La Règle du jeu publie votre article intitulé « Shah Mat ». Vous l’avez écrit il y a près de six mois, peu après une rencontre avec le président Macron où je vous ai vu présenter votre évaluation de la situation en Iran. Tiers exclu par la fausse alternative entre la realpolitik brutale et la volonté de donner au régime une dernière « échappatoire » avant la guerre, ce texte s’est révélé prémonitoire. Notamment dans votre description du rapport de force entre Téhéran et ses adversaires. Que pensez-vous de la façon dont les Israéliens et les Américains ont opéré dans la partie d’échecs qui a suivi ?
Brillamment. L’enchaînement des événements a suivi un excellent script exécuté par les deux parties. Alors que mon texte n’était encore diffusé que de manière restreinte, on a assisté à une escalade. Par l’intermédiaire d’Anwar Gargash, aux Émirats arabes unis, les Américains ont envoyé une lettre à Téhéran qui donnait au régime soixante jours pour conclure un accord. Comme ils l’ont fait à maintes reprises au cours des deux dernières années, les Iraniens n’ont pas saisi l’importance de la situation. Ils ont imaginé que ce délai était une énième bouée de sauvetage et une nouvelle occasion de suivre leur stratégie habituelle de faire traîner les Américains et les Européens dans des négociations sans fin. En laissant passer cette échéance, ils ont clairement sous-estimé tout le monde et, bien évidemment, n’ont pas compris Netanyahou du tout. Mais Trump ne bluffait pas. Le 61e jour, Israël a infligé à l’empire perse sa pire défaite depuis qu’Alexandre le Grand et sa modeste armée de quelque 40 000 Macédoniens avaient conquis l’empire le plus grand et le plus peuplé au monde.
De votre point de vue, cette opération militaire, débouchant sur cette défaite, était-elle suffisante ?
Ce que les Israéliens et les Américains ont accompli est remarquable. Comme le dit le chancelier Merz, ils ont fait le sale boulot du monde entier. Et pourtant, le travail n’est pas terminé. Dans « Shah Mat », j’ai invoqué Machiavel, qui affirmait que rien n’était plus dangereux qu’un prince blessé qui a encore la capacité de se venger. Le 7 octobre, Israël était le prince blessé. Dans un renversement extraordinaire de situation, en vainquant ses nombreux ennemis, du Hamas au Hezbollah et au régime d’Assad, Israël a donné raison à Machiavel. Mais maintenant, c’est le prince perse qui est gravement blessé. Il est patient, encore en vie et, s’il peut échapper à sa situation actuelle, il cherchera, à n’en pas douter, à se venger. Il doit donc être vaincu et anéanti.
Ce qui, personnellement, m’intéresse, c’est que vous êtes un persophile résolu et que vous disposez d’une vraie connaissance de la civilisation perse et une expertise sérieuse en ce qui concerne son histoire. Vous êtes ferme vis-à-vis de l’Iran. Mais, en même temps, vous n’êtes pas « belliciste ».
Dans notre article publié en avril dernier dans le Wall Street Journal, John Kerry et moi-même avons plaidé en faveur d’un accord donnant à l’Iran une vraie échappatoire et cette solution a été tentée. Il est important de savoir qu’avant de présenter ses points de négociation aux Iraniens à Genève, le président Macron a été interrogé sur ce que pourrait être une offre diplomatique concrète et complète de la France et de ses collègues européens aux Iraniens. Sa réponse consistait en trois volets : mettre fin au programme nucléaire de l’Iran (y compris en ramenant l’enrichissement à zéro), circonscrire le programme de missiles balistiques de l’Iran, et mettre fin à la capacité de l’Iran à déstabiliser la région par le biais de proxys et du terrorisme. Il s’agissait en fait des trois « grands impératifs » de Shah Mat. À bon escient, le Président a ajouté la libération des derniers otages israéliens, ainsi que la reprise des relations diplomatiques. Ce qui ne posait pas de problème. Bien sûr, les Iraniens ont sous-estimé Trump, ce qui leur a coûté cher. Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi a déclaré que ces conditions étaient inacceptables. Après leur avoir donné une échappatoire et se l’être vu refuser, le Président américain a franchi une ligne rouge psychologique, non seulement pour les Iraniens, mais aussi pour les États-Unis. Comme le montrent les attaques de l’Iran contre Israël l’an passé, il est beaucoup plus facile d’attaquer à nouveau un pays une fois le tabou brisé. Mais cela fonctionne dans les deux sens. En réponse au rejet par l’Iran des conditions fixées à Genève, Trump a ouvert la voie à la phase suivante, sans doute la dernière, de l’ère révolutionnaire iranienne.
Cela veut dire que vous voyez d’autres guerres se profiler ?
Plusieurs scénarios sont possibles. Mais, en substance, soit l’Iran tourne en effet le dos aux trois « grands impératifs » et ouvre un nouveau chapitre de son histoire en se concentrant sur sa reconstruction interne avec notre aide… soit la guerre reprend. Il y a bien sûr d’autres variantes. Mais le Prince iranien d’aujourd’hui, celui que nous connaissons et qui existe actuellement doit bel et bien mourir.
Donc un changement de régime ?
Je vais peser mes mots, si vous le permettez. Au minimum, le régime va évoluer, car il ne peut tout simplement pas se remettre, sans se réformer, de cette catastrophe. La question est de savoir si cela ressemblera à un « changement de régime » ou à une simple « évolution ». Il n’y a pas un gouvernement au monde qui ne traverserait une crise majeure après avoir vu, en un clin d’œil, des dizaines d’années d’efforts sanglants et coûteux consacrés à bâtir un empire réduit à néant. Un tel échec est bien pire pour un régime religieux que pour un régime laïc. Son ultime légitimité repose sur le postulat que Dieu est de son côté. Et c’est ce « mandat du ciel » qui conférait au régime le droit d’exiger des privations incroyables de son peuple. Il est donc tout simplement impossible que ce régime clérical qui tire son pouvoir d’un « droit divin » ne soit pas ébranlé de manière irréversible par une démonstration aussi vive de désapprobation céleste que celle tombée sur le régime du Velayat-e Faqih[1].
Plus simplement dit, comment les mollahs peuvent-ils surmonter le dégoût et la colère de leur peuple, alors que la seule « réalisation » ostensible dont ils pouvaient se vanter est littéralement partie en fumée ? Le projet politico-religieux qui a permis à l’Iran d’étendre son hégémonie sur la région chiite qui s’étend de Téhéran à la Méditerranée et à la mer Rouge reposait sur une revendication contestable. Les joyaux de la couronne se sont effondrés, laissant derrière eux un énorme gâchis en termes de vies et de richesses. Et, si cela ne suffisait pas, la mère patrie iranienne, infiltrée jusqu’à l’os par des « traîtres », se retrouve maintenant sans défense face à une puissance aérienne étrangère et des commandos de forces spéciales. Ce n’est plus une guerre de l’ombre. C’est une guerre aussi ouverte que tout autre conflit dans le monde depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Cette série de défaites incontestables serait déjà assez grave. Mais les choses sont pires encore. Car non seulement le « message » est accablant, mais les messagers sont eux-mêmes Juifs – ceux que les islamistes chiites et sunnites appellent systématiquement « les descendants des singes et des porcs ». Et pas n’importe quels Juifs, mais des sionistes dont les autorités iraniennes prédisent régulièrement la disparition imminente et menacent d’anéantissement total. Le Petit Satan, pays 75 fois plus petit que l’Iran, avec peut-être 10 % de sa population, voué à disparaître, a infligé à l’Empire perse une humiliation épique de l’ordre de l’invasion arabe du 7e siècle. Comment l’expliquer ? Où se trouvait Dieu, pouvait alors se demander le peuple non sans insolence, sinon du côté des Juifs ?
Vous avez beaucoup travaillé sur les révolutions et les insurrections. À votre avis, que pense le peuple iranien des attaques contre leur pays ? L’élan patriotique qui avait suivi l’invasion de l’Irak en 1980 semble absent cette fois-ci.
Avant que les Israéliens ne lancent leur offensive, on m’a demandé à Londres et à Paris si une attaque israélienne inciterait le peuple iranien à faire corps derrière le drapeau, comme l’avait fait l’invasion de Saddam Hussein. Je pensais que c’était peu probable. En m’appuyant sur l’histoire, j’ai fait valoir que deux facteurs plaidaient contre une telle possibilité. Tout d’abord, une vision lucide de l’histoire perse au fil des siècles, et la prise en compte des antécédents et des tendances qui la caractérisent. Comme les Achéménides dont la dynastie fût renversée par les Macédoniens, la défaite des Parthes face aux Romains a également accéléré leur déclin. De même, la défaite des Sassanides face aux Byzantins et aux Arabes a conduit à leur effondrement, tout comme l’incapacité des Safavides à survivre à une invasion afghane. Les Qadjars s’en sont sortis tout aussi mal face aux Russes, conduisant à leur chute par Reza Shah et la dynastie Pahlavi qui s’ensuivit. Bien que, dans certains cas, les défaites étrangères aient été déterminantes, dans d’autres, elles n’ont fait qu’aggraver des faiblesses structurelles. Mais le fait reste que le peuple iranien se rallie rarement, voire jamais, à ses dirigeants après un échec. Renverser des dynasties humiliées, bien qu’il ne s’agisse en aucun cas d’un phénomène unique à l’Iran, est néanmoins très iranien.
Puis est venu un autre facteur : ce que j’appellerais l’histoire naturelle des révolutions. Dans cette discipline, toutes les analogies ne sont pas équivalentes. Lorsque l’on demande comment un peuple réagira à une intervention étrangère, la première réponse devrait être : « à quelle phase particulière du cycle révolutionnaire nous trouvons-nous » ? En cela, il serait bien trop restrictif de conclure que la réponse du peuple iranien à l’agression de l’Irak de 1980 en a fait un patriote invétéré. Dans les premières phases d’une ère révolutionnaire, une invasion étrangère visant à éradiquer la menace de contagion régionale suscite souvent une réaction unifiée car, alimentée par la ferveur nationaliste ; les adversaires politiques peuvent mettre de côté leurs différences pour relever le défi du moment. En ce sens, l’effet galvanisant de l’intervention austro-prussienne du duc de Brunswick en France au début de la Révolution française sert d’exemple concret. De même, l’intervention des Alliés pendant la révolution russe a également été un puissant outil de propagande pour les Bolcheviks. Le rassemblement des Iraniens contre l’Irak n’était pas différent.
On pourrait en conclure que toute intervention extérieure défavorable constitue nécessairement, par définition, un revirement positif pour un régime en position de faiblesse. Mais ce serait une erreur. Au début d’un cycle révolutionnaire, une telle dynamique est tout à fait possible. En revanche, à la fin du cycle, elle est peu probable. Revenons-en à l’instant présent. Les mêmes personnes qui se sont mobilisées avec enthousiasme à Paris autour du drapeau tricolore en 1792 étaient, à l’époque où Napoléon puis la Grande Armée sont revenus de Russie, tellement épuisées qu’elles ont accepté sans broncher la restauration des Bourbons et de la fleur de lys ! En Russie, la mauvaise gestion et les privations aggravées par la défaite en Afghanistan ont conduit à un effondrement qui a conduit au démembrement d’un empire vieux de plusieurs siècles en quinze États distincts. En d’autres termes, le contexte est primordial.
Une année peut faire la différence…
En effet. L’été dernier, alors qu’Israël attendait des représailles de la part de l’Iran pour l’assassinat aussi spectaculaire qu’audacieux du 31 juillet du leader du Hamas, Ismaël Haniyeh, à Téhéran même, le régime était en fait en train de dire qu’il préférait savourer l’anxiété des Israéliens que les représailles elles-mêmes. Quelques semaines plus tard, en septembre, ce sourire s’est effacé de leur visage lorsque Hassan Nasrallah est mort et que le prince des proxys, le Hezbollah, a été anéanti. La vague tant redoutée de dizaines de milliers de missiles en provenance du Liban qui devait anéantir Tel-Aviv n’est jamais arrivée. Pas un seul. Quelques mois plus tard, la pièce maîtresse du soi-disant « Axe de la résistance » iranien, Assad, allait également tomber. Quelques mois plus tard encore, après que de nombreux fonctionnaires et scientifiques aient été massacrés dans une série d’assassinats ciblés, tout le pouvoir officiel iranien était à la merci d’Israël.
Si Dieu n’est pas à vos côtés, ni la Russie et la Chine, que faites-vous ?
Revenons au Shah Mat, qui signifie littéralement « le roi ne peut plus bouger ». En supposant que l’Occident sache comment mener à bien cette stratégie, le régime devra se rendre avec élégance et évoluer, sous peine de disparaître.
Et si, une fois de plus, les Iraniens ne parviennent pas à comprendre le message ? Que va-t-il se passer s’ils ne font rien… ou si un coup d’État finit par produire un leadership encore plus irresponsable ?
Si l’on en croit la liste des erreurs stratégiques commises par le régime iranien depuis le 7 octobre, on peut supposer que Téhéran n’agira pas avec sagesse. Ils sont vraiment devenus stupides : à vrai dire, un phénomène pas si rare que cela dans le cycle de vie des dictatures idéologiques. « Stupide » peut sembler un mot plutôt banal, mais il correspond réellement à la situation. Et c’est presque décevant, pour quelqu’un qui, comme moi, a dépensé beaucoup trop de calories intellectuelles pour deviner leurs intentions. Hélas, comme l’a si bien dit Goethe : « Il n’y a rien de pire qu’une stupidité agressive. » Ou rien de plus dangereux…
Inévitablement, à un moment donné, la réalité finira par s’imposer. Mais quel sera l’événement déclencheur ?
Certes, un tel changement nécessitera de renforcer à nouveau la pression sur l’Iran. Si, une fois de plus, les Iraniens ne parviennent pas à saisir la détermination inébranlable d’Israël de ne pas laisser le prince persan se remettre de la situation afin de pouvoir survivre pour combattre un autre jour, je plaiderais tout d’abord pour ce que j’ai longtemps promu : à savoir, un effort concerté pour faire pression sur le régime de l’intérieur. Étant donné qu’il dispose de nombreux agents en Iran, Israël a également d’importantes cartes à jouer s’agissant de proxys dans les provinces agitées, notamment le Sistan-et-Baloutchistan, le Kurdistan, le Khuzestan (ou Arabistan) et les régions azéries. Bien qu’actuellement sous le joug répressif du CGRI (Corps des gardiens de la révolution islamique), si Israël devait fournir un soutien opérationnel et une couverture aérienne aux adversaires locaux du régime, la perspective d’un démembrement de l’Iran forcerait ce dernier à s’interroger sur l’affectation de ses forces. Si, par exemple, les bases des Bassidji étaient envahies dans les avant-postes éloignés, le choc pourrait facilement provoquer des développements similaires dans tout l’empire. Perdre le pouvoir est déjà assez grave. Perdre plus de 2 500 ans de civilisation serait dévastateur.
Si ce scénario ne suffisait pas à les inquiéter, il faudrait alors passer à la vitesse supérieure. Et, cette fois-ci, aux cibles économiques. Étant complètement exposées aux attaques, les cibles économiques sont toujours vulnérables. Il convient donc d’attendre de voir comment le régime réagira au prochain ultimatum et si le jeu a basculé vers un changement de régime, ou vers la menace ultime de démanteler l’Iran lui-même, si le régime décide (contrairement au Shah) de se battre jusqu’au bout.
Mais l’Iran n’est pas anéanti comme l’est Gaza. En Iran, les Israéliens ont jusqu’à présent adopté la même approche qu’au Liban. En visant des cibles militaires et du régime, et en n’attaquant pas les cibles économiques et les infrastructures, même en riposte aux attaques iraniennes sur les zones résidentielles israéliennes, les Israéliens ont laissé au régime une possible porte de sortie pour se recentrer sur l’économie intérieure du pays.
Qu’en est-il des menaces potentielles pour le Golfe ?
En quelques mots, il faut dire à l’Iran de ne pas attaquer le Golfe, sous peine de voir ses cibles économiques frappées. En cas de reprise des hostilités, les États-Unis pourraient immédiatement invoquer la Doctrine Carter et son corollaire Reagan afin de donner aux prochaines initiatives une couverture bipartisane et de renforcer la crédibilité de leurs exigences.
Toute action imprudente contre les États du Golfe et/ou le détroit d’Ormuz devrait être considérée comme le déclencheur décisif d’un revirement complet d’une guerre contre la nucléarisation iranienne à une guerre dont l’enjeu final serait en réalité un changement de régime. En plus d’inviter à des représailles de la part des Arabes eux-mêmes, une telle erreur de la part de l’Iran (qui, entre autres, porterait atteinte à sa propre sécurité alimentaire) lui ferait également perdre la bonne volonté du CCG [Conseil de coopération du Golfe]. Ce n’est pas négligeable, car Téhéran doit savoir qu’au bout du compte, les investissements et la reprise économique représentent sa seule chance de survie. Cela signifie qu’il ne faut pas compromettre l’infrastructure économique essentielle à cette reprise.
Se rendre ou non : existe-t-il un moyen pour le régime de survivre d’une manière ou d’une autre ?
Ce qui suit est hyper-théorique, mais dans un scénario idéal pour tout le monde, y compris l’Iran et les Iraniens, un coup d’État aurait lieu, dirigé par ce qui reste d’êtres sensés dans un régime malheureusement mal équipé sur le plan intellectuel.
Même si je pense personnellement que la monarchie constitutionnelle est la voie à suivre pour l’Iran, en réalité, un roi, ou tout initiateur d’un coup d’État, aurait besoin d’un solide soutien militaire pour contenir les forces centrifuges si la nation venait à s’effondrer. Encore une fois, n’oubliez pas que l’Iran est un empire. Bien qu’il existe une véritable identité nationale iranienne, en période de grande agitation, cette apparence de civilisation peut disparaître assez rapidement pour révéler des distinctions culturelles marquées et assez profondes. La rébellion est monnaie courante dans l’histoire iranienne. Et pas seulement dans la leur. Pensez, comme évoqué en début d’entretien, à la rapidité à laquelle l’Union soviétique s’est divisée en quinze entités distinctes lorsqu’elle a atteint la phase d’épuisement de l’expérience communiste – vortex aggravé par son retrait humiliant d’Afghanistan. Là encore, si le système de gouvernance d’un pays repose sur des prétentions irréfutables à la gloire impériale, ou tout au moins à la compétence militaire, la défaite est particulièrement dangereuse. Les démocraties, comme, à titre d’exemple, la France au Sahel, peuvent survivre à un effort noble mais voué à l’échec. Cependant, pour les autocraties, la perte de prestige est un terrain beaucoup plus glissant.
En résumé, pour que l’Iran survive intact, il faudrait qu’un Napoléon émerge et dise, en substance, « en moi, le régime a trouvé sa baïonnette ». Si un tel homme ou une telle faction émergeait, les gens pourraient potentiellement soutenir le nouveau régime. Mais sa survie dépendrait du message ultime. Si l’attitude adoptée était « nous avons échoué parce que nous n’étions pas assez fermes » et qu’un renforcement de la répression devait s’ensuivre, je pense que leurs jours seraient comptés jusqu’à ce que le peuple décide que « trop c’est trop ». Si, en revanche, les dirigeants reconnaissaient que les quarante-six dernières années de misère et de sacrifices étaient le fruit d’une stratégie manifestement vouée à l’échec, et que le nouveau gouvernement renonçait entièrement aux aventures étrangères coûteuses pour « rendre à l’Iran sa grandeur » par le développement économique et la prospérité domestique, ils pourraient peut-être y parvenir. Si les gens pouvaient descendre dans la rue et clamer « Femme, Vie, Liberté » et se coiffer comme Masih Alinejad sans se faire tuer, nous pourrions voir émerger un nouvel Iran – une perspective que nous devrions tous appeler de nos vœux.
Tenue en anglais, cette conversation a été traduite et éditée par Antoine Artiganave.
