Ça suffit. Ça suffit de se laisser mener en bateau par le sinistre tandem Poutine-Assad. Les grandes démocraties occidentales courent stupidement derrière chaque lièvre lâché par la diplomatie russe. Alors que les Etats-Unis et la France étaient sur le point de sanctionner enfin par les armes le massacre chimique perpétré le 21 août par lʼarmée syrienne, Moscou avait subitement réussi à bouleverser la donne en faisant accepter de son protégé syrien quʼil affirme placer son armement interdit sous tutelle en vue de sa prochaine destruction. Et tout le monde de considérer que cʼétait là un grand pas en avant vers la solution de la crise syrienne. Foutaises !

Lʼhomme qui porte la responsabilité de dizaines de milliers de morts − 110 000 au minimum − parmi la population civile, de milliers de détenus torturés, de deux millions de réfugiés et de 4 millions de déplacés, des bombardements massifs sur les villes, lʼhomme qui a expliqué lʼinsurrection de son peuple par un complot sioniste utilisant des terroristes islamistes – ben voyons ! −, lʼhomme qui a fait couler des océans de sang en réponse à lʼexigence de démocratie ayant atteint son pays en mars 2011 dans la foulée des Printemps arabes, cet assassin roublard nʼa jamais envisagé une seconde de céder sur quoi que ce soit. Jouant au gentil en envoyant sa demande dʼadhésion à la convention internationale interdisant les armes chimiques, il avait dans le même temps, comme le savent pertinemment les services de renseignement américain, français ou anglais, commencé à déplacer une partie de ses stocks. Tout en continuant tranquillement à tuer avec ses armes conventionnelles.

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Rassemblement le 3/9 à l’Assemblée nationale pour des frappes après l’utilisation des armes chimiques par Assad.

En quoi, par ailleurs, remettre lʼarme du crime chimique aurait-il légitimé quʼon laisse tranquille celui qui lʼa utilisée ? Où a-t-on vu que la justice se contente quʼun tueur confie son flingue à la police pour passer lʼéponge sur son crime ? Il aurait donc suffi à Assad de dire «Je ne recommencerai plus» pour quʼon oublie ses crimes contre lʼhumanité commis au gaz sarin. Et quʼon lui accorde de fait le droit de poursuivre les tueries avec des armes non interdites. Pure abjection.

Et les quelque 1500 victimes du 21 août ? Enterrées une seconde fois, assez profondément pour que leurs proches, pour que les Syriens, pour que la conscience humaine les oublie ? Non, pas de ça !

La comédie, ou plutôt la tragédie a assez duré. Maintenant que, dans une nouvelle volte-face, Moscou redouble de cynisme en prétendant avoir les preuves que ce sont les rebelles qui auraient utilisé le gaz sarin par provocation afin de faire réagir la communauté internationale (toujours la théorie du complot !), maintenant quʼen réalité Moscou et donc Damas reviennent sur les accords de Genève, ce Munich 2013 qui a tant satisfait lʼadministration américaine, les frappes contre la mafia baassiste doivent revenir immédiatement à lʼordre du jour. Bachar al-Assad et Poutine ne doivent plus rester les scénographes de la mise en pièces des principes universels que sont les droits de lʼhomme.

Rassemblement le 3/9 à l'Assemblée nationale pour des frappes après l'utilisation des armes chimiques par Assad. Au micro Mohamad Taha.
Rassemblement le 3/9 à l’Assemblée nationale pour des frappes après l’utilisation des armes chimiques par Assad. Au micro Mohamad Taha.

Les démocrates syriens nʼen peuvent plus dʼattendre lʼappui militaire occidental. Ils nʼen peuvent plus de la montée en puissance des jihadistes qui profitent jour après jour de la passivité des USA et de lʼEurope. Ils nʼen peuvent plus de voir se resserrer sur eux lʼétau des ennemis de la liberté.

Et tout comme eux, nous nʼen pouvons plus de ces horreurs, nous nʼen pouvons plus de lʼaveuglement devant ce désastre annoncé. Nous nʼen pouvons plus du spectacle dʼun Poutine, le massacreur des Tchétchènes, serrant la main, le 13 septembre, de son nouvel ami le président iranien Rohani, celui qui envoie ses experts militaires et ses affidés du Hezbollah aider les troupes dʼAssad. Nous nʼen pouvons plus de ce néo-isolationnisme qui sʼempare de lʼopinion occidentale, ce sale état dʼesprit qui va de pair avec la montée du Tea Party aux USA et du Front national ici.

«Je préfère que des gens de ma famille meurent sous des bombes américaines ou françaises plutôt quʼelle soit tuée par celles du régime, ils ne seront pas morts pour rien !», sʼest écrié Mohamad Taha, lʼinfatigable animateur parisien des manifestations de lʼopposition syriennes, lors du rassemblement, le 3 septembre, près de lʼAssemblée nationale pour soutenir lʼintervention française. Un tel appel en dit long sur ce quʼattendent de lʼOccident nos amis qui combattent autant le maître sanglant de Damas que les fanatiques islamistes.

François Hollande et Laurent Fabius doivent repartir fermement à lʼoffensive diplomatique envers Obama : céder sur la Syrie serait un épouvantable recul que le monde occidental paierait bientôt chèrement. Croire que la guerre des monstres − Bachar al-Assad contre fous de Dieu − ne concerne que le Moyen-Orient est une catastrophique erreur : laisser lʼun de ces deux-là terrasser lʼautre aboutirait à renforcer le camp des ennemis haineux des valeurs humanistes, le camp qui pourfend les droits des femmes et des homosexuels, le camp de lʼantisémitisme et du conspirationnisme − le camp des ennemis de la démocratie.

2 Commentaires

  1. On comprend bien vos arguments mais quel sont votre scénario idéal et ses chances de réussite ? Il y a une intervention franco-américaine, les Russes et les Iraniens restent les bras croisés, Assad tombe, les démocrates prennent le pouvoir et les djihadistes rentrent chez eux, c’est ça ?