Permettez-moi de m’adresser à vous avec beaucoup d’émotion précisément en ces moments d’incertitude ici et maintenant. Il est normal que nous ne supportions pas le confinement. Je ne sais pas pourquoi vous me rappelez ma grand-mère-Courage Concepción Ruiz y Pereira. Vous avez grandi à la sueur des blâmes et vous apparteniez à l’une de ces familles juives qui, après les massacres de 1391, ont été obligées de se convertir. Votre vie a-t-elle commencé au conditionnel pour s’achever au futur ? Vous avez épousé Juan Martínez et avez eu six enfants ; parmi eux, le cadet n’était autre qu’Antonio Nebrija, le premier grammairien européen.
Le cinquième centenaire du nommé Antoine Nebrisese en France, en Italie Antonio Lebrissense et en latin Antonius Lebrixensis sera bientôt célébré à Séville, Lebrija et Barcelone. Il a même acquis le surnom d’Elio après son passage à l’Université de Bologne. Car de tout feu il a fait son bois.
Votre fils s’est occulté à 81 ans le 5 juillet 1522 à Alcalá de Henares. Nous ignorons à quelle date vous avez accouché à Lebrija (près de Séville), mais vous avez eu la chance de tomber sur une année palindrome : 1441 ! Enfant, il fit tant de châteaux en Espagne ! Peu de temps avant sa naissance, la bataille d’Olmedo s’était déroulée (comme il s’en souvient souvent) sous l’inefficacité éblouissante des étoiles. Tandis que les camarades y montaient la garde lors de notre guerre incivile il y a 75 ans. Dans cette autre guerre civile castillane du XVe siècle, deux factions nobles se sont affrontées : celle dirigée par le connétable Álvaro de Luna et celle des Infants d’Aragón. Chacun d’eux désespérément seul parmi les autres. Bien que la seconde ait gagné, la victoire finale a été remportée par le connétable grâce aux trêves de Majano au cours desquelles il a imposé son autorité sans limite. Lorsque les fanatiques s’affrontent, la raison procure des arguments.
En 1473, votre fils épousa Doña Isabel Solís de Maldonado et devint professeur de grammaire et de rhétorique à l’Université de Salamanque. Selon son propre aveu énigmatique (si indéchiffrable !), la fatalité a voulu que l’incontinence me précipite dans le mariage.
Héraclite, sans parler des précipices, croyait que la connaissance aime à se cacher, et Descartes avançait… masqué. Depuis 1513, votre fils professait à l’Université d’Alcalá de Henares. Apparemment, peu de temps après son arrivée, un étudiant l’avait intrigué en lui demandant : si nous étions invisibles, serions-nous encore moins perçus ? Mais il était encore plus désorienté par le cas de son propre fils Sancho (votre petit-fils) : en 1506, alors que lui-même était jugé pour la première fois par l’Inquisition, celui-ci devait prouver sa pureté de sang, formalité nécessaire pour entrer au Collège Espagnol de Bologne . De quel laboratoire scientifique et de quels puissants microscopes cette prestigieuse école disposait-elle ? La devise de votre fils monta tanto, Ferdinand le Catholique l’a reprise sans se référer au nœud gordien qui, selon la légende, porterait au plus haut quiconque serait capable de le défaire, et qui fut tranché par Alexandre le Grand avec son épée. Dans la ménagerie, chaque lion essaie toujours de réussir le bâillement le plus long. Votre progéniture était un enfant doué qui avait l’ambition d’extraire directement de nouvelles idées de son tympan.
Il considérait à juste titre la grammaire comme le fondement de la science. Et que les probabilités marquent le style plus que les déterminations. Avec ces prémisses, il a conçu la première Grammaire castillane en 1492. Son œuvre a eu une grande influence sur le monde universitaire européen. Bien qu’il ait toujours dessiné ses rêves au fusain, il n’a jamais parlé, encore moins écrit, en bégayant. Il craignait que les habitudes ne nous forcent à ne pas demeurer dans l’essentiel. Ses interprétations de la Bible à partir des originaux hébreux avec le soutien d’experts d’origine juive lui ont valu de nombreux ennuis avec les autorités. On a parlé d’un prélat qui prétendait posséder les notes d’un apôtre de la Cène et des dizaines d’authentiques couronnes d’épines achetées à des maquignons. Il a senti que l’univers était et est un assemblage de miettes.
Avec l’aide de rabbins, votre fils a entrepris de remettre les textes bibliques dans leur état philologique d’origine, sans ingérence intrusive. C’est alors qu’il a été convoqué par l’Inquisition. Elle prétendait que la tâche n’était jamais philologique mais exclusivement théologique. Le début du procès inquisitorial du Tribunal du Saint-Office à son encontre a été dirigé par l’inquisiteur général Diego de Deza qui, paré de ses nouvelles fraises, s’estimait en avance sur son temps. L’Inquisition a qualifié votre fils de grammairien ! pour lui faire peur, afin qu’il ne poursuive pas ses études. Puisqu’il était revenu aux textes bibliques perdus, après tant de siècles de copies erronées de la vérité hébraïque.
Lorsqu’une telle tâche a été confiée aux théologiens, il a déclaré :
« presque personne ne connaît l’hébreu ; peu, le grec et presque tous usent d’un latin approximatif ».
Pour aggraver les choses, ils brûlent des codex anciens et essentiels.
Il s’est déclaré prêt à effacer avec la langue ce qu’il avait écrit si cela s’avérait être une hérésie. Mais il croyait avoir le droit plénipotentiaire de désintégrer la planification inquisitoriale et d’inventer son propre rythme. Il a défendu à la fois sa liberté et ses études grammaticales.
« Je suis professeur de grammaire à l’Université avec le pouvoir de débattre, disserter, discerner et de juger des questions concernant ma profession », a-t-il osé dire aux inquisiteurs. Ce n’est que dans l’obscurité totale que la luciole éblouit.
Quand rien résolvait tout, l’étiquette hérétique est venue signaler au Saint-Office toute attitude déviante. Il a semé l’agitation pour recueillir des génuflexions. Le truisme demandait que pour ne rien oublier, l’inquisiteur se souvienne de tout. Le terrifiant auto da fe désignait aux gens rassemblés ceux qui s’étaient éloignés de la foi. Grâce à ce procédé l’Inquisition a identifié les menaces. Ses serviteurs excellaient dans l’organisation des cérémonies de cet horrible châtiment public. Ne disaient-ils la vérité que lorsqu’ils ils prêchaient le contraire de ce qu’ils pensaient ? Selon eux, l’hérésie avait disparu par la grâce du sermon. Les faux hypocrites étaient encore plus faux que les authentiques. Les spectacles édifiants avec la masse des coupables se succédaient afin que les gens du commun la voie torturée. Quand ils ont cessé de condamner, ils ont considéré qu’ils avaient reculé.
Le Saint-Office a persécuté même des personnes très influentes dans la vie sociale et économique. Comme toujours ce qui est incontestable, comme vous le saviez bien, le lendemain ne l’est plus.
Séville, la Nouvelle Rome, la Grande Babylone et ses Lebrijas, où les vices fleurissaient, était surtout une ville trop opulente et grandiose pour l’époque, qui effrayait les inquisiteurs. Même le plus lascif de ses puisatiers tentait de dévêtir la vérité nue. Séville, la ville à la foi suspecte. Où il a été jugé prioritaire de créer le tribunal du Saint-Office ; où les populations de toute la Méditerranée et de l’Europe se côtoyaient. Cité cosmopolite face à une Espagne refermée sur elle-même. Selon l’ordre inquisitorial, la corruption humaine y régnait et dérangeait. Le lieu où la brutale cérémonie des expiations s’est exprimée dans toute sa terreur. Leur Dieu avait créé des aquariums avant les poissons.
Les langues sont tellement archaïques ! Et la grammaire une science qui nous conduit constamment, magnifiquement et catégoriquement à des certitudes flagrantes ? De ma petite enfance à Ciudad Rodrigo à ma jeunesse madrilène, j’ai toujours eu la chance imméritée d’être entouré de dissidents confidentiels et impénétrables, tous NEBRIJISTES ! chère et inoubliable Doña Catalina ; arrabalaïquement, fa.
En español
Carta a doña Catalina de Xarana y Ojo
…cuando su hijo, segundó fue tachado de ¡gramático!
Permítame, por favor, que me dirija a usted con mucha emoción en estos momentos de incertidumbre aquí y ahora. Es normal que no soportemos el confinamiento. No sé por qué Vd me recuerda mi abuela-Coraje, Concepción Ruiz y Pereira. Usted creció con el sudor de los repudios y perteneció a una de aquellas familias judías que tras las matanzas de 1391 decidieron convertirse. Su vida comenzaba encondicional ¿para desembocar en futuro? En su día, usted se casó con Juan Martínez y tuvo seis hijos; entre ellos el segundón fue nada menos que Antonio Nebrija: el llamado Antoine Nebrisese en Francia, en Italia Antonio Lebrissense y en lengua latina Antonius Lebrixensis. Incluso adquirió el sobrenombre de Elio tras su paso por la Universidad de Bolonia. Pues de todo fuego hizo su leña.
Su hijo se ocultó a los 81 años el 5 de julio de 1522 en Alcalá de Henares. Sabemos sin precisión ninguna que usted dio a luz en Lebrija (cerca de Sevilla) con la suerte de caer en un año capicúa ¡1441! De niño construyó tantos castillos en el aire que ya nunca le valieron las escombreras. Poco antes de su nacimiento sucedió la Batalla de Olmedo (como él lo recordó a menudo) bajo la deslumbrante ineficacia de los luceros. Mientras que los compañeros hacían guardia sobre ellos en nuestra incivil guerra de hace 75 años. En aquella otra guerra civil castellana del XV se enfrentaron dos facciones nobiliarias: la encabezada por el condestable Álvaro de Luna y la de los infantes de Aragón. Cada uno de ellos irremediablemente solo entre los demás. Aunque venció la segunda el triunfo final fue para el bando del condestable gracias a las treguas de Majano en las que impuso su autoridad sin límites. Cuando los fanáticos se afrontan la razón les brinda argumentos.
En 1473 su hijo se casó con doña Isabel Solís de Maldonado y llegó a ser profesor de Gramática y Retórica de la Universidad de Salamanca. Según su propia y enigmática confesión (¡tan indescifrable!) quiso la fatalidad que la incontinencia me precipitase en el matrimonio. Heráclito, sinreferirse a precipicios, creía que al conocimiento le gusta esconderse. Desde 1513 su hijo profesó en la Universidad de Alcalá de Henares. Al parecer al poco de llegar un alumno le desconcertó al preguntarle: si fuéramos invisibles ¿se nos distinguiría aún menos? Pero aún más le desorientó su hijo, Sancho (su propio nieto Señora) en 1506 (el año en el que él mismo sufrió el primer proceso inquisitorial) al presentar las probanzas de limpieza de sangre que se le exigían para ingresar en el Colegio de Españoles de Bolonia. ¿De qué laboratorio científico y potentes lentes disponía este prestigioso colegio? Los albinos ¿cómo realizaban las probanzas? Su lema, tanto monta, Fernando el Católico, lo repitió sin aludir al nudo gordiano que, según la leyenda, llevaría a lo más alto a quien fuese capaz de deshacerlo y que fue cortado por Alejandro Magno con su espada. En las casas de fieras cada león siempre trata de lograr el más largo bostezo. Fue su vástago un niño superdotado que tuvo la ambición de extraer directamente ideas nuevas de su tímpano.
Él consideraba, con razón, que la gramática es la base de la ciencia. Y que las probilidades marcan el estilo más que las determinaciones. Con estas premisas redactó la primera Gramática castellana en1492. Su obra tuvo gran influencia en el mundo universitario europeo. Aunque siempre dibujó sus sueños con difuminos nunca habló ni menos aún escribió tartamudeando. Temía que los hábitos nos desacostumbraran a permanecer en lo esencial. Sus interpretaciones de la Biblia a partir de los originales hebreos con apoyo de hebraístas de orígenes judíos le creó numerosos sinsabores con las autoridades. Se habló de un prelado que afirmó poseer las notas de un apóstol de la Última Cena y de decenas de auténticas coronas de espinas compradas a matuteros. Intuyó que el universo era y es una componenda entre migajas básicas.
Contando con la ayuda de rabinos su hijo se propuso devolver los textos bíblicos a su estado original filológico, libre de inmiscusiones entrometidas. Entonces fue procesado por la Inquisición. Ésta pretendía que la tarea no era nunca filólogica, sino exclusivamente teólogica. El inicio del proceso inquisitorial del Tribunal del Santo Oficio contra Nebrija fue dirigido por el Inquisidor General Diego de Deza que gracias a sus gorgueras nuevas se sentía en adelanto de su época. A su hijo, la Inquisición le tachó de ¡gramático! para asustarle, para que no prosiguiera sus estudios. Devolvía a los textos bíblicos la limpieza perdida tras tantos siglos de copias equívocadas de la verdad hebraica. Cuando la Inquisición dio dicha tarea a los teólogos, su hijo afirmó: casi ninguno sabe hebreo; pocos, griego y casi todos usan un latín deficiente; para colmo, están quemándose antiguos e imprescindibles códices. Y se declaró dispuesto a borrar con lengua cuanto había escrito si se le demostrase incurso en herejía. Pero se creía con el derecho plenipotenciario de desintegrar la planificación inquisitorial y a inventar su propio ritmo. Defendió tanto su libertad como sus estudios gramaticales: Soy catedrático de gramática en la Universidad con facultad para debatir, disertar, discernir y juzgar acerca de los asuntos concernientes a mi profesión se atevió a decir a los inquisidores. Solo en la obscuridad total la luciérnaga deslumbra.
Cuando nada resolvió todo la etiqueta hereje vino a señalar para el Santo Oficio toda actitud desviacionista. Sus servidores sembraban el desasosiego para recoger genuflexiones. La consigna perogrullesca pedía que para no olvidar nada el inquisidor lo recordara todo. El aterrador auto de fe mostraba al pueblo congregado los que se habían apartado de la fe. Mediante el auto de fe, la Inquisición señalaba las amenazas. En el espeluznante castigo público los inquisidores sobresalieron en la organización de estas ceremonias. ¿Solo pronunciaban verdades cuando decían lo contrario de lo que pensaban? Se extirpaba la herejía para acrecentar el efecto del sermón. Los falsos hipócritas eran aún más falsos que los auténticos. Se organizaban hornadas represivas con la masa de delincuentes sacados para que vulgo contemplara su suplicio. Cuando cesaban de condenar consideraban que retrocedían. Había que enseñar mediante las torturas del auto de fe de dónde procedía el peligro. El Santo Oficio persiguió incluso a personas muy influyentes en la vida social y económica. Como siempre aquello que es indiscutible, como usted bien supo, al día siguiente ya no lo es.
Una ciudad grande, demasiado opulenta y portentosa para su tiempo y que espantaba a los inquisidores era Sevilla, la Nueva Roma, la Gran Babilonia y sus ‘Lebrijas’ sobre todo, donde florecían los vicios. Incluso los más lascivos de sus poceros trataban de desvestir a la verdad desnuda. Sevilla, la ciudad de fe sospechosa. Allí fue donde se juzgó prioritario implantar el tribunal; donde se codeaban poblaciones de todo el Mediterráneo y de Europa. Una población cosmopolita frente a una España que se cerraba sobre sí misma. En conformidad con las preocupaciones de la España del orden inquisitorial, era ’la’ ciudad donde reinaba la corrupción humana y que inquietaba. El sitio donde se expresó con todo su terror la ceremonia brutal de expiación. Su Dios había creado a los acuarios antes que los peces.
¡Las lenguas son tan arcaicas! Y la gramática una ciencia ¿que nos conduce constante, espléndida y llanamente a las certezas flagrantes? Desde mi infancia parvularia en Ciudad Rodrigo hasta mi juventud madrileña tuve la suerte inmerecida de estar siempre rodeado de disidentes confidenciales e impenetrables ¡todos nebrijistas!, querida e inolvidable doña Catalina; arrabalaicamente, fa.