ELLE Magazine : Le comité international contre la lapidation vient d’alerter la communauté internationale sur une possible exécution de Sakineh demain en Iran, selon leurs informations. Comment réagissez-vous à cette annonce ?

Bernard-Henri Lévy : Je n’ose y croire. Je ne peux y croire. Cette femme n’a rien fait. Elle n’est coupable de rien. Son dossier judiciaire, tout le monde le sait, est vide ou trafiqué. Son exécution serait donc juste une façon, pour les autorités iraniennes, de faire un bras d’honneur aux occidentaux, de prouver leur propre puissance. Et cela n’est pas concevable. Je n’arrive pas à le concevoir.

ELLE Magazine : Par ailleurs, il apparaît que le second avocat de Sakineh Houtan Kian tout comme son fils Sajjad (qui tous deux se mobilisaient pour sauver Sakineh) auraient été torturés en prison. Vous étiez vous-même en relation avec eux, avez-vous eu d’autres informations sur leur sort ? Etes-vous inquiets pour eux aussi ?

Bernard-Henri Lévy : J’ai lu, surtout, cet immonde article du site ultraconservateur iranien Raja News qui rapporte les prétendus « aveux » de Sajjad. C’est abject. Traiter ainsi un gamin, humilier de la sorte un fils qui n’a, lui non plus, commis aucun crime sinon défendre l’innocence de sa mère, le contraindre à déclarer, par exemple, qu’il a été manipulé par l’avocat de sa maman, que celui-ci ne songeait qu’à se faire de la publicité et à fuir en Occident en se servant de la cause de Sakineh, tout cela est proprement répugnant. Le texte est là. Nous l’avons fait traduire et mis en ligne sur le site de la Règle du Jeu. Vos lectrices et vos lecteurs peuvent le lire. On n’avait pas vu pareille ignominie rhétorique depuis les procès staliniens ou post staliniens.

ELLE Magazine : Vous vous êtes mobilisé depuis plusieurs semaines pour sauver Sakineh. Quel est votre sentiment aujourd’hui ?

Bernard-Henri Lévy : Un sentiment d’écœurement. De rage. Mais aussi d’incrédulité. Je ne peux pas imaginer, je vous le répète, que l’Iran aille au bout du bout de la barbarie sur un cas aussi sensible que celui de Sakineh. La mobilisation a été trop forte. La réaction de dégoût, de colère, serait immédiate et, je crois, générale. Mais, en même temps, on ne sait pas. J’ai peur. Je sais que la nuit prochaine, je ne dormirai pas, j’attendrai. Je sais que nous serons nombreux, dans le monde, à passer la nuit qui vient dans l’attente, le recueillement silencieux, la prière si nous savons prier, la colère encore, l’appréhension, l’espoir. Car j’espère, de tout mon cœur, oui, j’espère, que les informations terribles que nous recevons seront une fausse alerte, ou une façon de nous tester et que les autorités iraniennes entendront, finiront par entendre, l’appel que leur adresse le monde.

ELLE Magazine : Malgré la forte mobilisation internationale que vous avez engagé avec le magazine ELLE et le journal Libération, le régime iranien n’a pas reculé et l’exécution de Sakineh semble inévitable. Est-ce qu’aujourd’hui vous lancez à nouveau un appel ? A qui souhaitez-vous vous adresser ?

Bernard-Henri Lévy : Inévitable, je vous répète que je me refuse à y croire. Alors, oui, il faut tout faire, dans les quelques heures qui nous restent, pour obtenir, au moins, un nouveau sursis. J’ai pris contact avec le Président Sarkozy. Les amis du Comité Free Sakineh, au Canada et aux USA, sont en contact avec le département d’Etat américain. La presse italienne, qui a été la première à donner, hier soir, à travers l’agence Ansa, la nouvelle de cette possible exécution, est, depuis ce matin, vent debout et il semble que le gouvernement italien réfléchisse à de nouvelles pressions. Je sais que le Pape a été alerté hier soir. Barroso, aussi. D’autres. Il y a deux solutions, vous savez, à ce stade. Ou bien nous finissons par être entendus. Les centaines de milliers de femmes et d’hommes que nous avons, tous ensemble, avec Elle en effet, avec Libération, avec d’autres, contribué à mobiliser finissent par ébranler les Iraniens. Ou bien…

ELLE Magazine : Ou bien ?

Bernard-Henri Lévy : Ou bien Sakineh est exécutée. Demain, à l’aube, les bourreaux viennent la chercher dans le quartier des condamnés de la prison de Tabriz et l’emmènent dans la petite cour où d’autres femmes, avant elle, ont été lapidées ou pendues. Et alors il faudra songer à autre chose. Il faudra trouver la riposte appropriée à ce qui apparaîtra comme un défi lancé, non seulement aux occidentaux, mais au monde. Pour ma part, je ne vois qu’une chose. C’est l’arme quasi ultime, mais je n’en vois pas d’autre. Il faudra, hélas, lancer une nouvelle campagne. La première aura échoué – et il faudra donc en lancer une deuxième. Mais ce sera une campagne invitant, cette fois, à la rupture des relations diplomatiques avec un Etat qui se sera, par cet acte, mis au ban des nations. Je ne vois pas d’autre solution, franchement. Je ne vois pas quel chef d’Etat, quel diplomate, pourrait, si, ce qu’à Dieu ne plaise, on en arrivait là, regarder encore en face le bourreau de Sakineh – Mahmoud Ahmadinejad.

Entretien avec Claire Hache

13 Commentaires

  1. C’est horrible ce que cette femme doit passer à travers. Personne ne mérite un tel sort. Aux coupables, s.v.p. réfléchissez à vos gestes avant de les poser. Vous devrez répondre à quelqu’un un jour, et vous allez certainement regretter ceci.

  2. « Cette femme n’a rien fait. Elle n’est coupable de rien. Son dossier judiciaire, tout le monde le sait, est vide ou trafiqué »
    je suis, justement, « monsieur tout le monde » et je ne sais pas que son dossier est vide ou trafiqué. Pourriez-vous me donner des « preuves »? (je suis un peu cartésien sur les bords…)

  3. Je n’étais pas au courant du rassemblement …

    Un Homme ne torture pas un autre Homme encore moins lapider une Femme.

    A+

  4. Quelle voix s’est fait entendre pour venir au secours de Sakineh et suspendre (provisoirement) l’abomination de son exécution? Probablement, comme il est rapporté dans la presse, celle du président de la République, celle de Bernard-Henri Lévy ou celle de Lauriane Stengers, mais plus certainement encore celle de la multitude. La « démocratie 2.0 » est en ordre de marche. Et c’est une bonne nouvelle.

  5. Vous avez écrit que vous ne pouvez pas imaginer, que le régime d’Iranien aille au bout de la barbarie ! Permettez moi de vous rappeler que ce régime d’extrême droite a violé et a tué des centaines de personnes après le coup d’état de Ahmadinejad en 2009 . Depuis lors il a emprisonné des milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes pour avoir contesté son illégitimité .
    Depuis ce grand mouvement de protestation anti-dictatorial et de démocratie ce régime criminel est aux abois .Pour l’empêcher des milliers d’autres morts il faudrait une campagne invitant à la rupture des relations diplomatiques avec ce régime de la lapidation et de la mort . C’est le seul espoir .

  6. Pierres

    Pierre aimante
    Pierre aimée
    Fille pierre
    Du jour enfanté,

    Pierre priée
    Pierre vénérée
    Femme pierre
    D’un jour répudié,

    Pierre d’amants
    Pierre d’aimés
    Homme pierre
    D’obscurité.

    De Anick Roschi – 01.09.10

  7. Hélas, Voltaire, Montesquieu, où êtes-vous ? Comme je voudrais pouvoir tremper ma plume dans votre encrier ! Contre la sottise et la barbarie qui prolifèrent en toute impunité sur une si grande partie de la planète, la parole de la raison et la mobilisation des Lumières semblent plus faibles que jamais, mais il nous faut encore croire à votre combat et le poursuivre sans relâche. Il servira. Il triomphera. Si la malheureuse Sakineh, si son fils qui n’a commis d’autre crime que celui d’aimer sa mère et de vouloir la défendre, si ces deux innocents pouvaient nous parler, ils nous diraient qu’ils croient en tous ceux qui se battent pour eux, qu’ils partagent nos convictions héritées des Lumières et qui seules sauveront le monde. Luttons pour eux, au nom de tout ce qui nous a été donné, à nous, citoyens d’un pays libre dans un monde qui l’est si peu. Au nom de Sakineh, mesurons le cadeau qui nous a été fait de vivre dans un pays où les pouvoirs sont séparés, où on ne convoque officiellement aucun prophète pour nos secrets d’alcôve, pour nos tenues vestimentaires et pour nos régimes culinaires. Où il n’appartient à aucun homme d’immoler une femme et un enfant, fussent-ils m les siens, sans en rendre compte devant la loi.

  8. Je voudrais pouvoir en signer des milliers de pétitions pour sauver cette femme et d’autres condamnés à la peine capitale! je voudrais pouvoir ne pas croire que le pire arrivera, mais je connais aussi le jusqu’auboutisme de cet infâme personnage qu’est le président actuel en Iran!, et je tremble pour Sakineh.

  9. Après la prise des otages dans l’ambassade Américaine à Tehran, il fallait que l’ensemble des ambassades des autres pays ferment « BOUTIQUE » par mesure de contestation et ainsi faire respecter les lois internationaux voir les droits de l’homme!

  10. mais où se trouve cette nouvelle pétition ?
    je ne la trouve pas et je voudrais la partager avec tous mes contacts

  11. Comme vous, Monsieur, je ne peux croire que cette forfaiture, ce crime immonde va être commis en dépit des millions de gens qui se sont moblisés à travers de nombreux pays pour protester.
    Je me sens impuissante et complètement désarmée face à une telle ignominie, face à la barbarie !
    Que faire ? Mon coeur de femme et de mère saigne et je n’ai que des cris de colère et des larmes comme seules armes.
    Merci pour tout ce que vous faites pour sauver cette malheureuse jeune femme des griffes de ces monstres.

  12. Je suis de tout coeur avec ce que vous Dites Monsieur, il n’est pas possible que l’Iran mette son funeste projeta exécution nous sommes je l’espère des million de gens dans le monde a vous soutenir merci Monsieur de défendre cette cause cela vous honore