Donald Trump a fait, dans les dernières semaines, deux cadeaux inespérés à la Russie.

En mars dernier, quand il a coupé à Zelensky l’accès au Renseignement américain alors que le général russe Guerassimov lançait la 44e armée, appuyée par des mercenaires kamikazes nord-coréens, à l’assaut de la région de Koursk, tenue alors par l’Ukraine.

Puis, ces jours-ci, juin 2025, en annonçant le gel des livraisons de missiles Patriot promis par l’Amérique au moment très précis où les Russes intensifiaient comme jamais leurs bombardements sur Kyiv, Kharkiv, Dnipro et les autres villes ukrainiennes.

Dans toutes les langues du monde, si le président américain ne rééquilibre pas très vite sa position, cela s’appelle une trahison.

Il pourra multiplier les manifestations d’impatience à l’endroit de Vladimir Poutine, il pourra dire et faire dire que telle conversation téléphonique l’a mis « très en colère », il aura lâché en rase campagne l’un des fidèles et loyaux alliés des États-Unis.

Et l’on assistera là à un début de Munich américain – mais un Munich au carré, un méga-Munich en quelque sorte, puisque ce ne sera pas pour éviter la guerre, mais en pleine guerre, alors que l’Ukraine est sous le feu, que les États-Unis d’Amérique auront donné la main à l’ennemi.

J’ai parié, depuis le début, sur la victoire d’une Ukraine dotée de la seule arme vraiment décisive : la vaillance de son armée, sa foi dans une juste cause et le moral de ses civils.

Mais il y a une hypothèse que je n’avais jamais prise en compte : celle d’une trahison méthodique, consciente et calculée par celui de ses alliés dont le président Zelensky me disait, dans l’une de nos dernières conversations, que sans lui la poursuite des combats serait très difficile.

Alors, faut-il désespérer ?

Et l’Ukraine est-elle condamnée à continuer cette guerre seule et avec le seul soutien de l’Europe ?

Comme les responsables ukrainiens que je connais et avec qui je m’entretiens, je pense que le pire n’est pas certain.

Parce que souvent Trump varie.

Parce qu’il ne peut pas ne pas voir, tôt ou tard, que Poutine se rit de lui.

Parce que, s’il y a une part de sincérité en lui quand il déclare que « tuer des gens ce n’est pas bien », il est bien obligé de comprendre que son retrait créerait plus de morts encore.

Parce qu’aider Israël à affaiblir l’Iran n’a pas de sens si l’on renforce dans le même temps une alliée de l’Iran, la Russie, qui est liée au régime des mollahs, depuis le 17 janvier de cette année, par un « traité de partenariat stratégique global ».

Et parce qu’il se trouvera bien, dans son entourage, quelqu’un pour lui faire entendre que la géopolitique existe, qu’elle a ses lignes de force et sa logique – et qu’exposer aux drones Shahed iraniens et aux missiles nord-coréens un peuple qui partage les articles de foi du credo américain ne peut avoir qu’un effet : signifier aux ennemis des États-Unis que la Cité illuminée au sommet de la colline est en ruine et que, comme toujours au déclin des empires, la course à la succession est ouverte.

Make America Great Again ?

Cela ne peut se faire en montrant les muscles avec les faibles (migrants sans papiers, manifestants pacifiques de Los Angeles) et en se couchant devant les forts qui ne songent qu’à vous éclipser (la Russie et son allié chinois).

Je ne peux imaginer que le président des États-Unis ne comprenne pas, tôt ou tard, cela.

Et puis il y a une autre raison d’être optimiste : le Congrès des États-Unis.

Le président Trump, il le sait, y dispose d’une majorité étroite (à la Chambre des représentants) et très étroite (au Sénat).

Or, il y a, dans cette majorité, des Républicains de probité qui sont venus à la politique par admiration pour Theodore Roosevelt, Ronald Reagan ou John McCain.

Je les connais, ces fidèles du Grand Old Party.

Je ne les nommerai pas, mais je les connais, je pourrais presque les dénombrer et j’ai eu deux occasions récentes de les croiser et de les écouter.

Le 8 mai, sur la colline du Capitole, lorsque je reçus la prestigieuse Sheptytsky Medal ukrainienne.

Puis, le 13 juin, toujours au Capitole, dans la salle de projection du Sénat, où je montrai Notre Guerre, le dernier de mes quatre films tournés sur les fronts d’Ukraine.

Ces femmes et hommes ont voté Trump, pas Poutine.

Ils ont été formés à la détestation d’un soviétisme qu’ils ne sont pas disposés à voir revenir dans une version poutinisée.

Et, sur ce principe-là, je suis convaincu qu’ils céderont moins volontiers que sur la « grande et belle loi » obtenue à l’arraché par le président.

Donald Trump le sait.

Volodymyr Zelensky le sait aussi.

Il a vu – le monde a vu… – ce Congrès, pas très différent de ce qu’il est aujourd’hui, lui faire ovation quand il est venu, en décembre 2022, remercier les États-Unis pour leur aide.

Là sont ses vrais alliés.

Là, dans les forces vives d’une nation qui, de Thomas Jefferson à nos jours, finit presque toujours par trouver le bon réflexe et prendre le juste parti, sont les fidèles amis qui empêcheront que l’Ukraine soit abandonnée

Slava ukraini.

Et God Bless America.

4 Commentaires

  1. L’unité autour de la défense du peuple ukrainien est une belle et noble cause.
    Une cause chère à nos cœurs, et ce, par-delà la divergence partielle de leurs aspirations, ce qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes d’orientation au Vieux Continent.
    Nous ne voudrions pas nous réveiller un jour et nous apercevoir que ce rassemblement splendide et fantastique des nations postchrétiennes en errance a incidemment favorisé l’ascension d’une firme infranationale, pan-nationale et religieuse, tel un mouchoir que l’on aurait pudiquement posé sur la guerre intestine qui oppose actuellement les ruminants beugleurs du slogan « free Palestine from the river to the sea » aux rares élites européennes ayant choisi de ne pas aider les hitléristes décoloniaux à parachever la Solution finale.
    Inversement à ce à quoi on aurait pu s’attendre, ou plus modestement, à ce à quoi l’on voulait croire, une haine épidermique a ravagé l’Europe de pied en cap au lendemain du 7-Octobre.
    Aucun accord ne réglera son compte à cette antique et increvable maladie infectieuse, aurait-il abouti à un cessez-le-feu provisoire entre Israël et une entité monstrueuse qui n’a pas sa place en ce monde.

    • Merci Bernard de continuer sans relâche à parler à Trump pour qu’il ne lâche pas prise sur le soviétisme à la sauce poutinienne. « Souvent Trump varie », dîtes-vous, et vous avez raison. Il ne nous reste plus qu’à espérer qu’il n’a pas fini de varier jusqu’à se positionner dans le bon camp de l’histoire.

  2. Même un fauve de l’étoffe de Churchill doutait que sa détermination sans faille suffît à briser le moral des robots fanatiques de la Wehrmacht avant que l’Amérique ne fût contrainte de se jeter dans la bave triadique de Cerbère et que le roi des animaux politiques ne serrât le poing en rugissant de soulagement, sûr que, dorénavant, rien ne pouvait plus empêcher la victoire du monde libre.
    Huit décennies après l’Après, toutes aussi décisives les unes que les autres, nul ne le contestera, rien n’a pourtant changé, sinon peut-être que Poutine est nettement plus puissant que Hitler ne l’a jamais été, sans pour autant égaler le Führer à aucune strate de sa psychopathie.
    Saurons-nous en tirer avantage ? Sauf à guérir l’Europe de l’antisémitisme au cube que couve une poussée d’antisionisme qu’elle cherche à faire passer pour une ligne d’opposition frontale au gouvernement Netanyahou auprès de cette baudruche islamiste et gauchiste qui explosera en vol aussitôt qu’elle aura propulsé un rejeton du siècle des Ténèbres au sommet de l’État de déconfiture générale, je crains que nos élans de solidarité européiste n’aillent vite s’anéantir dans un amas de gesticulations aussi galvanisantes que le galop d’un canidé plongé dans une phase de sommeil paradoxal.

  3. On peut être éternellement en guerre avec les salopards qui nous encerclent, dès lors que l’on s’est vu doté d’une supériorité militaire tant défensive qu’offensive qui va suffisamment réduire les capacités de destruction de l’ennemi pour qu’il ne puisse violer ni l’espace maritime ni l’espace aérien ni moins encore l’espace terrestre dont il convoite des ressources alléchantes qui, pour la plupart d’entre elles, procèdent du génie de leurs exploitants, mais sur lesquelles l’abruti intégral ne désespérera jamais d’étendre sa souveraineté crypto-impérialiste.
    On peut effectivement subir les assauts répétés d’un Empire un peu Bête ; c’est ce que fait Israël avec cette Ligue de cons descendants des conquérants mahométans planqués derrière le pousse-à-jouir-du-martyre de la bande de Gaza ; et c’est ce qui permet à Israël de prospérer dans un semi-état de paix, tout en maintenant un effort de guerre défensive continu face à une volonté de conquête que ne cesse d’exciter, chez ses innombrables spoliateurs-débiteurs, l’intolérable résurrection que représenta pour les auteurs et co-auteurs de son génocide avorté l’émersion conscientielle de l’Être juif au monde, concomitante de la restauration de la souveraineté juive en son Lieu.
    On pourrait être embarqué dans une guerre de Cent Ans, défigurante et reconfigurante, oscillant entre perte et récupération de boussole et d’espoir jusqu’au rétablissement de l’ordre des êtres et des choses. Ce n’est pas ce que nous souhaitons aux Ukrainiens, qui méritent un avenir moins sombre que cette phase de stagnation prolongée où la Russie s’amuse à leur faire endurer un Blitz intermittent ayant pour effet d’entraver sévèrement leur croissance à long terme.