14 décembre 2025. Premier jour de Hanouccah. Sur une plage de Sydney, des hommes, des femmes, des jeunes célèbrent une fête qui symbolise la lumière, la résistance spirituelle, le refus de l’obscurité. Et face à eux surgit une violence inouïe, un père et son fils, unis non par l’amour ou la transmission de valeurs, mais par un projet de mort. Quinze personnes sont abattues parce qu’elles étaient venues commémorer le besoin de lumière, d’espérance, de vie. Pendant des siècles, la filiation a été le lieu de la transmission du savoir, des récits, des valeurs, de la protection. Imaginer un père entraînant son fils dans un acte de barbarie, c’est constater une rupture anthropologique profonde. La haine n’est plus seulement individuelle. Elle devient transmissible, presque éducative. Elle se glisse dans les mots du quotidien, dans les silences, sur les écrans, dans certains discours politiques, jusqu’à devenir une grille de lecture du monde. Quand un enfant grandit dans un univers où l’autre est désigné comme une menace permanente, où une religion, une identité ou une culture sont présentées comme un danger, alors la violence cesse d’être une transgression. Elle devient une option comme une autre. S’attaquer à ceux qui célèbrent cette fête des lumières, ce n’est pas seulement tuer. C’est refuser le symbole même de la résistance morale. C’est tenter d’éteindre non seulement des vies, mais ce qu’elles représentent, la persistance de l’espoir face à la haine. Dans un monde saturé de discours violents, la haine ne cherche plus seulement à dominer. Elle cherche à anéantir le sens. Ce basculement ne surgit jamais soudainement. Il est préparé par la banalisation des discours haineux, leur diffusion massive sur les réseaux sociaux, l’effacement progressif des limites morales au nom d’une liberté d’opinion dévoyée, et par le silence de ceux qui voient, mais préfèrent ne pas réagir. Et pourtant, au cœur même de l’horreur, un autre choix demeure possible. Celui du refus. Celui du courage. Celui d’Ahmed Al-Ahmed, qui a réussi à désarmer l’un des tireurs, l’empêchant de continuer à tuer. En un instant, il a opposé à la haine une autre force, celle de l’humanité. Il est aujourd’hui salué comme un héros car son geste dit surtout que la barbarie n’est jamais une fatalité. Dans le Talmud, il est écrit que « celui qui sauve une vie sauve un monde entier ». Cette phrase n’est pas une métaphore. Elle rappelle que chaque vie humaine contient un univers de possibles, de relations, de futurs. En sauvant des vies, Ahmed Al-Ahmed a préservé un monde. Il faut un sursaut. Un refus clair de la déshumanisation. Un rejet sans ambiguïté de la haine, d’où qu’elle vienne. Car si la haine peut se transmettre, le courage aussi. Et c’est cette transmission-là, celle de la dignité et de la responsabilité, qui décidera de ce que nous laisserons aux générations à venir.
Sauver un monde
par Ariel Toledano
16 décembre 2025
À Sydney, la fête des lumières s’est heurtée à la nuit. Ariel Toledano interroge la transmission de la haine et rappelle qu’un geste humain peut encore sauver un monde.
