L’invention sinthomatique, qu’est-ce que c’est ? Cela résonne pour moi avec un enfant que j’ai reçu à l’âge de deux ans et demi, qui en a treize maintenant.
Cet enfant m’avait frappée la première fois par le fait que sa maman l’emmenait parce que la directrice de l’école lui avait dit d’aller consulter rapidement. La maman voyait son enfant uniquement comme un enfant qui ne parlait pas, alors qu’il était très agité, il hurlait dès qu’il était séparé d’elle, il ne regardait pas. J’ai reçu cet enfant pendant assez longtemps avec sa maman en accueillant ce qui l’animait, un petit battement : sa main faisait des allers-retours sur le sol, un crayon dont il s’était saisi et dont il se servait pour donner des petits coups. J’ai accueilli cette ébauche au fur et à mesure de séances avec lui.
J’ai pu assister, dans la conséquence de cet accueil, à quelque chose qui s’est mis à se complexifier. Il s’est mis à explorer au-delà du bureau dans lequel je le recevais, jusqu’à un moment où, toujours dans le battement d’une porte, il m’a adressé les premiers mots : « À bientôt ».
Cet enfant allait peu de temps à l’école mais on a fait le pari de maintenir une heure de temps scolaire par semaine. Par la suite des battements de crayon, il s’est intéressé au rythme puis à la musique, au piano. Il s’est mis à parler et à apprendre à lire et écrire, à la stupéfaction de sa maman, à qui il a montré qu’il savait lire. Comment ? Par l’intermédiaire du rythme, la musique, il a appris à lire et à écrire en cherchant sur l’ordinateur et avec un temps scolaire minimum, sans aucune orthophonie, ni rééducation.
Pendant quelques années il n’a plus été scolarisé, ni même en Institut Médico-Éducatif parce qu’il était trop « atypique ». Il a réussi, en montrant sa capacité à apprendre, à intégrer une école en Classe Spécialisée. Il a maintenant intégré un Institut Médico-Éducatif où il va pouvoir apprendre un travail, c’est un impro. Il y a tout un chemin pour ce garçon, certes, pas très bavard, mais qui sait interpeller quand il a besoin de quelque chose ou faire savoir quand ça ne va pour lui.
Ses parents, et notamment sa maman, tiennent à poursuivre ce type de lien. Parce qu’elle en a l’expérience depuis plusieurs années, elle sait que cela a été crucial pour elle et pour son fils.
J.-A. Miller : ça s’étend sur combien de temps le récit que vous faites ?
C. R. : plus de dix ans.
Un autre exemple m’est venu en tête : un petit garçon dont l’école ne voulait plus parce qu’il n’arrêtait pas de courir, de se sauver. Il donnait l’impression que les apprentissages n’étaient pas pour lui. Tout un travail avec les enseignants a permis qu’émerge pour ce garçon « un certificat de bon coureur ». Ils avaient organisé, sur un parcours de psychomotricité, cet exercice et le garçon avait obtenu cela. Il s’est mis à pouvoir parler, il a été re-scolarisé.
Sa maman nous adresse des enfants parce qu’elle dit que dans cet hôpital, on apprend à parler aux enfants. C’est une maman d’origine africaine, pour qui apprendre à parler français a été très compliqué et elle nous est reconnaissante de cela. Il est toujours dans notre hôpital mais il est aussi scolarisé.
J.-A. M.: Vous pourriez écrire ce cas sur huit ans ? Vous avez les éléments ?
C. R. : oui. Il y a deux ou trois ans de cela, nous avions fait une journée dans le service. Nous étions plusieurs à intervenir et à témoigner de ce cas : infirmiers, éducateurs, l’enseignante qui s’est occupée de lui. Hervé Castanet était présent.
La psychanalyse n’a rien à vendre contrairement aux comportementalistes, aux promoteurs des médicaments dès le plus jeune âge. Par contre nous avons des mines, des trésors de témoignages avec les enfants dont on s’occupe. On les transmet trop entre nous.
J.-A. M.: On vient nous le demander là…
Éric Laurent : Rien à vendre, tout à donner…
C. R. : Tout à transmettre…
La vidéo de la conférence de presse de ce dimanche 4 mars au Lutétia
Excelente forma de plantear el psicoanálisis como posible tratamiento para el autismo, solo para preguntar donde puedo ver la conferencia en español?