« Il est encore trop tôt pour savoir s’il est trop tard ».
Pierre Dac
Nous assistons à l’un des paradoxes politiques les plus frappants de notre époque. Alors que les classes moyennes occidentales traversent une crise de confiance sans précédent – stagnation des salaires, précarisation de l’emploi, érosion du pouvoir d’achat –, elles ne se tournent pas vers la gauche traditionnelle, censée défendre les intérêts des travailleurs. Au contraire, elle alimente la montée de mouvements de droite radicale et d’extrême droite qui promettent de « rendre sa grandeur » au pays et de protéger l’« identité nationale ». Partout, le même schéma se répète : face à une angoisse existentielle, ces mouvements proposent non pas des solutions redistributives, mais une protection identitaire.
Cette évolution répond à un besoin psychologique fondamental. Quand les certitudes s’effritent, l’identité devient un refuge.
L’immigration devient alors le bouc-émissaire parfait : on lui fait incarner à la fois la concurrence économique et la menace culturelle.
La gauche traditionnelle, elle, peine à offrir un récit convaincant. Historiquement ancrée dans la lutte des classes, elle se retrouve désarmée face à des électeurs qui ne se perçoivent plus comme des prolétaires mais comme des classes moyennes menacées. Son internationalisme, jadis porteur d’espoir, est aujourd’hui vécu comme une négation des frontières protectrices.
L’asymétrie du partage
Depuis plusieurs décennies, les salariés aux États-Unis comme en Europe ou au Japon ont vu leur situation se dégrader. Environ 70% des ménages des pays développés (soit plus de 600 millions de personnes) ont connu une baisse de leur revenu au cours des 15 dernières années – et un Américain sur deux ! Partout les salaires ont connu un sérieux coup de frein dans les périodes de baisse des profits, sans connaître le moindre rattrapage lorsque la conjoncture s’est améliorée. Alors que dans le même temps les dividendes du capital n’ont cessé de croître. Et la pratique douteuse des rachats d’actions n’a fait que renforcer le mouvement. En bref, les exigences de forte rentabilité du capital ont été satisfaites, quelques soient les vicissitudes rencontrées – et ce même en tenant compte de la crise de 2008 –, sans que l’investissement ne reparte. Cette asymétrie du partage, on peut la constater très simplement en notant l’évolution de la part des salaires dans le PIB mondial, ne serait-ce que dans les publications récentes du BIT (Bureau International du Travail). La pandémie de la Covid-19 n’a fait qu’accélérer ces tendances. Dès avril 2020, près de la moitié des ménages américains les plus pauvres avaient perdu un emploi ou subi une réduction de salaire. Six mois plus tard, plus d’un tiers des ménages pauvres faisaient appel aux banques alimentaires et aux associations pour se nourrir.
Cette réalité est corroborée par l’évolution de la part des salaires dans le PIB, qui a chuté de manière continue depuis les années 1980 dans la plupart des économies avancées. Les politiques de flexibilisation du travail, de délocalisation et de maximisation du rendement actionnarial ont largement contribué à ce déséquilibre structurel.
Les données les plus récentes confirment cette dérive inégalitaire : en 2023, selon Crédit Suisse, les 1% les plus riches possèdent plus de 45% du patrimoine mondial. Le coefficient de Gini[1] s’est accru dans 26 des 38 pays de l’OCDE[2] depuis le début du siècle.
Les conséquences de cette évolution sont connues : explosion des inégalités, et frustration sociale. Aujourd’hui les 1% les plus riches ont capté 40% de la richesse mondiale. Et l’ascenseur social s’est bloqué puisque même le diplôme ne protège plus du déclassement. En même temps la part de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté (60% du revenu médian a dépassé 15% dans l’ensemble des pays de l’OCDE. En France cette population pauvre a progressé de plus de 45% depuis 15 ans ! Et les États providence ne peuvent plus faire face par manque de moyens, ce que la fraude fiscale explique en partie. Le capitalisme ne joue plus le jeu : il est bien loin H. Ford pour qui de bons salaires faisaient de bons clients. Aujourd’hui, dans l’entreprise, c’est le capital financier qui domine le capital humain, lequel est considéré comme une variable d’ajustement.
Désalignement
Est-ce inéluctable ? Non. Il suffirait de réaligner les intérêts par des accords d’entreprise prévoyant une augmentation des rémunérations en période de profits et un effort collectif de réduction des coûts en période de vaches maigres. Tout le monde y trouverait son compte : les financiers par une réduction des risques, les personnels par un intéressement plus juste, et l’entreprise elle-même par une motivation collective accrue. Cela permettrait aussi de mettre fin au scandale des rémunérations excessives de certains patrons autoproclamés stars… Sans que l’on sache toujours pourquoi. Cette idée, de pur bon sens, nous avons essayé de la promouvoir avec quelques amis sous le nom de « newcode ». En vain. Comme si elle dérangeait tout le monde : les dirigeants, plus motivés à augmenter les dividendes que les salaires, et certains syndicats, plus motivés à revendiquer qu’à construire.
Ce blocage n’est pas surprenant. Beaucoup de forces contradictoires se conjuguent pour essayer de ramener le désir d’égalité à la simple jalousie du moins favorisé à l’égard du mieux nanti. Analyse simpliste. La lutte pour l’égalité n’est pas la recherche d’un nivellement illusoire entre les hommes. Ni même une quête de justice. C’est aussi et surtout une question de cohésion sociale. Sans équité, le tissu social se déchire et la machine productiviste le broie. À un moment où les menaces de guerre sont réelles et où nos sociétés ont plus que jamais besoin de renforcer leur cohésion, cet éclatement social est particulièrement dangereux.
La gauche sans repères
La conversion néolibérale de nombreux partis sociaux-démocrates dans les années 1990 a laissé un vide idéologique profond. L’abandon du projet de transformation sociale au profit d’une gestion technocratique a renforcé la défiance des classes populaires.
En 1968, Robert Kennedy avait prononcé un discours célèbre qui résonne toujours aussi fortement aujourd’hui. « Le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. Il ne mesure pas la beauté de notre poésie. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats. Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. » Il est fascinant de voir comment, un peu partout, les forces de gauche ont abandonné le combat. L’échec communiste y a contribué évidemment. Mais les tenants du marché, pour ne pas dire de l’argent, ont réussi leur offensive en taxant d’archaïsme les tentatives de lutte pour une société plus juste. Lâchement, les milieux de gauche se sont persuadés que leur inefficacité économique venait de leur naïveté intellectuelle. Beaucoup de politiques, d’économistes, d’intellectuels progressistes, en voulant se dédouaner, se sont mis à trahir. Et c’est ainsi qu’un John Maynard Keynes a cédé la place à un Milton Friedman… Prix Nobel après avoir conseillé le général Pinochet.
La gauche a perdu ses repères. Notamment en privilégiant la défense de quelques minorités sur la lutte contre les inégalités, jusqu’ici son territoire historique. Les classes populaires ont mal reçu cette mise à distance du social au profit du sociétal, et se sont senties délaissées. En donnant le sentiment de privilégier la cause du mariage pour tous ou des LGBT sur la défense des intérêts de classe, la gauche en France a désorienté ses bases traditionnelles. Et ses électeurs sont de ce fait devenus ouverts à la récupération des populistes. Il fallait défendre ces causes bien évidemment. Mais pas au détriment des autres. Pas au détriment de l’égalité des chances. Cette même erreur explique d’ailleurs la déroute actuelle du parti démocrate aux États-Unis.
On sait aujourd’hui que la théorie du ruissellement n’était qu’un attrape-nigaud. L’argent ruissellera peut-être un jour… Quand les poules auront des dents.
La mondialisation malheureuse
L’horizon bouché des classes moyennes a évidemment sa traduction territoriale. Le centre-ville, lieu d’animation, de rencontres, ne les accueille plus en résidence, comme autrefois : trop cher. Leur territoire est celui des cités difficiles, des zones périurbaines moches ou des zones rurales désertifiées. La ségrégation par le logement accompagne la glissade sociale, matérialise l’endogamie et la fige. La pandémie a montré qu’une condition sine qua non de la résilience collective à une catastrophe reste une certaine justice sociale. La fin de l’économie d’abondance n’est acceptable que si elle est vécue comme équitablement assumée. Les sociétés humaines doivent d’urgence trouver un chemin pour passer de trop pour certains à assez pour tous.
Dans ce contexte, allez parler de « sobriété » aux 10 millions de pauvres et aux 2 millions de Français payés au SMIC ! Allez expliquer au bon peuple que la mondialisation sera heureuse ! Allez lui dire que l’avenir est plein de promesses grâce à la digitalisation, la robotisation, l’ubérisation : la provocation engendrera l’exaspération. Tout s’accélère sauf la promotion sociale. Et l’IA aggrave massivement le décalage entre ceux qui savent s’en servir et les autres. En réalité, c’est le moteur de nos sociétés qui est touché. L’avenir n’est plus ce qu’il était.
Parler de la fin de l’histoire, ça n’a pas de sens. En revanche, il est pertinent de s’interroger sur la fin de la géographie : les repères spatiaux ne comptent plus pour ceux dont l’action se déploie à la vitesse d’un message électronique. En fait, deux mondes se font face. D’abord celui de la mobilité où l’espace n’est plus une contrainte. C’est le monde des favorisés – hommes d’affaires, professionnels de la culture – qui voyagent d’un saut en avion ou d’un clic. Et celui des cloués au sol qui subissent tous les bouleversements de leur lieu de vie, qui y sont plus ou moins enfermés. Ils regardent donc avec frustration tous ceux qui vantent la mobilité, la flexibilité, la mondialisation. Car la fin des habitudes, c’est le début de l’angoisse. Ce dialogue entre les nomades et les manants est de moins en moins possible. Les espaces où les habitants de ces deux mondes pouvaient se voir, se parler, discuter, tomber d’accord ou pas, disparaissent. Les agoras se « désintègrent » disait Castoriadis.
[1]Le coefficient de Gini est un indicateur d’inégalité, compris entre 0 et 1, qui mesure à quel point la répartition d’un revenu ou d’une richesse est équitable dans une population : 0 correspond à l’égalité parfaite, 1 à l’inégalité totale.
[2]L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) est une organisation internationale réunissant 38 pays, principalement développés, qui collaborent pour stimuler la croissance, l’emploi et le commerce, en partageant données et analyses et en formulant des recommandations économiques. Créée en 1961, elle a succédé à l’OECE, mise en place pour gérer le plan Marshall.

Benyamin a eu le malheur d’inviter les siphonneurs de l’électorat hamassiste à réfléchir aux conséquences abjectes de la position erronée de la France à propos de la reconnaissance d’une Palestine par extension et en expansion dont le nom même comprend, dès le principe, la négation de la terre, du royaume et du peuple de Iehouda.
Qu’obtint-il en réponse ? Des excuses ? des explications ? des justifications ? Oh que non ! juste un redressement sur ses ergots du populisme d’élite, sûr de lui-même et dominateur, assorti de menaces de sanctions à peine voilées : menaces opportunistes ? superficielles ? existentielles ?
Le plus triste dans l’histoire qui défile sous nos yeux sans que l’on puisse faire quoi que ce soit pour la sauver d’elle-même, c’est l’inconscience et l’inculture présidant aux actions ainsi qu’aux intentions zélées des disciples ad vitam æternam d’un enseignement supérieur que pilote l’ultragauche depuis un bon demi-siècle.
Le Roi-Soleil ne saurait admettre qu’il alimente l’antisémitisme, car il n’a jamais considéré utile de jeter dans la forge de son propre destin ces pans de connaissance, au demeurant capitaux, qui lui auraient permis de mettre dans le bon ordre les priorités stratégiques d’une civilisation dont la cour de France fantôme le convainc qu’il en est l’incarnation impeccable.
Réconcilier Hitler et les Juifs n’est pas l’acmé du droit messianique, c’en est l’aliénation jupitérienne, ou pseudo-parentale aux dépens des dieux d’Évhémère et de leur parentèle vouée au Shéol ; un pousse-au-fratricide.
Le projet « État de Palestine » a pour seul et unique but la DESTRUCTION de l’État DES JUIFS. Les populations djihadistes de Gaza ou de Judée-Samarie s’inscrivent dans ce projet funeste. Légitimer leur cause ne les aide pas à s’en extraire, mais bien plutôt à s’y ancrer jusqu’à la fin des temps.
Est-ce de nature à alimenter la haine antisémite ? Difficile de l’affirmer. S’agissant de la haine antijuive, par contre, son rayon d’influence idéologique semble indubitablement croître à la vitesse du lierre, au sens démonique et non point racialiste de la notion. Encore que…
Rien sur l’antisémitisme virulent (travesti en antisionisme, ce qui est inepte) de cette gauche haineuse et raciste ?