A l’Odéon est présenté en ce moment le spectacle d’Amos Gitai d’après un texte de l’historien hébreu de langue grecque Flavius Josèphe, qui décrivit la guerre que les Romains menèrent aux juifs. La critique, au moment de la création au Festival d’Avignon, avait été déplorable: la production avait été clouée au pilori, certains notant qu’il ne s’agissait au fond que d’une « mise en espace » et non d’une véritable « mise en scène ».
Pourtant, salle pleine, à l’Odéon. Peut-être la passion des grands noms: Gitai lui-même, Jeanne Moreau, évidemment, qui interprète le narrateur de ce terrible conflit, qui eut lieu aux alentours de 70 de notre ère. Des scolaires, aussi.
Un décor minimaliste, certes des pupitres pour les lecteurs, des barils dégageant des flammes. Mais là n’est pas l’essentiel -et peut-être est-ce surtout ce qu’il faut admirer dans ce spectacle: un homme de l’image se convertit à la parole. Un cinéaste propose une dramatisation des mots.
Car ce qui compte dans La guerre, ce n’est pas l’image en tant qu’elle est visible, c’est le dire, en tant qu’il est évocation et que, partant, il crée une visibilité intellectuelle. Car face aux chocs des mots prononcés, des atrocités évoquées, la parole se fait vibration. Et ce qui est présenté au public, c’est bien la vibration d’une parole. En ce sens, c’est bien une création particulièrement audacieuse que propose Amos Gitai: non, il n’a pas fait le choix minimaliste d’une mise en espace. Il a fait le choix d’une mise en scène maximaliste de la parole, qui est travaillée, distordue par la pluralité des langages -l’arabe se mêle à l’anglais, le français à l’hébreu et au yiddish.
De cette façon, il rejoint Eschyle, dont Olivier Py a pu dire qu’il proposait une « tragédie du dire ». Une tragédie du dire, où tout est dans les mots, rien n’est montré, et tout est exposé.
C’est très George Steiner tout cela…
A propos du grec: en fait, le présupposé de Gitai est que, de toute façon, le texte a été traduit de l’hébreu au grec.
Dès lors, autant jouer au maximum le jeu des traductions…
Je préviens tout de suite : ce message est en partie un troll. Lecteurs Distingués, passez votre chemin, je vous en prie, et rappelez par vos commentaires à l’auteur de ce blog qu’il est lu par des gens qui ont plus intelligent à dire, car je crains fort de ne pas en faire partie.
Sur ce : alors comme ça je change de fac et tu en profites pour passer sur internet ? Et je l’apprends par le blog d’Assouline, en plus (qui a l’air d’avoir plutôt aimé ton article dans la NRF : http://passouline.blog.lemonde.fr/2010/01/10/mort-et-transfiguration-de-la-critique/#comments ; pas la peine de lire les commentaires : c’est très « private jokes » entre commentateurs et ils se désintéressent assez vite du sujet, surtout que la mort de Rohmer te fait de la concurrence) ! Pourquoi tant de Haine Périphérico-Parisienne…?
Fin du troll et mille excuses à tous les gens sérieux.
Un mot, tout de même, sur ce billet, pour que mon message mérite le nom de « commentaire » : je n’ai pas assisté à ce spectacle, mais je trouve dommage que, parmi toutes les langues retenues, il n’ait pas été fait un sort aussi au grec ancien. Les oeuvres antiques étaient faites pour être lues à haute voix, en public (d’ailleurs, le choix d’une mise en scène minimaliste par Gitai pourrait se défendre aussi comme un parallèle aux recitationes) ; l’auteur le savait, un historien en avait peut-être plus conscience qu’un autre, parce que son oeuvre était longue et qu’il fallait prendre en compte l’assistance, la tenir en haleine, ne pas la lasser. Il y a donc aussi tout un travail sur les mots et la manière d’ordonner les phrases (la dramatisation était déjà présente, avant même que Gitai ne se penche sur le texte), qui disparaît, nécessairement et malheureusement, toujours plus ou moins en traduction. Quitte à utiliser plusieurs langues, pour parvenir à la véritable « vibration » du texte, n’aurait-il pas été préférable d’en conserver au moins une partie en grec ancien ?
Mais bon, tout cela est du chipotage et ne change rien à la Nature du Problème : quand on n’a pas vu un spectacle et que la critique qu’on vient d’en lire n’est pas très descriptive, il est difficile d’essayer de dire quelque chose d’intelligent dessus.
Sur ce, je sors.
Ps : La parole est toujours vibration.
Ps 2 : Si on pouvait écrire un commentaire sans devenir à moitié aveugle ou attraper une migraine carabinée à cause de la taille des caractères, ce serait très appréciable (et apprécié).