En mai 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky prenait la parole par vidéo interposée au gala d’ouverture du 75e Festival de Cannes : « Il nous faut un nouveau Chaplin qui prouvera que le cinéma n’est pas muet[1] » face à la guerre en Ukraine, déclenchée trois mois plus tôt. « Je suis persuadé que le dictateur va perdre[2] », faisant allusion à la fois au président russe Vladimir Poutine et au chef-d’œuvre éponyme de Charlie Chaplin. M. Zelensky étant lui-même juif, humoriste, acteur, réalisateur et homme d’État[3], ses mots sonnaient vrai.

Poutine a transformé la fragile démocratie russe, qu’il a prise en main en 2000, en un pays autoritaire qui aspire à récupérer les territoires perdus depuis 1991, mais le cinéma occidental n’en a pas rendu compte[4], voilà ce que nous disait en gros M. Zelensky. Même James Bond nous a fait faux bond.

Il est vrai qu’il peut être risqué de s’en prendre à un dictateur. Lorsque Chaplin décide de tourner son film à l’encontre d’Hitler, on se ligue aussitôt contre lui. Le gouvernement allemand proteste même officiellement[5]. Dans le même temps, l’Angleterre et la France laissent le dictateur allemand faire main basse sur les Sudètes en Tchécoslovaquie, comme l’Occident a laissé Poutine annexer la Crimée et occuper le Donbass en Ukraine ces dernières années.

Chaplin amorce le tournage du Dictateur le 9 septembre 1939, soit huit jours après l’invasion allemande de l’infortunée Pologne[6]. Il se donne un double rôle : un barbier juif et Hynkel. Il est facile de reconnaître derrière les personnages d’Adenoïd Hynkel, Garbitsch (contraction de « garbage » et « rubbish » : ordure), Herring (hareng, contraction de « Hermann » et « Göring ») et Napoloni[7] (contraction de « Napoléon » et « Mussolini ») : Adolf Hitler, Goebbels, Göring et Mussolini.

Comme le mentionne à juste titre Wikipédia, « Ce film, à la base comique, a contribué à mobiliser l’opinion publique nord-américaine pour réagir au conflit européen, à une époque où seul le Royaume-Uni résistait à l’Allemagne nazie[8]. »

Maintenant que le gouvernement de Donald Trump des puissants États-Unis s’apprête à trahir l’Ukraine, il est impératif que les progressistes d’Hollywood se lèvent afin d’influencer positivement le monde, mais surtout les États-Uniens. Il faut un film à grand déploiement et des acteurs vedettes pour interpréter les mauvais rôles de Bottine (Poutine), LaMorve (Lavrov) et Ploucàleau (Loukachenko), minables représentants de la Roussie et de la Belleroussie.


[1] https://www.ledevoir.com/monde/712098/265-combattants-ukrainiens-d-azovstal-se-sont-rendus-selon-moscou ; https://www.festival-cannes.com/en/press/press-releases/volodymyr-zelenskyys-address-to-the-opening-ceremony-of-the-75th-festival-de-cannes/

[2] Idem.

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Volodymyr_Zelensky

[4] https://www.senscritique.com/liste/ukraine_et_ukrainiens_au_cinema/3214760?page=1

[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Dictateur

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Dictateur#Tournage

[7] « Napoloni », dans la version doublée en français, et « Napaloni » dans la version originale.

[8] https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Dictateur#Accueil_aux_%C3%89tats-Unis

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

*