« Pour combattre le Front national, il suffit de s’attaquer à son programme, il est inapplicable. » Faux. Il existe un pays où les idées prônées dans le programme de Marine Le Pen ont force de loi, au plus grand désespoir du peuple : le Soudan d’Omar el-Béchir et de la Charia. La preuve par cinq.

FAMILLE

Dans son programme, la candidate frontiste à l’élection présidentielle annonce solennellement que le mariage est une « institution irremplaçable, la famille représente le caractère central de la société. » Les fondamentalistes islamistes, pères de la charia soudanaise, applaudiraient des deux mains. Depuis des années, ils martèlent au peuple que hors mariage, point de salut.

Résultat, les Soudanaises célibataires, qui ont commis le « crime » d’avoir expérimenté le sexe, n’ont qu’une solution : se faire recoudre le vagin. Seule chance pour elles de trouver un mari, à condition qu’il ne se rende pas compte de la supercherie. On ne plaisante pas avec le mariage au Soudan, comme dans la France rêvée de Marine le Pen. Cette dernière, en effet, s’est récemment déclarée prête à dé-rembourser l’IVG « de confort ». De quoi relancer l’économie du fil et de l’aiguille.

JUSTICE

Peut-on publier ceci en tant que l’idée du jour?
C’est un peu faible quant à l’économie mais je trouve l’idée assez intéressante…

La responsable d’extrême-droite, si elle était élue, proposerait un référendum sur le rétablissement de la peine de mort. Elle-même s’y disant favorable dans certains cas.

Au Soudan, les « coupables d’adultère » sont passibles de l’exécution capitale. « Quand même, les Frontistes n’iraient pas jusque là. », rétorquerait-on. Mais en est-on si sûr ? A partir du moment où une « institution irremplaçable » comme le mariage est désacralisée, la logique frontiste voudrait qu’il y ait sanction. Et une sanction conséquente puisque 1- le FN prône la « tolérance zéro » et 2-  on ne badine pas avec la famille, « le caractère central de la société ». Fermeté et valeurs traditionnelles : les deux mamelles de l’obscurantisme soudanais et frontistes.

COMMUNAUTARISME

Marine Le Pen écrit noir sur blanc que « Les fidèles envahissent en toute illégalité l’espace public pour prier. Il doit être répété que le christianisme, a été […] la religion de la majorité des Français, sinon de leur quasi totalité, et qu’il est donc normal que les paysages de France et la culture nationale en soient profondément marqués. Les traditions françaises ne peuvent être ainsi bafouées. » Remplacez « christianisme » par « Islam » et « Français » par « Soudanais », et vous obtenez du Omar el-Béchir dans le texte.

Au nom de la « culture nationale »,  la minorité chrétienne soudanaise a interdiction  d’organiser des manifestations dans l’ « espace public », sous peine d’arrestation par la police. Lors de la messe de minuit, les policiers sont réquisitionnés en nombre devant la cathédrale de Khartoum pour empêcher les catholiques de fêter trop bruyamment Noël. Le FN, lui, s’insurge contre les prières dans les rues et les mariages « musulmans » jugés trop bruyants du fait des « youyous » chantés par les femmes à ces occasions.

Le Français est chrétien, le Soudanais est musulman. Point barre.

Fort logiquement, Marine Le Pen s’emporte contre « le communautarisme [qui] est un poison contre la cohésion nationale. » Encore une fois, les autorités soudanaises souscrivent totalement à ce constat. C’est pourquoi ils ont lancé la création d’une nouvelle carte d’identité. Ne peuvent y prétendre que les personnes qui apportent la preuve qu’ils sont issus de « Soudanais de souche » depuis au moins deux générations.

La mesure vise particulièrement les Sud-Soudanais. Le 9 juillet, le Soudan du Sud est devenu indépendant (http://www.slateafrique.com/9713/sud-soudan-partition-bebe-de-lafrique). Les autorités ont lancé une chasse aux sorcières contre ces Sud-Soudanais. Même si ces derniers sont nés dans le nord, ils ne peuvent prétendre à la nationalité soudanaise. Pire, ils ont été chassés des postes de la fonction publique. Une déclinaison de la « préférence nationale » chère à Marine Le Pen.

ÉCONOMIE

Pour retrouver sa splendeur, « la France doit préparer, avec ses partenaires européens, l’arrêt de l’expérience malheureuse de l’euro, et le retour bénéfique aux monnaies nationales. » Techniquement, le FN veut que le Franc et l’Euro circulent simultanément pendant un à deux mois à un taux paritaire avant qu’une « dévaluation compétitive et maîtrisée » de l’ordre de 20 à 25% ne soit menée.

L’été dernier, le Soudan a mis en place exactement la même procédure suite à l’indépendance du Soudan du Sud, le 9 juillet. L’ancienne Livre soudanaise et la nouvelle ont circulé conjointement durant le mois d’août à un taux paritaire. Six mois plus tard, le résultat est désastreux. Les deux monnaies sont encore en circulation (les billets de 1 et de 5 Livres soudanaises sont les mêmes qu’avant l’indépendance du Soudan du Sud). La parité est toujours de mise occasionnant une inflation galopante : 19% en janvier 2012, 18% le mois précédent. Le marasme économique est tel que, depuis quelques mois, les Soudanais osent manifester, en dépit de la répression policière, pour demander « le minimum pour vivre ».

Ce que Marine Le Pen décrit comme un simple « défi technique » dans son programme s’est révélé l’accélérateur de la faillite économique et financière du Soudan. Et c’est le peuple qui trinque avec la fonte des salaires, des pensions de retraite et la hausse des prix.

POLITIQUE INTERNATIONALE

Marine Le Pen veut redistribuer les cartes de la diplomatie française : au-revoir l’OTAN, bienvenue à la Russie de Poutine/Medvedev. Contre le « modèle occidental américain » honni, le FN souhaite une « alliance stratégique » avec la Russie « fondée sur un partenariat militaire et énergétique approfondi, le refus de la guerre d’ingérence et le soutien au droit international. »

Le Soudan entretient également une alliance stratégique avec la Russie. Avec une efficacité redoutable. Le « partenariat militaire » a permis à l’armée soudanaise d’acquérir des hélicoptères Mi-24, des avions Antonov et des armes russes (dont l’indémodable Kalachnikov). Et grâce à ce « partenariat militaire », les deux pays ont effectivement contribué au « soutien au droit international » puisque cet arsenal a servi à massacrer plus de 300 000 Soudanais du Darfour. Pour ces exactions, le président soudanais Omar el-Béchir est sous mandat d’arrêt international pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité par la Cour pénale internationale.

Mais je suis probablement de mauvaise foi, ces (quelques) similitudes entre la France idéale selon Marine Le Pen et le Soudan actuel d’Omar el-Béchir ne sont sûrement que des « détails ».