C’était il y a à peine trois semaines. Nous avions la douleur, mais aussi la chance d’apprendre le triste sort de Sakineh Mohammad Ashtiani, veuve iranienne de 43 ans, victime de 99 coups de fouet, et désormais sur le point d’être lapidée à mort pour avoir entretenu une « relation extra-conjugale ». La suite, une mobilisation internationale sans précédent, initiée par les enfants et l’avocat de la victime (ou coupable, selon la justice iranienne), malgré les menaces gouvernementales d’aggraver son sort en cas de médiatisation de l’affaire. Mais ils ne les ont pas écoutées, et ils ont eu raison.

Après la publication par le quotidien britannique Times d’une lettre ouverte signée par plus de 80 personnalités(Robert de Niro, Robert Redford, Bernard-Henri Levy, Juliette Binoche), les autorités de la République islamique ont été contraintes d’annoncer que l’Iranienne ne serait pas lapidée. Pas lapidée certes, mais pas sauvée pour autant. Car rien n’indique à ce moment qu’avec cette condamnation pour adultère, passible en Iran tout comme le meurtre, le viol, le vol à main armée ou encore le trafic de drogue de la peine de mort, Sakineh ne sera tout de même pas pendue.

Or le soir même, coup de théâtre. Mohammad Javad Larijani, le Secrétaire général du Conseil supérieur des droits de l’homme en Iran et frère du Chef de la Justice iranienne, fustige la vague de protestations occidentales contre les « les sentences sacrées de l’Islam » et approuve la peine de lapidation contre Sakineh Mohammad Ashtiani. Une annonce reprise par l’agence de presse officielle de la République islamique (IRNA), qui sera étrangement supprimée quelques heures plus tard.

Car le lendemain matin, ce même Larijani annonce à la surprise générale la suspension de la peine. Un moindre mal, compte tenu du temps infime qu’avait eu la communauté internationale pour réagir, et qui va lui permettre de poursuivre la mobilisation avec plus de sérénité. Et c’est du Canada que voit le jour le site de la pétition internationale en faveur de Sakineh (www.freesakineh.org). Mais comme pour tant d’autres sujets cruciaux mais pas assez glamours ou de proches de nous au goût de certains, Sakineh disparaît aussi vite des pages de nos journaux qu’elle en était arrivée (merci Liliane Bettencourt). Et ce lourd silence, la République islamique va comme toujours en profiter. Après avoir immédiatement réagi pour calmer les ardeurs occidentales, elle va maintenant avoir tout le loisir de contre-attaquer, elle aussi en silence…

Mohammad Mostafaei, avocat disparu
Mohammad Mostafaei, avocat disparu

Samedi dernier, Mohammad Mostafaei, l’avocat de Sakineh Mohammad Ashtiani (mais aussi du jeune Mohammad-Reza Haddadi condamné à mort alors qu’il était mineur), celui qui avait cru bon d’alerter la presse internationale pour sauver sa cliente, a été arrêté et envoyé dans la sinistre prison politique d’Evin, pour y être « interrogé », comme l’ont été depuis un an de si nombreux manifestants iraniens pacifiques.

Après l’avoir été relâché, les autorités poursuivent leur harcèlement en décrétant contre l’avocat un mandat d’arrêt. Mais vu la tendresse qu’elles ont eu à son égard, celui-ci préfère fuir. Qu’à cela ne tienne, ne parvenant pas à mettre la main Mohammad Mostafaei, les agents gouvernementaux décident d’emprisonner à Evin Fereshteh Halimi, sa femme, et Farhad Halimi, son frère, afin de le faire revenir à la raison.

Aujourd’hui, nul ne sait ce qu’est devenu l’avocat. Par contre, ce que l’on sait, c’est que Sakineh vient de perdre le dernier espoir qui la rattachait à la vie. À nous de lui prouver le contraire.

www.freesakineh.org