La Russie d’aujourd’hui n’est pas simplement un régime autoritaire. Elle n’est pas davantage ce peuple pris en otage que l’on voudrait encore nous faire croire. Elle est devenue, dans sa structure, dans son action, dans sa volonté, un État terroriste. Non pas par accident. Par son histoire.
Le 4 avril 2025, à Kryvyï Rih – ville ordinaire d’un pays extraordinairement résilient – les forces russes ont lancé un missile balistique à sous-munitions, conçu pour exploser dans les airs afin de disperser des billes de tungstène meurtrières sur la population.
Une attaque sciemment pensée pour tuer, blesser, mutiler. Le bilan est accablant : 18 morts, dont 9 enfants – le plus jeune, Tymophy, avait 3 ans.
Cinquante-six blessés. Et parmi eux plusieurs enfants, très grièvement atteints, sont encore entre la vie et la mort.
Une tragédie de plus perpétrée par le kremlin. Une page de sang de plus dans le livre de cette guerre d’extermination qui se déroule depuis 3 ans en Europe.
L’Ukraine enterre à nouveau ses civils, pendant que, de l’autre côté de l’Atlantique, l’ancienne plus grande démocratie du monde détourne les yeux, embourbée dans une incompétence et idiocratie bruyante.
Depuis février 2022, selon l’UNICEF, 510 enfants ukrainiens ont été tués par l’agression russe. Plus de 20.000 auraient été enlevés, déportés vers la Russie ou ses territoires occupés, en violation directe des conventions internationales. Des actes qui rappellent les heures les plus sombres du XXe siècle. Mais Moscou, dans un cynisme devenu systémique, continue de nier, inverser, accuser.
Plus de 100.000 infrastructures civiles ukrainiennes ont été détruites : écoles, hôpitaux, immeubles d’habitation, gares. Des convois humanitaires sont ciblés. Des maternités bombardées. Des centrales électriques détruites par les attaques nocturnes des drones russo-iraniens en plein hiver. Il ne s’agit plus d’objectifs militaires : il s’agit de punir, de faire plier, d’humilier tout un peuple.
Mais ce qui se dessine dans le sang séché sur les trottoirs de l’Ukraine, ce n’est pas seulement une guerre : c’est un diagnostic. Cru, implacable. Celui d’un mal plus ancien, plus profond, plus inquiétant. Celui du vide moral russe.
Pendant des décennies, l’habileté de la propagande de Moscou a recouvert la réalité de mythes commodes : une nation énigmatique, mystérieuse, insaisissable. Dostoïevski, le samovar, les plaines gelées, les tourments de « l’âme slave ».
Une « poésie » sombre qui servait à masquer un effondrement civilisationnel, progressif mais constant.
Car aujourd’hui, la Russie n’offre plus au monde ni une pensée, ni une vision, ni même une culture. Elle n’est plus qu’une pulsion de mort. Une déflagration morale qui a contaminé l’État, l’armée, et hélas, une grande majorité du peuple.
Ce n’est pas la première fois. Mais c’est peut-être la dernière fois que nous pourrons faire semblant de ne pas voir. Aujourd’hui c’est soit eux qui remportent cette bataille civilisationnelle, soit nous.
Pendant que Donald Trump rampe devant Vladimir Poutine, pendant que Lavrov est reçu à bras ouverts par certains dirigeants internationaux, pendant que les oligarques russes reprennent leurs affaires avec leurs homologues américains – sans honte ni remords – le plus insupportable se joue ailleurs : au sein même de la société russe.
Selon le Levada Center, plus de 75% des Russes soutiennent leur armée de pilleurs et tueurs. Non pas dans l’ignorance, mais dans un mélange de confort moral et d’intérêt matériel. Plus de 25% de la population vit directement ou indirectement de la guerre.
Les salaires dans l’industrie militaire explosent. Les « primes de cercueil » – versées aux familles des soldats morts – deviennent une source d’enrichissement. La guerre est devenue une entreprise. Et le pays tout entier, une fabrique de morts.
Les autres, ceux qui n’en profitent pas, ont aussi fait leur choix : vodka, nostalgie impériale, et une survie consentie dans le renoncement.
Ce phénomène n’est pas conjoncturel. Il est structurel. La Russie ne fait pas que s’effondrer. Elle se saborde. Et dans sa chute, elle tente d’entraîner avec elle ce qu’il reste de fragile, de lumineux, d’humain ailleurs.
Ce que cette guerre révèle, c’est moins une dérive qu’un aboutissement. Un lent suicide historique. Une décomposition morale à ciel ouvert.
Beaucoup s’accrochent à l’idée qu’un « après-Poutine » pourrait ouvrir un nouveau chapitre. Mais à y regarder de plus près, le mal est plus profond. Il ne se réduit pas à un homme, ni même à un clan. Il est enraciné dans un imaginaire collectif, dans une culture de l’impunité, dans un rapport toxique à l’histoire et à la vérité.
Ce n’est pas Vladimir Poutine en personne qui a violé les femmes à Irpin, torturé les civils à Kherson, ou continue à maltraiter les prisonniers ukrainiens. Ce sont des Russes. Des hommes venus de toutes les régions de ce territoire inutilement immense sans âme, qui se portent volontaires pour assouvir leurs pulsions sadiques sur le sol ukrainien.
Ce mal russe ne date pas d’hier. Il ne s’exprime pas uniquement par la violence physique, mais aussi par le cynisme, par l’indifférence, par l’incapacité pathologique à reconnaître ses crimes. Pas après le Goulag. Ni après l’Afghanistan. Ni la Tchétchénie. Ni la Géorgie. Et aujourd’hui en Ukraine, encore moins.
Pas de procès. Pas de mémoire. Pas d’aveu.
Une culture qui ne produit plus rien, sinon des œuvres propagandistes de piètre qualité pour la seule consommation intérieure et des discours vides et empoisonnés. Plus d’innovations. Plus de chefs-d’œuvre. Plus d’idées inspirantes.
Sinon, que reste-t-il ?
Une puissance suicidaire, avec du plutonium entre les mains et du néant a la place du cœur.
L’idée d’une « Grande Russie », si longtemps défendue par des générations d’intellectuels fascinés ou aveuglés, nourris par la propaganda soviétique d’abord et poutinienne par la suite, est morte.
Le monstre russe a révélé son vrai visage en envahissant l’Ukraine. Il détruit des villes. Il massacre des enfants. Cela ne peut plus être toléré.
Ce monstre doit être détruit. Pour le bien de l’Ukraine. Pour le bien de l’Europe.
Pour le bien du monde.
Chère Madame, on pourrait alors dire exactement la même chose d’Israël, non ?