On croit que Michel Houellebecq vient d’être récompensé du Prix Goncourt. En réalité, c’est le Prix Goncourt qui vient d’être récompensé de Michel Houellebecq. « Le plus farouche orgueil, disait Valéry, naît surtout à l’occasion d’une impuissance. » Michel Houellebecq, pour des raisons qui appartiennent à son agitation intérieure, à sa sensibilité, vivait comme une déception quasi amoureuse de n’avoir pas été couronné par l’Académie Goncourt. Son orgueil avait tenté, avec l’humour hagard et froid qui l’habite, de se forger une carapace. Nous sommes maintenant heureux, tous ensemble ici, que Michel ait obtenu cette récompense. Le Prix Goncourt avait été, il y a dix ans pile, attribué à Jean-Jacques Schuhl. Nous sommes heureux de constater qu’à chaque fin de décennie, un écrivain véritable entre dans le catalogue des primés. Dans dix ans (si je suis bon en calcul) cela devrait être mon tour !
Michel est récompensé pour ce meilleur livre, selon moi, depuis Extension du domaine de la lutte. La Carte et le territoireest déjà un classique de la littérature française. Autant son voisin aigri du XVème arrondissement, Marc-Edouard Nabe, est bel et bien mort, étouffé par son aigreur, sa jalousie maladive et finalement l’extinction d’un talent qu’on aurait pu croire réel mais qui n’était, nous en avons la preuve, que de l’esbroufe et du plagiat célinien, autant Michel est parfaitement vivant. Oui, malgré ses pulsions de mort, il a su, comme l’indique un de ses livres, « rester vivant ». Et la littérature, la vraie, ne s’embarrasse pas des questions de vie ou de mort : elle est vivante, tout simplement. Je suis certain que Houellebecq est notre Balzac, et même que Balzac fut notre Houellebecq. Un jour viendra, sans doute, où paraîtra une étude fouillée comparant les deux œuvres. Le positivisme est là, évidemment ; la science-fiction ; l’influence (paraît-il, et que je vois moins) de Conrad (un de mes dieux).
J’aurais aimé, à titre personnel, que les membres de l’Académie Goncourt décernent leur prix à Michel Houellebecq pour l’ensemble de son œuvre, comme elle l’avait fait en 1978 pour Patrick Modiano. Cela aurait permis de rectifier les préjudices des années précédentes. Mais ne demandons pas l’impossibilité d’une île. Cher Michel, tu as inventé un ton, une langue, une vision. Ceux qui te trouvent sans style n’ont pas compris que, comme le clamait Péguy, le style c’est l’homme. Tu as trouvé l’instrument, par cette langue scientifique et chargée d’humour (ceci expliquant d’ailleurs cela) la manière la plus intime de décrypter un monde qui te fait tellement souffrir que tu t’arranges, au milieu de lui, pour y être heureux comme on se suicide. Œuvre au bord du gouffre, œuvre de gouffre, profonde, haute, vertigineuse aussi. Unique. Tu es unique, oui ; et seul, par conséquent. Tout seul. Et je te quitterai, comme j’ai commencé, par une phrase de Valéry qui résume tout. « Chaque auteur contient quelque chose que je n’eusse jamais voulu écrire. Et moi-même. »
Tout arrivera, cher Moix: pour l’ensemble de son œuvre, il y a le Nobel de Litérature.
je veux être vivante (et j’y parviens, en partie, grace à vous, vous donnez une telle réalité à toutes mes intuitions que la possibilité d’une vie prend corps par votre pensée foisonnante (tellement foisonnante que je m’y perds et n’arrive pas à m’enivrer de toutes les pistes qu’elle défriche)) dans 10 ans, pour assister à votre récompense – évidemment pour TOUT (comment peut-on aimer ci et détester ça dans la même personne) -mais pourquoi dites vous ça finalement, votre désir de cette récompense me fait triste, vous valez tellement mieux
Monsieur Houellebecq a déjà une notoriété très importante ! N’eût-il pas été plus judicieux de décerner ce prix à un(e) écrivain(e) de talent et peu connu. Quelques noms me viennent à l’esprit : J.B. Harang, K. Thuil etc
Esperons, si vous décrochez le Goncourt dans dix ans, que ce soit non pour l’ensemble de votre oeuvre mais pour vos deux premiers romans. Lesquels, sensibles et lucides, laissaient augurer un bel avenir d’écrivain. Las, c’est le syndrôme qui vous a saisi tandis que s’abattait sur vous une célébrité « people » sans doute trop lourde à porter.
Houellebecq : le Forrest Gump de la littérature.
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Un auteur c’est un plat qui se mange froid. Or, Houellebecq est un auteur froid. Aussi…
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Si « au commencement était le Verbe »…
Dans ses deux premiers titres – Extension du domaine de la lutte et Les particules élémentaires -, qu’est-ce que nous disait Michel Houellebecq (si d’aventure cet auteur tentait de nous dire quelque chose) ?
Ce chérubin semblait vouloir nous dire, avant de s’en désoler, qu’il vaut mieux être riche et beau (et puis, jeune aussi) quand on veut séduire (1) de belles nanas, que pauvre et laid.
Cette affirmation qui ne souffrira aucune contestation ferait donc de Houellebecq un grand écrivain doublé d’un grand moraliste.
Car, si Houellebecq avait été riche et beau à une époque où il ne l’était pas, il aurait bien évidemment et très certainement cherché à séduire des filles pauvres et laides…
C’est donc ça ?
Alors maintenant, à quand un auteur mais… de génie celui-là, qui nous expliquera, contre toute attente, combien il est préférable d’être issu d’une catégorie sociale dite « privilégiée » plutôt que d’appartenir à une catégorie sociale dite « défavorisée » ? (défavorisée ????? Qualificatif outrageusement euphémisant quand on constate l’ampleur des dégâts sur cette classe) quand on veut, non seulement séduire de belles nanas, mais aussi et surtout, se faire une place au soleil…
A quand cet auteur de génie ? Parce que… bon… on s’impatiente là !
1- Séduire des nanas : oui parce que… Houellebecq, les nanas, il voulait coucher avec, c’est tout. Et elles ne s’y sont pas trompées bien sûr ! Elles qui ne supportent pas, lorsqu’elles en ont besoin, qu’on leur dise qu’elles en ont envie et vice versa. Mais ça………………. Houellebecq l’ignorait.
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Plus tard, avec un titre comme Plateforme, et dernièrement avec « La Possibilité d’une île » et « La carte et le territoire », il semblerait que Houellebecq ait souhaité élargir quelque peu son champ de vision et qu’il se soit décidé à nous donner des nouvelles du monde.
Si Houellebecq connaît réellement notre monde contemporain en général, et l’Art en particulier (2), et si on oublie un moment une inspiration souvent absente ou poussive, force est de constater que les informations de l’auteur à ce sujet semblent avoir pour sources principales, sinon unique, le journal de 20H (TF1 ou France 2, c’est au choix), les émissions de Delarue, Envoyé Spécial pour s’être attardé devant son écran (somnolant ?), et maintenant qu’il est en Espagne : TV5 ; ce qui, tout le monde en conviendra, n’arrangera rien, bien évidemment.
2 – Houellebecq est un auteur très approximatif, un auteur très vague ! Aussi, gare au mal de mer ! Et manifestement, cela ne gêne personne puisque dans le milieu littéraire tout le monde triche et bâcle : auteurs et critiques. Qui s’en plaindra ? Sûrement pas les lecteurs, nous affirme-t-on. Et ses interviews n’arrangent rien.
De là à penser que Houellebecq serait un auteur qui ne faut ni lire ni écouter si l’on ne veut pas douter de lui et de ceux qui n’ont de cesse de nous signifier qu’il est irremplaçable…
Tout comme il a une vague idée de la science fiction et des sectes dans « La possibilité d’une île », dans son dernier titre Houellebecq a juste une vague, très vague idée du fait que l’art contemporain n’est, le plus souvent, qu’une vaste fumisterie sans talent ; mais il ignore le plus important : c’est une fumisterie très sérieuse à la racine de laquelle on trouvera des individus (artistes, mon cul !) sans humour qui se préoccupent de tout et qui ne plaisantent sur rien ; ce qui aggrave sensiblement leur cas à tous – rien à voir donc avec la démarche d’un Marcel Duchamp.
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Mais alors…
A prendre ou à laisser Houellebecq ? Un Houellebecq qui est à l’écrit ce que Mylène Farmer est à la musique et à la danse (on me dit que tous les deux partagent le même fans-club !)…
Au diable la culpabilité !
Vraiment ! Sans regret et sans remords, on doit pouvoir laisser Houellebecq ainsi que les fossoyeurs de la littérature qui l’ont promu au rang d’auteur qu’il faut avoir lu sous peine d’être frappé d’inconséquence ou de nullité, là où ils ne seront jamais, à savoir : dans un lieu qui ressemble fort à un avenir car, il y a des auteurs qui savent voir loin et acheminer l’attention de leurs lecteurs plus loin encore, et surtout, là où personne ne peut décemment souhaiter être mené : à tous les drames et à toutes les tragédies, nous tous glacés d’effroi, face au pire.
En revanche – et on l’aura compris -, Houellebecq ne nous mènera guère plus loin que dans sa salle de bains qu’il ne fréquente que rarement, pour une douche qu’il ne se résoudra jamais à prendre en gosse mal léché, difficile et laborieux quant à l’acquisition des apprentissages de la petite enfance… et sur son pot aussi, lieu de toutes les rétentions, en pré-ado attardé…
Et ce, alors que le monde d’aujourd’hui et de demain a et aura besoin de titans !
Car, il faut le savoir : un auteur digne de ce nom, un auteur qui se respecte, se doit d’être sale à l’intérieur mais… impeccablement mis à l’extérieur, un auteur au linge irréprochable ; et à ça, Houellebecq ne s’y résoudra jamais !
Oui ! Propre à l’extérieur et sale à l’intérieur car, porteur de toutes les ignominies dont notre espèce est capable cet auteur ! Jusqu’à ce que… une fois la morale évacuée ou expurgée, il ne reste plus que des hommes, femmes, enfants, vieillards, pères, mères, soeurs, frères, filles, fils, bourreaux et victimes, eux tous terrés au fond d’un gouffre, les yeux tournés vers le ciel, et la nuit, les étoiles, à la recherche d’une lumière rédemptrice pour les plus coupables d’entre eux, et consolatrice, pour les plus humbles, face à un lecteur non seulement témoin mais… acteur, incarnant pour l’occasion…
Le dernier des hommes.