La loi dite loi Renseignement votée le 24 juin dernier par le Parlement et que le Conseil Constitutionnel a pour l’essentiel validée est lourde de menaces pour les libertés individuelles. Loin de proposer un compromis acceptable entre sécurité et liberté, elle ouvre la possibilité d’un système de surveillance généralisée qui rend légitime le recueil d’informations sur chacun de nous et permet l’intrusion de l’Etat dans la vie privée.
Les informations dont la loi autorise désormais la collecte indifférenciée consistent en métadonnées relatives aux communications numériques et téléphoniques, comme par exemple la durée des conversations, la fréquence d’entretien avec un même interlocuteur, etc. Ce ne sont pas des informations qui donnent accès au contenu des communications ou à l’identité des correspondants, mais en certaines circonstances elles sauront se révéler fort loquaces car conservées pendant plusieurs années, elles pourront être exploitées selon des algorithmes qui révèlent de façon automatique les « connexions suspectes ». Ces dernières sont censées trahir une personnalité numérique à risque, derrière laquelle on découvrira sans doute, telle est la justification de la loi, une intention terroriste.
Dès lors, la procédure qui permet de dévoiler l’identité des personnes en communication ou le contenu de leurs messages pourra être aisément mise en œuvre. Les individus concernés deviendront de vrais suspects avec un nom et un visage après avoir été comme nous tous qui serons sous surveillance, des suspects potentiels. Car quel autre intérêt y a-t-il à recueillir de façon systématique des informations sinon de chercher s’il y a parmi nous des suspects ?
Que les besoins de sécurité conduisent les services de renseignement à s’informer de ce que font ou disent les individus peut être parfois acceptable, mais dans le cas présent l’atteinte à la vie privée est considérable et l’efficacité de la loi en matière de sécurité controversée ; surtout, son application sera difficile à contrôler et elle pourrait se révéler en certaines circonstances être un outil d’asservissement.
1. La loi Renseignement n’est pas un compromis acceptable car elle menace l’une des libertés les plus chères à l’individu moderne, sa capacité d’avoir une vie à lui et pour lui, une vie privée. Respecter la vie privée d’une personne, c’est lui laisser la possibilité dans un espace privé de parler à qui elle veut, de dire ce qu’elle veut, de rechercher les informations qu’elle veut, de s’intéresser à ce qu’elle veut sans qu’un tiers en soit informé, sans que la puissance publique puisse y faire intrusion et sans qu’elle ait à en répondre, dans les limites des actes non interdits par la loi. Lorsque les traces laissées par les communications numériques des individus et par leurs conversations téléphoniques sont systématiquement stockées à l’aide de caractéristiques définies, la vie privée est violée. Vivre avec l’idée que sont surveillés et éventuellement écoutés ses contacts, propos, curiosités et intérêts, sains ou malsains, et que les seules communications vraiment libres seraient celles menées au fond d’une forêt ou sur des rivages isolés, ce n’est pas vivre libre.
2. La loi n’est pas non plus un compromis réaliste car son efficacité reste controversée. Des travaux récents ont en effet contesté l’hypothèse selon laquelle les personnes déjà engagées dans des opérations terroristes, ou qui ont l’intention de s’y engager, auraient des comportements numériques que le traitement des métadonnées extraites de leurs communications permettrait de repérer grâce à un algorithme élaboré à partir d’indices statistiques. L’hypothèse même d’une personnalité numérique à risques n’est pas prouvée empiriquement, les données qui permettraient de la définir de façon plausible sont peu nombreuses et surtout extraites de l’étude de connexions antérieures. De plus, la validité de ces modèles dépend en partie du postulat que les « terroristes » potentiels pourraient ignorer qu’ils sont surveillés et ne seraient donc pas tentés de modifier leur comportement afin d’échapper aux outils avec lesquels on cherche à les détecter, par exemple en lançant de fausses alertes et en multipliant les « bruits ».
3. Enfin la loi n’est pas un compromis recevable car il est peu vraisemblable que son application puisse être contrôlée. Lors d’une enquête policière, le juge doit donner son accord sur toutes les privations de liberté ou atteintes à la vie privée dont le suspect sera l’objet. Ce n’est qu’à ce moment-là que commence la collecte des informations qui le concernent et qui permettront ou non d’établir sa culpabilité à l’aide de techniques de surveillance réservées aux enquêtes judiciaires. Ces mêmes techniques sont désormais mises à la disposition des différents services de renseignement, elles serviront sans la validation préalable d’un juge à collecter des données concernant des personnes qu’il n’y a aucune raison de suspecter et c’est à une instance de contrôle qu’il reviendra une fois le suspect isolé d’examiner s’il est justifié de dévoiler son identité. Mais le degré de sophistication des méthodes de traçage et de décryptage de ces données, la vitesse de leur circulation et l’importance des capacités de les stocker et de les traiter font qu’il paraît illusoire de penser qu’une instance pourra effectivement contrôler, vérifier et endiguer en temps réel l’usage qui en sera fait.
Surtout, le danger majeur de la loi Renseignement est de détruire la notion même d’innocence. « Nous, nous ne craignons rien, nous n’avons rien à cacher ! », disent certains pour se rassurer. Admettons que ceux qui n’ont jamais communiqué ou agi d’une façon telle que l’on pourrait soupçonner qu’ils songent à devenir des terroristes ou même à nuire aux intérêts fondamentaux de l’Etat français ne soient pas inquiétés, du moins aussi longtemps que les motifs nombreux et imprécis mentionnés dans le texte de la loi pour justifier cette violation potentielle de la vie privée resteront appréciés par un gouvernement bienveillant. Mais si un jour ce n’était plus le cas, les intérêts de la nation seraient dès lors définis au gré du gouvernement en place.
La force de nos démocraties libérales vient de leurs normes, au nombre desquelles figure le respect de la liberté individuelle. Les coups de butoir donnés à ces normes dans la croyance qu’une situation exceptionnelle l’impose et que tous les gouvernements resteront bien disposés à l’égard des libertés sont comme des jeux avec le feu. Confrontée à un gouvernement autoritaire, la puissance normative de notre tradition libérale sera sans effet au moment de protester contre l’abus de pouvoir. La tâche morale d’un libéral est d’alerter sur ce danger.
A partir du moment où on légalise ce genre de pratiques, c’est la porte ouverte à toutes les dérives ! Imaginez ce qu’il se passerait si un hacker accédait à ces informations ? L’Etat doit fournir plus de précisions sur la sécurité qui sera mise en place autour de ces informations, sur les « garants » de la neutralité des surveillances, et sur les recours possibles en cas de surveillance abusive.
Il faut savoir garder la tête froide et le sens de la mesure. Bien sûr, il est important que l’Etat prenne des mesures pour empêcher que des attentats ne se reproduisent sur le territoire français, mais la surveillance de masse est-elle la bonne solution ?
Bla bla bla… Ce qui est effrayant c’est la naïveté. Il faut savoir ce que nous voulons ! Cette loi est indispensable si nous voulons limiter au maximum les attentats terroristes, et notamment contre la communauté juive. Beaucoup furent évités grace aux renseignements. Mais pas assez car la menace est de plus en plus forte.
Il faut donner les moyens à la police et aux juges de pouvoir défendre la démocratie. Le reste relève de la paranoïa.
Le reste relève de la paranoïa dites-vous ? Bizarre, je dirais plutôt que c’est ce genre d’attitude qui révèle une paranoïa, en allant jusqu’à justifier le fichage des citoyens par crainte. Comme son nom l’indique, le terrorisme a pour but d’instaurer une peur généralisée et d’inciter au repli. Donc diminuer les libertés des Français signifie rentrer dans le jeu des terroristes.
Voilà le genre de question qui aurait du être débattue et non imposée lors d’un moment post-traumtique.
Il aurait fallu lancer un débat d’opinion, puis réaliser un référendum et, dans tous les cas, donner des gages sécuritaires à la population.
Nous sommes prêts à abîmer la démocratie par crainte du terrorisme. Nous nous rapprochons dangereusement du fonctionnement des Etats-Unis. C’est effrayant !
C’est de la paranoïa car pour traiter les millions et les millions d’informations, chaque jour, il faudrait plusieurs centaines de milliers de fonctionnaires …
Ne faisons pas les surpris alors que nous sommes aujourd’hui les premiers à fournir de notre plein gré toutes les informations possibles et imaginables à Google, qui revendra ces informations sans aucun remord. Plus besoin que l’Etat se fatigue, nous alimentons nous-mêmes Big Brother !