Ainsi donc le Tribunal Pénal International se révèle inefficace surtout auprès de l’ONU !! Du moins tant que les génocidaires sont en place car, malgré la qualification de génocide appliquée au dernier mandat d’arrêt, les diplomates internationaux continuent de négocier « pour la paix », disent-ils. La vérité est qu’il faut qu’un dictateur perde le pouvoir et survive pour être poursuivi, avant cela, les diplomates, les plus prompts pourtant à se gargariser des droits de l’homme, leur serrent la main et leur parlent poliment.
Pour la paix, comme ils disent, les choses sont élémentaires, le gouvernement Soudanais pourrait simplement cesser les bombardements de villages et le massacre des habitants directement ou par ses milices supplétives et se limiter à faire la guerre aux résistants qu’il appelle rebelles. Mais il n’en a jamais été question. La résolution 1935 d’août 2010 du conseil de sécurité précise « sa volonté résolue d’œuvrer aux côtés du gouvernement soudanais, dans le strict respect de sa souveraineté, pour l’aider à relever les différent défis auxquels le pays doit faire face. » Il est pourtant devenu clair que le plus grand défi auquel le Soudan doit faire face est de se débarrasser de son bourreau, mais il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Il ne s’agit de Nations Unies (vieux rêve) mais d’une Organisation des « Etats » Unis dont une large part sont loin d’être des démocraties ; les truismes doivent parfois être répétés.
Cette résolution est intéressante d’autant que le même texte précise que ce Conseil de, soi disant, Sécurité (dont nous sommes membres permanents) est « fermement attaché à… l’intégrité territoriale du Soudan » méconnaissant ainsi les accords de 2005 prévoyant pour janvier prochain la tenue d’un référendum d’auto-détermination au Sud Soudan, une nouvelle grande victoire pour le régime assassin.
La chose est intéressante, disais-je, car l’ONU, par son organe le plus important politiquement, ne respecte pas même ses engagements à l’égard du Tribunal qu’il avait lui-même saisi. Il est plus simple de suivre un gouvernement sanglant que d’écouter une opposition démocratique forcément clandestine dans une telle situation, plus simple d’écouter un gouvernement jurant ses grands dieux qu’il veut la paix. Mais nous l’avons dit, s’il avait voulu la paix, il a toujours pu la faire; s’il avait voulu la liberté, il aurait pu la laisser, il a préféré massacrer. Quant au Conseil, ce ne sont pas des fonctionnaires qui décident mais des représentants d’Etats ,dont le nôtre, et nous avons donc une responsabilité. Il décide de rester saisi de la question mais pourquoi faire ? Continuer à légitimer et protéger Béchir ?
Décision intéressante car elle soutient les dirigeants d’Etats qui reçoivent l’assassin en chef sous mandat d’arrêt international, de grands démocrates respectant les droits humains élémentaires comme Mugabe au Zimbabwe, Moubarak en Egypte, Deby au Tchad et Kadhafi en Libye. Sans parler des nombreux membres de l’Union Africaine qui accusent cette Cours de Justice de poursuivre beaucoup d’Africains comme si la négritude protégeait de toute turpitude criminelle et ça tombe bien : les sbires de Béchir se disent Arabes et non Africains et c’est au non de la négritude de leurs victimes qu’ils les assassinent.
Que sont donc devenus les pays démocratiques qui laissent faire tout ceci ? Sont-ils devenus si aveugles qu’ils ne voient qu’il y a un fauteur de trouble qui veut à tout prix imposer ses visions au mépris de ses proies.
Mais que se passe-t-il sur le terrain ?
On pourrait imaginer que, puisque rien ne transpire dans les majors des médias hexagonaux, rien ne se passe. Il est vrai que, pour que quelque chose transpire, il faudrait un effort et cet effort-là n’est pas fait et on se demande bien pourquoi ? La qualité des agresseurs, celle des victimes ? C’est pourtant le plus grand scandale de ce siècle débutant dans les douleurs, le paradigme des drames d’aujourd’hui. Mais la presse localement est plus qu’encadrée et semble s’en contenter.
En avril, la mission d’observation de l’Union Européenne pour les élections soudanaises a décidé de retirer son personnel. Tout est truqué mais on se précipitera aux festivités d’investiture.
En Mai, 600 morts mais il y avait une flottille tentant de forcer un blocus à Gaza alors on n’en parle pas et Madame Hina Jilani, Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations unies pour les Défenseurs des Droits de l’Homme, déclare que la crise de Gaza est doublement plus grave que celle du Darfour. C’est une question de côté de la lorgnette, pas de quantité ni de situation des victimes. 300.00 morts et 2,7 réfugiés et déplacés non réévalués depuis 2009.
En Juin, le procureur de la CPI annonce « certains crimes contre les femmes sont commis par des militaires » ; le Représentant spécial de l’ONU pour le Darfour et Chef de la Mission de l’Union africaine et des Nations Unies au Darfour (MINUAD), Ibrahim Gambari a pour sa part déploré « la reprise des hostilités entre les parties belligérantes ». « La confrontation militaire continuera si la communauté internationale ne prend pas les mesures qui s’imposent », a-t-il prévenu. La confrontation militaire n’a jamais cessée et d’ailleurs ne tentent-ils pas de promouvoir des négociations à Doha dont les accords sont toujours violés par le gouvernement soudanais ? Et, pour faire bonne mesure au paradoxe de l’aveugle, déclare que depuis la reprise des combats au mois de mai (sic), la population civile a fui vers la frontière tchadienne. Entre 10.000 et 50.000 personnes ont été déplacées, a indiqué Ibrahim Gambari, puis il annoncera 221 morts en juin.
A ceci le gouvernement ajoute une interdiction de vol des hélicoptères (de l’ONU, pas des siens…). Parallèlement Ban Ki-Moon « déplore » les attaques contre les soldats de la paix (3 morts) qui se multiplient au Darfour et appelle le gouvernement soudanais à arrêter leurs auteurs ; enfin deux humanitaires allemands de l’organisation THW sont enlevés, par des hommes armés inconnus, dans leurs bureaux de Nyala, capitale régionale, complètement tenue par le même gouvernement soudanais. Mais il y a la coupe du monde de football et même l’attentat de Kampala est un épiphénomène.
Juillet : Le procureur de la Cour Pénale internationale ajoute l’inculpation pour génocide contre le Président « en exercice » du Soudan et il s’en trouve pour le défendre parmi les humanitaires… victimes eux-mêmes, avec la MINUAD, de nouvelles restrictions ; Béchir se moque d’eux autant que de sa population et annonce avoir tué 300 rebelles du JEM avec lequel il venait de signer un accord à Doha. Il expulse deux responsables de l’Organisation Internationale pour les Migrations et deux membres de MSF. Des inondations dans les camps font seize morts… Pendant ce temps dans le Sinaï, des égyptiens (policiers et bédouins) continuent de tuer des fuyards darfouris cherchant refuge en Israël.
Histoire extraordinaire : un équipage russe et son hélicoptère transportant des émissaires du JEM sont enlevés par des janjawids (supplétifs de l’armée soudanaise) ! « Retrouvés » par les autorités soudanaises, ils seront d’abord roués de coups avant d’être transférés dans une unité de l’armée, le commandant de bord sera « retrouvé » plus tard.
Mais en France il y avait l’affaire Bettencourt/Woerth
En Août, le Soudan ferme le service en langue arabe de la BBC, dernier lien vers des informations sur le monde et le Soudan lui-même. Les autorités annoncent aussi qu’elles surveilleront de près les déplacements des unités de la Minuad, la force de paix internationale au Darfour, dont le Conseil de sécurité de l’ONU vient de prolonger d’un an le mandat.
Pour faire face aux attaques et enlèvements, la mission de paix ONU-Union africaine, avec l’accord des autorités du Darfour-Sud, creuse une tranchée, de deux mètres de profondeur et deux mètres de largeur, sur une circonférence de 40 kilomètres autour de Nyala. Fort Sagane.
Dans le camp de « déplacés » de Kalma, un des plus grands au monde avec 90.000 personnes, des heurts servent d’alibi aux autorités pour en faire le blocus et en refuser l’accès aux agences humanitaires qui assurent soins et distributions de nourriture… (Béchir remplit les camps et la communauté internationale les nourrit).
Le gouvernement soudanais expulse des responsables de l’ONU et du CICR mais il y a des catastrophes ailleurs sur la planète.
En attendant, Areva exploite des mines d’or et Total sort 80.000 barils/jours du Soudan.
En attendant, la guerre entre le Nord et le Sud se prépare pour Janvier 2011, le Nord affirmant qu’évidemment il ne laissera jamais un référendum le priver des immenses ressources du Sud.
Les portes se ferment sur le plus grand pays d’Afrique, les gouvernements africains se taisent au nom d’on ne sait quelle solidarité et la communauté internationale jette un voile pudique qui ressemble à s’y méprendre avec une burqua. La guerre est là et va s’étendre au Sud. Silence, on massacre.
Richard Rossin, Ancien Secrétaire Général de MSF, Co-fondateur de MDM
L’article avait l’air intéressant, mais très franchement le petit encart FaceBook qui apparaît et disparait à tout bout de champ est trop énervant pour pouvoir continuer ma lecture sereinement…
Cordialement,
Olivier