Pourquoi écrire? La question peut paraître simple. Et pourtant… Il est si difficile d’y répondre sans s’enfermer dans une périlleuse alternative: ou être « croyant », et évoquer la mission métaphysique, voire sociale, peut-être même sociale, voire métaphysique, de l’écrivain, ou s’afficher cynique -« a man who knows the price of everything and the value of nothing »- et souligner qu’il ne s’agit là que d’une façon comme une autre de dévoiler, d’aucuns diraient: de « déballer » ses passions, plus largement, son intériorité.
En créant un monde, parfois, qui demeure cependant celui de l’auteur. En adoptant un certain regard sur des événements. Voire même, quand le processus en est réduit à sa quintessence, sur soi.
Montherlant définissait le roman comme le fait de « se mettre à table avec les domestiques » -car le roman était ce qu’il pratiquait, mais sans doute était-ce aussi le cas de toutes les formes d’écriture.
Quelle est donc cette force d’astreinte suffisamment puissante pour contraindre des individus à révéler leur monde?
L’art. « Cette vieille chose », comme Roland Barthes le qualifiait, dans un de ses derniers textes.
Le « dur désir de durer », aurait aussi dit Eluard.
Or l’art, en littérature, ce fut longtemps, dans la succession de Proust, et, à travers lui, de Mallarmé, le style, ce compromis étrange qui faisait que, en travaillant, à l’atelier, l’organisation des mots, quelque chose de surnaturel pouvait advenir.
Aujourd’hui, on ne croit plus véritablement en l’établi de l’écrivain. Ou alors le travail est comme une coiffure à la mode, faussement négligé. Ce qui pose par ailleurs le problème de la distinction entre le faussement-relâché-vraiment-étudié et le vraiment-relâché-pas-du-tout-étudié… Mais c’est une autre affaire.
Pour cette raison, il est émouvant, proprement émouvant, de lire un texte comme « Après l’oubli », de Martine Lucchesi. Et ce pour plusieurs raisons: tout d’abord, comme l’affirme son éditeur, ce n’était pas un texte destiné à publication. Pas un « texte d’écrivain », conçu par son auteur pour manifester au monde un talent qu’elle croirait gigantesque. Non, rien de tout cela: juste un écrit, quelque chose qui doit surgir, et finit par apparaître et exister.
Ensuite, parce que Martine Lucchesi -suivons Sainte-Beuve- est professeur de philosophie, en classes préparatoires. On s’intéresse trop souvent à la fonction, comme le disait encore récemment la poétesse Etel Adnan: on doit être « professeur ». Et le paradigme totalement différent de l’écriture en souffre. Or rien de tout cela dans ce volume: par ses références, par son style, sa manière, très étudiée, le livre témoigne sans aucune ambiguïté possible d’une élaboration. Une phrase lancinante, comme un art de la fugue, « il est des naissances », »il est des naissances »…
Tout autant, un Moi présent et exposé, mais volontairement orné par un véritable travail au style. Il y a quelque chose de délicieusement daté dans « Après l’oubli ». Daté dans ses conceptions, farouchement attachées à l’attente du « temps du dévoilement ». Daté dans la mise en place ininterrompue du paradoxe du style, tel qu’il est défini par Proust: une élaboration des mots, une ambition, qui, même si elle essentiellement personnelle, n’en demeure pas moins profonde.
En résumé, le livre de Martine Lucchesi, en tant qu’écrit, n’est pas le résultat d’un quelconque rêve d’eldorado éditorial. Il constitue bien plutôt le fruit d’un besoin d’expression. Et que cette nécessité ait donné lieu à un ouvrage de cette facture, que l’on puisse croire encore à cela aujourd’hui, vraiment, la joie de vivre sur terre peut en être augmentée.
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Écrire, c’est essayer d’accoster quelque part; une dérive ou viré, comme on veut. Vivre ça fait mal, alors on attrape des maladies; certain celle de l’écriture. Les mots ne pensent pas tous seules; seul ils sont abstraits, il faut les enfilés comme on le fait avec les perles, mais ce n’est pas pour ça que ça marche, je veux dire par là, que ce n’est pas pour autant qu’on a de la pensé, des chemins, de la vie quoi. Les mots sont tellement abstraits, que l’on se raconte des histoires; des récits, là ou le mot ne sert qu’a faire avancer les évènements, comme la locomotive d’un train et peu importe les rails. Il n’y a que le poète qui s’en sort, car pour lui l’écriture, se sont justement ces mots abstraits qu’il réussit a recensé pour un autre monde. Pour moi, l’écriture est avant tout un accès a un autre absent, a l’absence elle même, au rien, au vide en quelque sorte, a l’inconnu. Il faut faire gaffe a l’écriture, car souvent, elle se détermine toute seule, écrit toute seule sans que l’on s’en rende compte et on se demande souvent en relisant; qui a écrit? On ne reconnait pas souvent son écriture, ce qui suppose, possible, quelqu’un d’autre? Mais qui? C’est ça écrire, c’est courir après celui ou celle qui écrit a votre place. Bon, je vous laisse je vais essayer d’écrire; non, je voulais dire, je vais attendre que l’écriture , écrive…