C’est une vidéo qui circule sur X. Le plus tranquillement du monde, avec un petit sourire froid et carnassier, couverte d’un voile, voilà ce qu’une étudiante bien maquillée, rose aux lèvres, du Durham College au Canada débite devant une caméra. « Je soutiens le Hamas, l’Histoire a été écrite par eux. Très fière de mon peuple. Très, très fière. J’adorerai qu’ils recommencent. Et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore ». « Non, ce ne sont pas des terroristes. Je soutiens chaque décision. Ce qu‘ils ont fait était historique. Très fière. L’Histoire a été écrite ce jour-là. Bravo au Hamas[1] ». C’est une autre vidéo, qui a été prise le 17 novembre. Dans un amphithéâtre, on entend distinctement des hurlements. Un étudiant debout, éructe de haine et insulte un étudiant juif lors d’un débat à l’University College de Dublin. « Nous vous ferons encore et encore ce qui s’est passé le 7 octobre. Allah Akbar. » « Allah Akbar » retentit dans la salle, c’est la confusion, des étudiants se lèvent et quittent le lieu, pendant que des assesseurs tentent désespérément de calmer plusieurs étudiants[2]. En Australie, un jeune islamiste entre en voiture dans un quartier juif pour tenter de provoquer les habitants. Il a tatoué « 1453 » sur sa main, l’année où les forces musulmanes ont conquis Constantinople. Il se met à insulter des passants[3]. En France, Camille est étudiante. Elle est féministe. Sur Twitter, elle a vu une de ses connaissances, une militante, défendre l’idée du viol de guerre. Pour elle, les Palestiniens ont le droit de violer des femmes juives[4]. Depuis le 7 octobre, Max baisse la tête quand il passe devant ces tags qui ont fleuri un peu partout sur son campus universitaire de Nanterre (Hauts-de-Seine). « C’est assez simple, le matin lorsque j’arrive devant les bâtiments, je vois des inscriptions antisémites. Lorsque je m’assois en amphi, je vois des croix gammées gravées sur les tables. Lorsque je veux écouter mon cours, je dois assister à des interventions d’étudiants pro-Palestine qui viennent nous expliquer que le Hamas a raison », souffle l’étudiant de 21 ans, de confession juive[5].

Toute la journée, je vois se multiplier ces posts, les récits et les articles

Je lis fébrilement les mots, mon ventre se noue, ma tête est compressée, oppressée. Dans ces multiples récits, quelquefois courts, quelquefois longs, chacun tente de raconter le désarroi, la stupéfaction, la sidération, la peur et le chagrin. Les vidéos se succèdent, de courtes séquences, toutes violentes. Des étudiants prêts à en découdre, hurlent. Fanatisés sûrement, en colère sûrement, les voilà qui veulent sauter, arracher, battre, se jeter sur, détruire et casser. Personne ne pourrait les retenir, tant l’ivresse de la vengeance est présente, tant la soif de mort se lit sur les visages, tant l’on entend de leurs bouches sortir les maux acides, tant l’on voit de leurs yeux, le regard assassin.

Je m’arrête de respirer. Je ferme les yeux, mon souffle se fait court. Mon cœur bat plus vite encore lorsque je lis les mots les plus vils, les mots les plus sales, les plus orduriers, ceux qui puisent et boivent des égouts, la fiente et l’odeur putride.

Je mesure cette vague déferlante qui secoue les miens, de partout à la fois.

Je pèse leur désarroi, je mesure la peur et l’effroi. Je frôle le souvenir de l’ivresse des pogroms, je scrute la mort, j’entends le cri de ralliement des bêtes assoiffées, lorsqu’ils crient « Mort aux Juifs ». Je m’arrête sur cette inscription « Un bon Juif est un Juif mort », sur les murs d’une école. C’est là, en six mots toute l’horreur de l’antisémitisme, son rêve ultime, sa seule jouissance.

Qu’est-ce qu’il y a dans ces esprits malades ? Qu’est-ce qu’il y a dans ces esprits dérangés et assassins ? Pour qu’ils se plaisent à jouir ainsi en offrant à la vue de tous et de toutes, les lettres, les mots et les virgules d’une folie furieuse, d’une soif de mort ?

Qu’est-ce que cela dit de la haine qui dévore ces gens ? Qu’est-ce que les « Mort aux Juifs » disent d’elles et d’eux ? Si ce n’est pas de la folie ? Si ce n’est la bestialité ? Si ce n’est l’obscurantisme ? Si ce n’est la monstruosité et le voyeurisme ?

Je dois expliquer cela à des journalistes sans perdre pied, rester maître de mes émotions. Je dois expliquer ce déferlement qui s’abat ici et là, de partout à la fois. Je dois mettre des mots intelligibles, additionner les chiffres, compiler les sondages, contextualiser calmement.

Pourtant, dans ma tête, pendant que je parle, je me demande si l’on comprendra seulement la douleur et la peur ? Si l’on sentira comment et pourquoi les Juifs n’en peuvent plus. Comment et pourquoi appellent-ils à l’aide. Comment et pourquoi ils se replient sur eux-mêmes, avant de quitter notre pays, parce qu’ils ne s’y sentent plus en sécurité.

Je n’ai plus de mots. Lorsque je n’ai plus de mots, c’est que le désespoir me gagne ou la rage.

Il ne me reste plus qu’à fermer mon ordinateur, attendre des jours meilleurs en fermant les yeux afin de s’envoler comme un oiseau au-dessus de cette mêlée folle, de cette mêlée revancharde et assassine. S’élever comme un oiseau, vers la liberté. Au loin, très loin, en haut, très haut de cette folie assassine. Vers un monde qui n’existe pas encore, d’autres cieux, où l’on s’aimera tout simplement, sans jamais offenser, sans jamais détruire, sans jamais vouloir tuer d’un seul sourire, un sourire carnassier, rose aux lèvres.


Marc Knobel est historien, il a publié en 2012, l’Internet de la haine (Berg International, 184 pages). Il publie chez Hermann en 2021, Cyberhaine. Propagande, antisémitisme sur Internet.


[1] https://twitter.com/AntonStruve/status/1725802005908652101

[2] https://twitter.com/AntonStruve/status/1725630655734620536

[3] https://twitter.com/AntonStruve/status/1725212397378367895

[4] https://twitter.com/uejf/status/1716845509116154052

[5] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/mort-aux-juifs-a-la-fac-de-nanterre-l-antisemitisme-prospere-20231117

8 Commentaires

  1. On s’était mis dans les mains du tyran KGB quand, soudainement, son surmoi surpeuplé jugea qu’il était temps de profiter d’une position géostratégique, somme toute, assez avantageuse en reprenant ce qui, d’après ses sources, appartenait aux Russies de toute éternité sous peine de nous plonger dans l’ère glaciaire sur fond de transition énergétique paresseuse. On n’eut donc d’autre choix — ? — que de s’enferrer dans une autre liaison, tout aussi dangereuse, avec des malfaiteurs à l’offre diversifiée : gaz, pétrole, extermination de juifs, égorgement de pédagogues laïques, etc. ; nos nouveaux maîtres-chiens ne se sont pas fait prier ni davantage attendre, pouvant compter sur tout un pan de l’opinion occidentale qu’ils savent a priori acquis à leur cause, une absorbable masse de crétins des Scalps qui ne se sentent pas vraiment concernés par le fait qu’on s’échine à russifier l’Ukraine afin de s’emparer de ses ressources humaines et terrestres, mais qui s’avouent préoccupés, voire assez impatients qu’on extermine un à un les membres désélus d’un peuple de la Bible qui se caractérise par son étanchéité à la conversion, en vue de franchir une étape décisive dans la Reconquista Islamica, grosse caisse de résonance de nos désirs hagards pour la Révolution mondiale.
    L’angoisse de ces familles d’otages qui sont, avec tout le respect que nous devons à leur douleur indescriptible, notre famille, cette cible n° 1 des saints guerriers d’Allah que l’organisation terroriste Hamas — appareils politiques et militaires confondus — met au supplice en mondiovision, résonne dans la calebasse de l’opinion comme un boomerang immonde revenant vers les bourreaux d’enfants, de femmes et de vieillards palestiniens qui, pour beaucoup de gens de peu de foi, auraient transformé Gaza en camp de concentration à ciel ouvert (sic), un genre de camp de la mort de nouvelle dégénération, avec aide humanitaire internationale et acheminement d’arsenaux militaires à vocation hyperterroriste à volonté.
    L’opinion a bon dos ; les démocraties ont surtout les leaders politiques qu’elles méritent ; qui leur exposent par le menu, ou choisissent de cacher sous le tapis volant de Mille et Une Nuits des morts-vivants, les risques à long terme d’une soumission des États de droit aux maîtres-chanteurs de la Nouvelle Nuremberg, lesquels emboiteurs du pas de deux panrusse n’ont jamais caché leur volonté d’extirper du réel une tumeur israélienne qu’ils ont déjà ôtée de toutes les cartes géographiques ; représentants de la majorité ou des oppositions, nationales ou étrangères, qui tiennent le cap quoi qu’il en côute, ou vont plutôt chercher à masquer, par une happy end de courte durée bénéficiant d’une standing ovation réglée au millimètre pour feus les gendarmes du monde, ce qui ressemble de plus en plus à un enlisement chronique face au djihadisme rampant et galopant, quand ce n’est pas leurs petites ou méga bonnes affaires que cette guerre sans fin, avouons-le, n’arrange pas.
    Les populistes s’engouffrent dans les vents tyranniques de l’opinion. Les démocrates les guident, les ramènent s’il le faut à la raison. Où est-il dit que les démocraties doivent tendre le micro aux suppliciés à l’agonie afin d’élaborer une stratégie capable d’assurer leurs intérêts vitaux ?

    • Israël c’est la France. Gaza c’est la Belgique tombée aux mains des contre-brigades internationales de l’État islamique. Une pluie de missiles s’abat sur nos têtes de Gaulois trop éberlués pour les réfracter. Les Belges en profitent pour forcer notre front inconscient, kidnapper deux milliers de nos concitoyens, après en avoir massacré dix mille autres.
      « Alors, qu’est-ce que vous proposez, vous, en échange des otages ?
      — Une raclée. »

  2. « Pendant la trêve, la guerre ne s’arrête pas. »
    Roger, mon colonel, mais quels en sont les objectifs ? — sauf erreur de ma part, il y a un point sur lequel l’ensemble des stratèges politiques et militaires israéliens semblaient être tombés d’accord au lendemain du pogrom : la neutralisation du Hamas ; or, comment procéder à la dissolution d’une organisation terroriste dont on a normalisé les relations diplomatiques avec ledit gouvernement que cette dernière colore de sa haine spécifique, souillant dans la foulée chacun des acteurs internationaux qui renoncèrent à prononcer son bannissement définitif ?

    • L’homme du monde libre, j’entends par là tout homme qui honore sa dette à l’égard des civilisations ayant aboli les formes antiques et modernes de l’esclavage, ne soutient pas l’État juif sans réserve.
      On reproche à une France qui n’est pas celle des islamistes hard et soft d’assurer Israël de son soutien inconditionnel.
      Ceci est faux.
      La Nation des Justes exige de l’allié israélien qu’il débarrasse la planète entière d’un rouage crucial et particulièrement influent de la piraterie d’Empire de l’Oumma.
      Le Jihâd est un monstre à deux têtes qu’il faut décapiter.

  3. « Personne ne connaît les noms de ceux qui vont être libérés, c’est le supplice pour les familles. Nous avons des doutes sur la bonne exécution de ces libérations. J’ai entendu deux choses contradictoires hier : que les binationaux seraient dans cet accord mais aussi qu’ils ne le seraient pas. Pourtant c’est dans l’intérêt (d’Adolf Hitler) qu’ils le soient pour faire baisser la pression internationale sur (lui). »
    Après relecture et rebaptême du führillon palestinien Ismaël Haniyeh, je dirais que, dans leur quasi-totalité, je souscris à vos propos, Me Klugman.
    J’ajoute que les pays qui, plutôt que de conseiller au fauteur d’horreur d’aller se terrer dans un égout, histoire de laisser les causes injustifiables d’un crime inexpiable se décanter, l’ont reçu en visite officielle après que ce dernier eut ordonné l’accélération du très-saint-processus génocidaire visant les fondateurs du monothéisme, tous ces pays, dont l’un semblait pourtant lié à Israël par un traité de paix, se sont clairement rangés du côté des ennemis de l’humanité.

    • On aurait pu espérer que, connaissant le palmarès de quelques rebuts de l’humanité remis en liberté pour que Gilad Shalit ne fût pas sacrifié, l’accord sur les otages entre Israël et les Palestiniens — il faut appeler un chat un chat — demeure secret et la libération des innocents, comme celle des psychopathes judéocides qu’Israël va devoir relâcher dans la nature, aussi discrète que possible. Au lieu de quoi, les quatre pouvoirs appuient sur l’accélérateur de la refonte anti-occidentale du droit international un bandeau sur les yeux. C’est à croire qu’une transcivilisation régie par les droits de l’homme est un projet d’un autre âge sur lequel même ses concepteurs se sont assis.
      Ça se jouera donc entre les deux extrémités de l’échiquier dépolitique. À l’intérieur d’un octogone démocratorial dont on peine à mesurer les trésors d’ingéniosité qu’y devra déployer la Bête à deux dos pour triompher d’elle-même.
      Courage, fuyons l’inexorable piège que nous tendons à notre espèce ! Il y a pire que la surhumanisation pour Mutatis mutandis, il y a le déni de déshumanisation.

  4. Adolf doit envier notre époque. Face à des Alliés comme nous, il n’aurait eu aucun mal à s’en sortir vivant, j’entends par là aussi survivant que put l’être un rescapé de son propre chef-d’œuvre, perçu de fait comme absolu ou, plus précisément, comme un absolu par toute une galaxie d’incivilisations aussi tentaculaires qu’impressionnables, en tant qu’il se serait révélé à elles invulnérable aux armes de destruction les plus performantes qui eussent été jamais mises au point par nous autres, pauvres mortels.
    Non, vraiment… bravo ! vous aurez réussi à faire passer l’opération ciblée de Tsahal pour un arrêt de mort des otages signé par un Hérode aux penchants cruellement saturniens. Bon appétit ! messieurs ! Rassasiez-vous de ce poison que vous nous enjoignez d’avaler goulument, en signe de reconnaissance puérile.
    Priez toutefois pour que le postulat selon lequel tout doit être fait pour que la mort d’aucun otage israélien ne vienne augmenter le nombre déjà ahurissant des martyrs d’octobre, priez pour que ce cri du cœur que Dieu et la raison pure foulent aux pieds, et croyez bien qu’on Le et la comprend… priez, redis-je, pour que cette évidence peut-être trop fragrante ne rende pas nos revenants responsables d’un autre 7-Octobre, sinon d’un raffermissement du Hamas, ou de la cause dont il préempte les droits d’incarnation, ou de sa capacité à transformer ses pires méfaits en autant de hauts faits, ou de son acharnement à revendiquer la première place auprès des cons qui, faut-il le rappeler, sont légion.
    Aucun otage ne sera vraiment sauvé tant que nous n’aurons pas remédié aux convenances décivilisatrices qui font que l’Antéchrist est ressuscité des morts.

  5. Aux dernières news, l’opposition israélienne vote Haniyeh. À la place du Parti islamonazi de proto-Palestine, je songerais sérieusement à me spécialiser dans la prise d’otages, façon FARC en moins gangster, ou en plus honorable selon les codes géopolitiques post-9/11… du genre « cessons d’humilier Hitler et il se métamorphosera en Mère Teresa », c’est bien ça ? histoire de rembourrer le Didon des kouffar jusqu’à l’extase, — il faut bien s’occuper en attendant Armageddon.
    La surexposition médiatique des négociations confère une légitimité à leur infamie nécessaire. Il apparaît qu’au bord de l’affolement, nous cherchons de nouveau une sortie de crise en chaîne sous peine de provoquer l’embrasement régional que nous promettent les vidangeurs de notre force de dissuasion. Le risque d’encourir une hausse fatale des représailles en cas de non-libération des otages ne serait-il pas censé concerner les cibles de la riposte, plutôt que celles de l’agression ?
    L’équidistance entre Hitler et les Juifs continue d’instaurer une stratégie de l’évitement présentée comme un gage d’efficacité par les roitelets du Petit Siècle qui se complaisent à savonner notre planche de salut pour partie vermoulue. La France mal dreyfusée observe qu’elle ne contente ni les pro-israéliens ni les pro-palestiniens ; elle en conclut que sa posture immobiliste lui tresse une couronne de sagesse, dividende d’une gloire passée très largement surestimée. Votre attitude vous accable, ma Dame. Après le 7 octobre 2023, on est soit avec, soit contre le monde des vivants. Soit contre, soit avec l’État nazi euthanasieur. On avance d’un pas vers l’avenir radieux ou l’on porte son choix sur l’autre option : déposer les armes.
    Tsahal inspecte les sous-sols d’un hôpital à Terroriza. Qu’elle y débusque ou non un terrier terroriste, dans les deux cas, elle écarte un obstacle à la paix qui devrait être un objet de préoccupation pour toute communauté humaine qui se conçoit comme internationale. Si cela chagrine l’ex-collaboratrice du Quai d’Orsay qui arrachait des affiches d’otages israéliens, eh bien, comment vous dire… on fera avec. S’il y a encore des Gazaouis pour voir dans l’opération salvatrice de leur voisin une chance inespérée de réintégrer la communauté des hommes, bienvenue à eux !