Rien n’est figé ni certain, fondamentalement en art, et surtout en poésie, lorsqu’on choisit entre plusieurs points de vue.

Les poèmes (et surtout le « poème plastique ») peuvent inspirer, mais ils ne peuvent rien définir. Une peinture à l’huile bénéficie de la constance terre brûlée et de la précision échiquéenne de Marcel Duchamp.

La musique exalte un univers ambigu de l’indéterminé ; un jeune soliste de 12 ans, sans aucune détermination, éprouve-t-il « quelque chose » de semblable à la félicité ?

Ne peut-on rien savoir ? Est-on seulement témoin de sa propre présence, sans aucun secret ?

Enfermé dans les voiles de l’incompréhensible, comment peut-on en faire la description la plus vivante ?

Le flou en cinétique (comme en philosophie et même en théologie) vise à déstabiliser la vision consciente de ce qui est vu.

Mon ami inséparable, le génie Otto Piene, né en 1928, était l’inventeur du Sky Art, qui a révolutionné l’art… et le cofondateur, avec Heinz Mack, du groupe Zero. Il s’est « occulté » à 7h51 le 17 juillet 2014, presque dans mes bras, dans un taxi berlinois avec notre ami commun, Ante Glibota, l’auteur du prologue et éditeur du livre que nous venions de terminer à Paris. Un livre pour bibliophiles, Les nuits d’Héliogabale, mesurant 80cm x 120cm, avec une couverture en jade.

Je me souviens comme il était, incendiant oublis et naufrages, avec sa femme, la grande poétesse Elizabeth Goldring, et nous pleurions, entourés du Tout-Berlin et, peut-être, du Tout-Paris et même par mille yeux du groupe Zéro nous pleurions inconsolables.

Daniel Spoerri nous topographiant au hasard comme s’il recueillait encore des soupes, et Jean Tinguely dansait sur son squelette d’acier pour les fontaines de Stravinsky ; nous seuls au monde penchés sur notre désespoir entre Yves Klein plus bleu que jamais et Pol Bury plus déséquilibré que ses sphères, entre Heinz Mack aux écrans motorisés et Ante Glibota vibrant à la lumière du scalpel, et tout le monde était là. Et nous nous regardions tous, mais nous ne voyions personne pris par nos larmes. Oui tout le monde était beau. Oui mais nos larmes débordaient inattendues. Nous n’avions pas rêvé de fortune, nous n’avions pas rêvé de gloire, nous avions rêvé d’un espace et d’un temps aussi inimaginables qu’impossibles parce que nous songions à des poèmes plastiques, à des images de beauté de liberté et de science, et nous pleurions avec les larmes si malvenues de notre mal dolor… du 10 juillet 2014.

Treize « arrabalesques » pour le flou

« …plus que ses propres idées, ce qui le tracasse, c’est l’idée que les autres en font ? »

« …je n’ai jamais pensé ni dit que le héros était un parfait crétin ; je crois plutôt que si j’étais moi-même un héros, je serais un parfait crétin ? »

« …j’aime les miroirs, non pas pour me regarder, mais pour essayer de retrouver mes anciennes grimaces ? »

« …mes pieds dans ma tête décrivent-ils ou inventent-ils le temps, et, ce faisant, l’espace ? »

« …ce qui me reste des autres… c’est ce qui est profondément captivant ? »

« …on me demande : êtes-vous heureux ? quand ce qui me transporte, c’est mon bonheur ? »

« …notre univers sera-t-il l’étincelle d’une déflagration ? »

« …je suis fou de mes sonnets quand je me les chante à l’aube ? »

« …le tohu-bohu, plus que le chaos, révèle-t-il la radieuse nuit étoilée ? »

« …tu n’es pas seul, tu es avec quelqu’un, toi-même ? »

« …que de révérence, pour qui vit dans l’illusion ? »

Photos de Brice

Fernando Arrabal visite l’exposition «Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours», au Musée de l’Orangerie, à Paris. Il pose à côté d’une œuvre où l’on voit une image des attentats du 11 septembre mais pixelisé.
Fernando Arrabal visite l’exposition «Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours», au Musée de l’Orangerie, à Paris.
Fernando Arrabal visite l’exposition «Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours», au Musée de l’Orangerie, à Paris. Il pose à côté d’une œuvre où l’on voit des silhouettes floues dans des teintes bleues.
Fernando Arrabal visite l’exposition «Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours», au Musée de l’Orangerie, à Paris.
Fernando Arrabal visite l’exposition «Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours», au Musée de l’Orangerie, à Paris. Il pose à côté d’une œuvre où l’on voit des ronds bleues et jaunes flous.
Fernando Arrabal visite l’exposition «Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours», au Musée de l’Orangerie, à Paris.
Fernando Arrabal visite l’exposition «Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours», au Musée de l’Orangerie, à Paris. Il pose à côté d’une œuvre où l’on voit un rond noir flou.
Fernando Arrabal visite l’exposition «Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours», au Musée de l’Orangerie, à Paris.

Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours
Musée de l’Orangerie
Du 30 avril au 18 août 2025.