godard pourrait ainsi nous dire SAKINEH DOIT ÊTRE LAPIDÉE sans qu’il nous ait jamais dit QUE Sakineh devait l’être. Est-ce que Godard est antisémite? C’est à lui de répondre. Ce que je crois, c’est que Godard est quelque chose de très rare dans l’histoire occidentale. Un talmudiste chrétien. SI CELA NE FAIT QU’ACCROÎTRE SON ANTISÉMITISME, QUOI?
Eh bien, un film sur « La Terre Promise » par l’un des signataires, et non des moindres, de l’Appel J-Call ! On l’a échappé bel ! Monsieur BHL, je n’ose imaginer ce que vous auriez fait de Jérusalem. Svp, occupez-vous du monde entier, il y a de quoi faire, mais laissez Israël hors de portée de votre plume. Merci