Pour la première fois, en 1977, j’ai eu l’immense joie de rencontrer le poète beatnik Allen Ginsberg à New York. Il était, d’ailleurs, en compagnie de Jack Kerouac. Près de vingt ans plus tard, c’est Allen qui a appelé mes amis, ou plutôt mes « gens de théâtre », qui m’accueillaient à New York : mes pajes en espagnol. Tout comme aurait pu appeler un Japonais ceux de Tokyo ; ou un Argentin ceux de Buenos Aires… À New York, ma première pièce fut, bien sûr, Pic-nic, cette fois jouée avec Zoo Story d’Edward Albee.
– « Je suis débordé et accablé par mes études », m’a dit un professeur de l’Université Columbia à mon arrivée.
– « Ma femme vous guidera à New York pendant ces deux premiers mois ; elle est plus jeune que vous et n’a rien de prévu. »
Et il a ajouté dans un espagnol parfait :
– « Je vous demande de vous comporter comme un caballero. »
Ce qui, bien sûr, s’est produit exactement. Que serais-je devenu sans cette aide providentielle ? Il est logique que six mois plus tard, nous soyons retournés à l’aéroport de NY avec un taxi pour mon vol à Paris, en pleurant.
Elle m’a patiemment accompagné pour assister aux matchs de mon quasi-idole, Bobby Fischer, alors âgé de 14 ans, lors des parties du Championnat d’échecs des États-Unis de 1957/58 [dont on est aujourd’hui sans informations pour les revues spécialisées]. C’est compréhensible, car le tournoi se déroulait dans un restaurant self-service du Village ; si l’endroit était bondé pour les finales, nous étions les seuls témoins pour les débuts. Par exemple, la troisième partie contre l’ancien ex-prodige Reshevsky.
À l’université Cornell et sa caméra antediluvienne, nous avons filmé des rushes. J’adorerais les monter aujourd’hui. Thomas Pynchon et Kimpatrick Sale projetaient de réaliser une comédie musicale de science-fiction. Mais je n’ai plus jamais eu de nouvelles de cette femme irremplaçable ; elle s’est suicidée peu après. Elle avait écrit un fameux roman remarquable à l’âge de quatorze ans (aussi) et édité à ses 18 ans.
En mars 1959, j’ai passé une semaine à La Havane, deux mois après la-terrible-et-écrasante-victoire-de-la-révolution. J’habitais dans un YMCA où les chambres étaient séparées uniquement par des draps suspendus. J’ai été accueilli par Mercedes González, une universitaire qui interprétait Lis dans Fando y Lis. Elle m’a mené au pied des marches de l’université pour écouter le discours révolutionnaire et victorieux du Che. Mais il s’est trouvé que Guevara s’est mis à tenir des propos qui ont fortement déplu :
– « À Cuba, la monoculture de la canne à sucre détruit la richesse nationale », etc.
Puis, la délicieuse Luisa m’a mené au Malecón pour rencontrer sa mère, qui habitait au cinquième étage. Elle s’est égosillée :
– « Maman ! Maman ! Regarde : un gallego ! »[Galicien]
Cinq « pseudo-arrabalesques » pour pajes
« …sommes-nous vraiment capables de nous régénérer ; trop tôt ? »
« …le désenchantement est-il moins frustrant que la folie ?»
« …répétons-le : n’y a-t-il rien d’aussi désintéressé et altruiste que l’amour ? »
« …l’instructeur italien nous disait à Getafe : “j’en vois certains qui ne sont pas là !” »
« …le bon goût mène-t-il à la lassitude indifférente ? »
« …il est si raffiné et sensible qu’il sent son duvet pousser ? »
« …le savoir peut-il atrophier encore plus que la sottise ? »
« …il voulait dire quelque chose de très court ; était-ce trop court ? »
« …est-ce le déracinement qui a créé le désordre et le chaos pendant des décénies ? »
« …son visage misérable et souffrant, d’assis, ravagé par le choc d’une tarte à la crème ? »
« …une illusion si répandue : la substance ? »
« …faire semblant : j’ai compris »
« …la chose la plus significative serait-elle dépourvue de signification ? »
Poèmes plastiques



