Souvenons-nous, les 21 et 22 février 2019, à Paris, une trentaine de nationalistes faisaient violemment irruption au colloque international de « La nouvelle école polonaise d’histoire de la Shoah », qui avait réuni les plus grandes figures de ce mouvement intellectuel à l’EHESS[1], avec le soutien de La Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Au nom de l’honneur et de la réputation de la Pologne, injures antisémites moyenâgeuses et menaces avaient été proférées à l’endroit des intervenants et participants. Les militants ultra-droite auraient agi, selon certains, avec la bénédiction des autorités polonaises, peu enclines, c’est le moins que l’on puisse dire, à l’émergence des apports historiographiques de ces spécialistes de la Shoah, et n’hésitant plus à s’attaquer aux libertés académiques. 

En 2018, le gouvernement polonais du PiS (Droit et justice), faisait passer une loi interdisant d’exprimer tout lien entre la Pologne et les crimes nazis, et réprimant, jusqu’à trois ans de prison, toute idée « attribuant à la nation ou à l’État polonais la responsabilité ou la co-responsabilité des crimes commis par le IIIe Reich allemand – ou tout autre crime contre l’humanité […] ou crime de guerre ». Face à la colère de nombreuses institutions, dont Yad Vashem en Israël, le projet de loi est abandonné au pénal. Mais pas au civil… Depuis, le parcours de nombreux intellectuels est semé d’embûches, avec, en toile de fond, une mobilisation des femmes pour l’avortement – désormais quasi interdit en Pologne – et des homosexuels face aux arrêts législatifs gouvernementaux « rédigés par des prêtres et non des juristes ».  

En 2016, une enquête judiciaire est ouverte pour « outrage public à la Nation polonaise » à l’encontre de Jan Gross, l’historien, écrivain, professeur à Princeton, et auteur du fondamental essai Les voisins, un pogrom en Pologne, 10 juillet 1941. Le président de la République de Pologne envisage alors de lui retirer l’Ordre du Mérite qui lui avait été attribuée en 1996 pour « antipatriotisme ». 

En 2021 se tient le procès de deux universitaires : Barbara Engelking et Jan Grabowski. Tous deux attaqués en justice pour avoir évoqué brièvement dans leur livre Plus loin, c’est encore la nuit le cas du maire du village de Malinowo, Edward Malinowski. Ce dernier aurait certes sauvé une vie juive mais en aurait également envoyé des dizaines d’autres à la mort. La nièce de ce dernier, soutenue notamment par la très puissante Ligue polonaise contre la diffamation, a obtenu, pour l’heure, la condamnation des intellectuels à devoir s’excuser publiquement et par écrit pour leurs travaux. 

Pour Tal Brutmann, historien, spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme en France, « littéralement, les autorités en place peuvent ruiner n’importe quel historien, le traîner et le faire condamner devant les tribunaux. C’est ce qui est exactement en train de se passer avec ce procès. La question ne devrait même pas se poser. Ce n’est pas aux tribunaux de dire l’Histoire. Cette plainte a été déposée par la descendante d’un maire d’un patelin, qui, en gros, se plaint parce que l’on dit du mal de son tonton. Ce tonton a sauvé des Juifs mais il en a livré aussi. Les travaux de Jan Grabowski et Barbara Engelking montrent cette réalité, cette complexité polonaise, et des plaignants estiment que c’est porter atteinte au ‘renom de la nation polonaise’ […] On parle aussi d’‘anti-polonisme’… Du côté des plaignants on trouve également, traduit en anglais, ‘L’Anti Defamation League’ et l’on ne peut que penser à une référence à la grande ONG juive américaine. Ils reprennent en fait toute la phraséologie liée à la lutte contre l’antisémitisme et il ne s’agit pas d’un groupuscule, mais d’une grosse association financée par l’État polonais dans la parfaite ligne du régime. J’étais présent lors du Colloque de l’EHESS, tous les plus grands historiens polonais étaient là, soit aussi toute la fine fleur de tout ce que l’extrême droite et la droite polonaise hait. Certains activistes, venus expressément de Pologne, ont tenu dans ce cadre des propos surréalistes, comme ceux, par exemple, affirmant que les Juifs enlèvent des enfants pour confectionner des Matzot. Un grand classique antisémite médiéval, malgré tout un peu ‘périmés’ en France. Tout cela s’inscrit dans la logique, le fil conducteur d’un mouvement soutenu largement en sous-main par l’État polonais actuel qui souhaite revenir sur le travail de mémoire enclenché en Pologne dans les années 2000, comme en France avec notamment le discours de Jacques Chirac en 1995, par la société civile, certains historiens et politiques. On observe désormais un balancier dans l’autre sens, toujours comme en France dans certains cercles, à ce ‘détail’ près que les tenants de cette remise en cause ne sont pas au pouvoir et ne légifèrent pas dessus, comme en Pologne où cela crève les yeux. L ‘avortement est devenu quasiment interdit, les questions LGBT sont malmenées. Ils tapent dans tous les domaines et cela ne date pas d’hier. Si ce procès a eu lieu, c’est que le politique a permis qu’il ait lieu, en adoptant des lois qui le permettent, en instaurant un cadre, une atmosphère qui l’autorise. Les gens ayant participé au colloque de Paris ont été mis à la une des journaux de droite et d’extrême droite avec leurs photos et leurs noms, même à la télévision nationale, avec l’idée que nous avions traîné la Pologne dans la boue… »

Laurent Joly, historien également et spécialiste de l’antisémitisme sous Vichy a apporté son soutien public aux deux universitaires : « En Pologne, on le sait, depuis plusieurs années, la droite nationaliste veut imposer un récit mensonger de la Shoah, dans lequel il n’y aurait que des héros et aucun traître… Le procès en diffamation intenté à Engelking et Grabowski s’inscrit dans cette entreprise de mise au pas de l’histoire. »

Du côté de Yad Vashem à Jérusalem la réaction est vive et Centre international pour la mémoire de la Shoah a fait part de son « inquiétude suite au procès tenu en Pologne à l’encontre des chercheurs polonais »et a « réitéré avec fermeté sa position de principe élaborée en juillet 2018, selon laquelle tout effort visant à limiter le débat universitaire ou public par des pressions politiques ou juridiques est inacceptable ». Pour l’institution : « une telle initiative constitue une entrave à la liberté d’étude et de recherche. Les poursuites judiciaires contre les spécialistes de la Shoah en raison de leurs travaux sont incompatibles avec les normes de recherche académique et minent l’effort entrepris pour reconstituer une image complète et équilibrée de la Shoah et la véracité et la fiabilité des ressources historiques sous-jacentes. »

« L’Europe ne réagit pas là où elle le doit. Elle devrait s’en mêler. L’affaire du colloque à l’EHESS aurait dû aussi constituer un véritable incident diplomatique en France. Mais au bout d’une semaine, c’était terminé. », poursuit Tal Brutmann, « tout cela montre que le sujet n’est pas pris sérieusement en compte et que quelque part, tout le monde s’en fout. »

Pour Jonathan Hayoun, réalisateur de film-documentaires, notamment sur la mémoire d’Auschwitz, et ancien président de l’UEJF « depuis l’arrivée du PiS, nous assistons bien à un retour en arrière des politiques mémorielles par ce gouvernement nationaliste. Ce qui est plutôt ‘raccord’ avec une bonne partie de la société. Ils savent parfaitement que cela sert leur image de raviver cet antisémitisme séculaire, ce ressentiment, cette rivalité entre la mémoire polonaise et la mémoire de la shoah. Pour le politique, c’est une façon de se renforcer. Le fait de vouloir le plus d’encadrement possible dans le domaine de la recherche universitaire, c’est aussi jouer sur cette peur, cette agressivité populaire en Pologne à l’égard de la mémoire de la Shoah. La Pologne compte désormais parmi ces démocraties illibérales régulièrement rappelées à l’ordre éthique sur le sujet par Yad Vashem ». Telle une sorte de « populisme mémoriel », anti-mémoire de la Shoah, remplissant une vraie fonction. « Il ne faut pas non plus négliger la présence encore vive dans la mémoire collective polonaise de l’affaire du Carmel d’Auschwitz. Les carmélites ont dû partir et une frange de la population ne l’accepte toujours pas. Cela a été vécu comme une démission de la souveraineté polonaise. » Et cette question du souverainisme percute le fait qu’il se trouve que l’une des accusées, Barbara Engelking est également, depuis 2014, présidente du Conseil international polonais d’Auschwitz. « Elle incarne la responsabilité internationale du devenir du camp, ce n’est pas anodin. Les autorités préféreraient que personne ne vienne se mêler de leur manière de gérer leur réappropriation de ces lieux de mémoire. »

Le colloque de l’EHESS aurait donc bien été instrumentalisé par le gouvernement polonais, comme du pain béni pour leur logiciel politique : des historiens racontant « du mal » de la Pologne en dehors des frontières, donc des traîtres par excellence.

Et de nous rappeler que, il y a deux ans, une importante manifestation d’extrême droite fut autorisée à l’intérieur du camp d’extermination même – alors qu’avec les normes de sécurité il est notoirement difficile d’y faire rentrer la moindre bougie pour réciter un Kaddish –, au motif de marteler l’importance de la mémoire des victimes polonaise, et durant laquelle furent prononcés ces mots par les organisateurs : « La nation juive et Israël font tout pour modifier l’histoire de la nation polonaise ». 

Dans le viseur de l’ultra droite aussi, Joanna Tokarska-Bakir, anthropologue et spécialiste des études religieuses dont la plupart du travail concerne l’antisémitisme en Pologne, les légendes et la diffamation de sang prétextes à la haine populaire. Ada est franco-polonaise, documentaliste et archiviste travaillant en Pologne et sur la Pologne, confirme : la promotion du dernier livre de l’universitaire sur le pogrom de Kielce en 1946 est très difficile. « On lui met des bâtons dans les roues : trouver des endroits pour faire une conférence de presse, assurer certains TD à l’université, devient compliqué alors que c’est une chercheuse très renommée. » Pour elle, la Pologne vit une séquence de mobilisations politiques importantes quant à la nouvelle loi encadrant strictement l’avortement. Sur le sujet de la mémoire de la Shoah, c’est la même polarisation de la société, mais avec une mobilisation moindre, même si la plupart des figures et têtes pensantes des manifestations pour les droits des femmes ont apporté leur soutien aux deux historiens attaqués en justice. « Le problème est aussi qu’il n’y a plus vraiment de médias publics libres. La plupart des journalistes ont été virés et remplacés par ceux étant du ‘bon’ côté du pouvoir. Ce procès a donc été très médiatisé mais recouvert sous une propagande allant dans le sens de la chanson nationale voulue par le gouvernement. Ces chercheurs sont accusés de travailler pour l’étranger, contre la Pologne, et de recevoir des fonds de l’étranger (forcément, car il n’est quasiment plus possible de recevoir des bourses universitaires sur ces sujets), toujours selon cette obsession de vouloir se placer en tant que victime et de se refuser le moindre rôle de bourreau, complice ou tout du moins de témoin participatif à l’extermination de leurs voisins. C’est vraiment le combat de fond du nouveau roman national qui s’écrit en Pologne aujourd’hui. » Que pense-t-elle du verdict et de cette condamnation à s’excuser ? « Si ce n’était pas aussi tragique, ce serait presque comique. » Sauver quelques Juifs et en livrer d’autres, une sorte d’extrême mais élémentaire « en même temps » polonais, qui fait toute la complexité de l’histoire de ce pays sur laquelle l’extrême droite et l’église souhaite revenir. « Quand le plus haut gradé de l’église polonaise a déclaré que les homosexuels étaient une peste, personne ne lui a demandé de s’excuser, le tribunal n’y a vu aucun inconvénient. […] C’est très représentatif du chemin terrible que prend la Pologne. A côté de cela, les Polonaises ne peuvent plus avorter, et même si leur fœtus n’est pas viable, la loi les obligera à l’accoucher quand même. C’est pour moi une forme de torture. On assiste néanmoins à un réveil des consciences et, je l’espère, à une convergence des luttes’, mais il faudra que cela se traduise dans les urnes. La prochaine échéance est en 2023. En attendant, j’ai l’impression qu’ils détruisent tout, et font absolument ce qu’ils veulent. Le Tribunal constitutionnel est aujourd’hui une plaisanterie d’institution, en passe de devenir un organe du pouvoir exécutif. »

Et à la question de comprendre pourquoi les logiques haineuses ressurgissent autant, pourquoi l’antisémitisme s’agite-t-il avec une telle force, en Pologne, Ada nous dit bien : « C’est une vieille affaire, nous n’avons pas attendu Adolf pour persécuter les Juifs, les exclure des espaces publics et des universités ».


[1] EHESS: École des hautes études en sciences sociales.

Thèmes

3 Commentaires

  1. Il n’y a depuis TRÈS longtemps rien à attendre de la France, une hystérique hypocrite…
    Vous en avez les preuves (limitons-nous à l’actuel vécu) depuis un siècle sans que fort peu parmi les couards (juifs) on révise la vieille obstination scotomisant la possibilité de la Fin diasporique, ce que Jabotinsky a clamé dans le désert pendant des décennies, et surtout à partir de 1930…! Tous ou presque sont restés depuis Pinsker (1882! ) à Varsovie et Odessa et Berlin! Et Paris….
    aux USA et en Europe, l’attachement capitulard au principe fallacieux du Citoyen Républicain (noir jaune juif etc…) mène aujourd’hui aux catastrophes de demain.

  2. Merci pour votre votre article que j’envisage citer sur mon blog (je vous transmettrai le lien sitôt que je publierais sur cette  matière). J’ai seulement une observation au sujet de la phrase de Tal Brutmann: « L’Europe ne réagit pas là où elle le doit. Elle devrait s’en mêler ». Bon, il ne se passe pas exactement comme ça. En effet, il y a un contentieux en marche envers la Pologne sur l’intromision de l’executive polonais dans les Tribunaux de Justice. En tout état de cause, ce sont les nations de l’Europe qui pourront être accusées de passivité, puisque la Justice reste une compétence nationale et c’est le Conseil Européenne qui a le pouvoir de s’en mêler.

    Avec les attributions limitées que la Commission Européenne a dans le Traité de l’UE elle a un “Coordinator on combatingantisemitism and fostering Jewish life” (Mme. Katharina von Schnurbein) dans le “DirectorateC: Fundamental rights and rule of law” et le cabinet du Commissaire de Justice Didier Reynders s’en occupe aussi attentivement. Je vous copie une partie de la réponse que j’ai reçue de ces instances au sujet du procès à Barbara Engelking et Jan Grabowski, en lettre signée le jour même de l’audience à la cour polonaise, 9 février, après que, fin janvier, je m’en étais préoccupé dans un message au cabinet de justice de la Commission Européenne:

    « The Commission has been following the campaign closely as well as the adoption of the so-called ‘Holocaust bill’ in 2018, on which the current trial is based. The Commission considers that commemorating the Holocaust is ajoint responsibility in Europe. Remembering these atrocities is essential for understanding the value of having a European Union today. The criminalisation of conducts such as those provided in the Polish law is under the competence of Member States. At the same time, Member States have a primary responsibility to ensure that such laws comply with fundamental rights and particularly with the right to freedom of expression, in accordance with their constitution and with their international human rights obligations, including under the European Convention of Human Rights. In the context of the Holocaust it is also o fcrucial importance to preserve historical memory and encourage independent scientific research through free and open discussion. »… « In 2021, the Commission will put forward a strategy on combating antisemitism and fostering Jewish life, to support EU Member States and civil society in their fight against 2antisemitism. Holocaust Remembrance will continue to be an essential pillar of our efforts to ensure that we never forget our history. The Commission will continue supporting independent research and documentation of the European scale of the Shoah through, among other, the European Holocaust Research Infrastructure (EHRI). It will increase its funding on Holocaust remembrance through the Citizenship, Equality, Rights and Values programme as of 2022. As Permanent International Partner of the International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA), the European Commission launched in January 2021 together with the IHRA, the United Nations and UNESCO, the awareness campaign #ProtectTheFactsseeking to raise awareness of the importance of recognizing and countering Holocaust distortion among policymakers, Holocaust-related institutions, civil society and the general public. The campaign website  www.againstholocaustdistortion.org points to education resources and is available in English, French, Spanish and other UN languages.For more information about the Commission’s activities to combat antisemitism, please visit our website:https://ec.europa.eu/newsroom/just/news.cfm?item_type=957&tpa_id=19842 » 

    Et aussi:“On the occasion of the International Holocaust Remembrance Day on 27 January 2021, the Commission reiterated the importance of promoting Holocaust research and education and fighting Holocaust denial and distortion. The Commission committed to ensuring the study of the Holocaust in all its dimensions and called for free andindependent academic research. In particular, President von der Leyen said the following: “The last survivors are passing away. And for many of our young people, the events of the Holocaust seem to belong to a far away and distant past. Some have never even heard of it. Remembering the Shoah is our sharedglobal responsibility. (…) The duty to remember is for all of us. And it has to be passed down from generation to generation. Young people need to know the facts. They are particularly exposed to Holocaust distortion on the net. We need to teach them about the Holocaust and the fragile nature of human societies.”

    Je vous félicite cordialementpour votre travail.

  3. On ne peut que s’étonner de la frilosité de l’Union européenne devant les multiples entorses à ses règles commises par le pouvoir polonais, et s’interroger sur ce que devraient être les réactions et les sanctions qu’appelle la politique mensongère et dangereuse de ce pouvoir. Mais on ne peut pas s’en tenir à faire part d’un tel étonnement; on ne peut pas taire le sentiment de scandale, d’indignation qui doit nécessairement l’accompagner et devrait déboucher sur une action destinée à exiger des institutions européennes qu’elles fassent preuve de fermeté face à des glissements qui conduisent, on ne peut que le redouter, à d’inquiétants lendemains. Hélas ! ce qui a lieu en Pologne n’est pas un phénomène isolé. Je me souviens de ce que disait Serge Klarsfeld au lendemain d’une manifestation au cours de laquelle s’était de nouveau ouvertement manifestée la haine antisémite. J’ai le sentiment que le retour de ce qui n’avait donc été que refoulé, dissimulé, constitue un ensemble de signes qui ne nous alertent, de manière répétée, qu’en vain puisque le péril ne semble pas refluer. C’est trop dire, sans doute, pourrait-on me faire remarquer, puisque la lutte contre l’antisémitisme est menée résolument ici ou là. Certes, mais avec quel résultat? Bref, les combattants ne manquent pas, mais le cancer, si c’est une métaphore adéquate, progresse. Suis-je exagérément pessimiste ? Faudra-t-il attendre encore pour faire reculer une menace devant laquelle la raison marque tragiquement le pas ?