Si Labro était américain, on parlerait de ses héros comme de ceux de Salinger. Si Labro était une femme, on dirait qu’il a écrit le meilleur Sagan de la décennie. Si Labro était vieux, ou mort, ou les deux (si, si, cela arrive, les cas sont assez nombreux), on lui donnerait évidemment le Goncourt. Si Labro ne dirigeait pas une radio, s’il n’écrivait pas dans les journaux, s’il n’avait pas fait des films, s’il n’avait pas le très grand tort d’avoir du succès et de s’en réjouir, s’il consentait, enfin, à être moins vivant, et moins visible, on le traiterait comme on traite tant de faux écrivains à qui il suffit, souvent, de se draper dans la pose et que l’on croit sur parole, sur la mine, sans examen. Bref, si Labro n’était pas Labro, on dirait qu’avec Un début à Paris, il vient de nous donner, non seulement son livre le plus abouti, mais l’un des plus beaux romans de la saison.
Malheureusement Labro est Labro. C’est-à-dire un drôle de personnage, comblé par la vie, recru d’honneurs et de bonheurs, mais qui a l’incroyable culot – et cela Paris ne l’admet pas – de faire savoir, de temps en temps, qu’il ne respecte, au fond, que la littérature et que c’est d’elle, et d’elle seule, qu’il espère, et attend, le salut. Courage, ami. Et patience. La littérature est meilleure fille que Paris. Elle finit toujours, à la longue, par honorer ceux qui la servent.