Le festival de Cannes vient de manifester par trois gestes lourds de sens son soutien au cinéaste iranien emprisonné, Jafar Panahi. Ce dernier a été nommé juré du festival alors qu’il était déjà tenu prisonnier par la République islamique depuis un mois. Une chaise sera maintenue vide durant tout le festival pour signaler son absence. Samedi dernier, une lettre du cinéaste a bousculé le rituel de la montée des marches de Cannes et a été mise en voix par le ministre Frédéric Mittérrand, par Abbas Bakhtiari et par moi-même.
C’est précisément à Cannes que Jafar Panahi s’était fait connaître du monde entier. En effet, en 1995, il y présente son film Le ballon blanc et reçoit le prix de la caméra d’or pour cette odyssée d’une jeune fille dans les rues de Téhéran.
D’autres prix suivront : cinq ans plus tard, il décroche à la Mostra de Venise le « Lion d’or » pour Le Cercle, film traitant de la condition des femmes en Iran avant de revenir, en 2003, à ses premiers amours, Cannes, où il se voit décerner le prix « Un certain Regard » pour Sang et Or, œuvre décriant le fossé entre les classes sociales. En 2006, il remporte enfin, à la Berlinale, l’Ours d’argent pour Offside, dont le combat d’Iraniennes interdites de pénétrer dans un stade de football constitue le noeud de l’action.
Aujourd’hui, Jafar Panahi, ancien assistant d’Abbas Kiarostami, est à 49 ans l’un des cinéastes de la “nouvelle vague” iranienne les plus connus à l’étranger. Or cela n’a pas empêche, le 1er mars dernier, les agents iraniens de faire irruption à son domicile à Téhéran et de l’arrêter en compagnie de sa femme et de sa fille.
Son crime ? Il avait apporté son soutien au Réformateur MirHossein Moussavi, pourtant l’un des candidats officiels du Régime islamique, lors de la présidentielle de juin dernier.
Ce soutien était une réponse à la politique d’étouffement et de censure dont ont été victimes les artistes iraniens depuis l’accès à la présidence de Mahmoud Ahmadinejad en 2005.
Pourtant, les films d’auteur de Panahi traitent essentiellement de la société iranienne et n’ont jamais critiqué directement le pouvoir ou la religion. En dépit de leur succès international, ils ont été pour la plupart censurés en République islamique. Malgré cela, le réalisateur iranien, contrairement à nombre de ces confrères, a toujours mis un point d’orgue à travailler en Iran.
Depuis les événements de juin, et après l’expulsion de l’ensemble des journalistes étrangers, le réalisateur a multiplié les interviews à la presse internationale afin de témoigner de la réalité du pays.
Fin août dernier, Panahi a arboré une écharpe verte, couleur de l’opposition iranienne, lors du Festival du film de Montréal. A son retour, il s’est vu confisquer son passeport – et donc interdire la sortie du territoire -, ce qui l’avait déjà empêché de se rendre en février dernier au festival du Film de Berlin, dont il était pourtant l’invité.
Le ministère iranien de la Culture et de la Guidance islamique l’a accusé d’avoir « préparé un film de propagande contre le régime portant sur les événements post-électoraux » – en référence aux manifestations qui ont suivi la réélection contestée du président Ahmadinejad en juin 2009 – alors que Panahi n’avait même pas débuté le tournage d’une quelconque œuvre.