Le peintre Gerhard Richter est sans doute un des noms les plus connus de l’art contemporain. Or vient de sortir, à la fin de l’année, un ouvrage chez l’éditeur allemand König, portant le titre singulier d’Obrist.
Obrist, c’est Hans Ulrich Obrist, le commissaire d’exposition -ou « curator », comme lui-même préférerait qu’on le dise. Hans Ulrich Obrist, qu’il connaît depuis plus de vingt ans, puisqu’il a contribué à le « lancer », et auquel le lie un colloque singulier, entretenu depuis des années, qui a donné lieu à de nombreuses expositions, notamment, récemment, à la Serpentine Gallery de Londres, dont HUO est le codirecteur.
C’est donc un hommage à une belle amitié que propose ce livre, fait de portraits et de textes. Plus encore, il constitue sans doute une des meilleures interprétations que l’on ait jamais pu proposer du métier, de l’activité ou de l’activisme d’Obrist: le curating. En effet, les oeuvres présentées sont des photographies de HUO, durant toute la durée de ses relations avec Gerhard Richter, que celui-ci, à sa façon, a recouvertes de peinture, les transformant en oeuvres d’art.
Dès lors, l’effet est bien entendu unique, qui consiste à faire disparaître le réel qui fut jadis immédiatement perceptible sous le pictural. En ce sens, il s’agit d’une métaphore de l’art, par le biais de celui qui le transmet à un large public. Métaphore de l’art qui crée une autre matérialité, métaphore aussi du « curator », qui, à sa manière, prend l’oeuvre et la réoriente par son adaptation à un nouvel environnement.
Dans le royaume des images, il existe aussi le texte: or celui-ci est constitué d’un flux de mots, en apparence insignifiants, mais dont on découvre assez vite qu’ils sont tous reliés à l’existence de Hans Ulrich Obrist. Trouver l’ordre dans le désordre, créer un ordonnancement du flux, c’est ce en quoi il triomphe.
En résumé, un portrait, à la façon des anciens hommages que les artistes rendaient à leurs amis -Titien l’a fait, avec l’Arétin, Raphaël aussi. Mais aussi quelque chose de neuf, un symptôme: celui du moment ou le « fabricant d’exposition » devient lui-même le support de l’art.