Un peu d’Histoire.

Après Munich, en 1938, et sa chaîne de funestes conséquences (affaire européenne…) l’Amérique surpuissante prend la relève en 1945 sur la scène internationale. 

Premier coup d’éclat, Eisenhower et l’Administration américaine, hostiles à l’expédition franco-britannique de Suez en 1956 qui visait à récupérer le Canal nationalisé par Nasser, obligent leurs deux alliés à plier bagage.

Puis ce sera une longue série d’abandons en rase campagne par les Américains eux-mêmes : la chute dantesque de Saïgon en 1975, le fiasco de Mogadiscio en 1994. Quant aux accords de Dayton, fin 1995, imposés par l’Amérique, ils officialisent le découpage au forceps de la Bosnie-Herzégovine. 

Puis, ce seront encore le lâchage par Washington du Kurdistan irakien, coupable de vouloir son indépendance, en 2017, la chute de Kaboul en 2021, livrée clé en mains aux Talibans, sous Joe Biden. 

Demain, peut-être, Kiev, après l’investiture de Donald Trump, s’ajoutera à ces retraits que les Etats-Unis infligent sans état d’âme à leurs alliés et protégés quand, par lassitude, intérêts bien ou mal compris, Realpolitik, isolationnisme, ils entendent se retirer d’un foyer de guerre réputé sans fin, ou faire plier leurs obligés. Dans les deux cas, le couperet tombe sans aménité.

Ce sort pourrait échoir à l’Ukraine, si d’aventure Trump, qui s’est fait fort d’arrêter la guerre aux frontières de l’Europe en 24 heures, contraignait l’Ukraine à négocier, sous la menace de lui couper les vivres et de se retirer de la coalition des pays qui la soutiennent.

Négociation qui reviendrait, dans le rapport de force, à ce jour, entre les belligérants sur le terrain, à avaliser l’occupation russe et la perte de presque un quart du pays.

Ces allers et retours qui ponctuent l’histoire contemporaine de l’Amérique, en tant que leader du monde libre, dans ses rapports avec l’étranger, BHL et Zelensky en ont parlé, Trump oblige, lors de la venue à Paris du leader ukrainien pour la cérémonie de Notre-Dame.

Non content de faire la guerre sans l’aimer, le Churchill ukrainien s’est nourri, au fil de ces trois années de guerre, d’histoire européenne.

Les conflits qui ont ensanglanté l’Europe au siècle dernier, et la deuxième guerre mondiale en premier lieu, sont devenus la toile de fond de la présente guerre d’Ukraine. 

Le Président ukrainien sait mieux que quiconque que, par-delà les protestations d’amitié et même les actes concrets en ce sens, les peuples, ainsi que le disait le général de Gaulle, n’ont pas d’amis.

Le précédent de la Bosnie-Herzégovine est celui qui se rapproche le plus de ce que l’Ukraine pourrait demain devoir affronter : un grand protecteur qui veut en finir avec un conflit jugé ingagnable et qui n’hésite pas à tordre le bras de son protégé pour qu’il y mette fin, oblige tout le monde à se mettre à la table des négociations sans conditions préalables.

BHL, qui le tenait du Président bosniaque Izetbegovic, a raconté à Zelensky comment Richard Holbrook, sous Clinton, avait forcé les Bosniaques à s’arrêter alors qu’ils s’apprêtaient à reprendre aux Serbes la ville de Banja Luka, les menaçant de couper toute assistance aérienne américaine, si la Serbie de Milosevic volait au secours de ses frères de Bosnie. Une fois à Dayton, les pressions redoublèrent sur les infortunés Bosniaques. A eux de faire des concessions à leurs pires ennemis, de composer avec leurs meurtriers. La paix devait être établie à tout prix. Elle le fut, et la Bosnie-Herzégovine, dépecée, paralysée, tripartisée institutionnellement, le paie jusqu’aujourd’hui, trente ans plus tard. L’entité serbe de Bosnie bloque tout. 

On peut facilement s’imaginer si des négociations étaient imposées telles quelles par l’Amérique, que les Russes se tailleraient la part du lion, que l’Ukraine paierait territorialement l’addition, perdrait au premier chef la Crimée, se verrait interdire d’OTAN, voire même d’Europe, serait privée de tous dommages de guerre, que les criminels de guerre russes ne seraient jamais jugés, les enfants ukrainiens enlevés et russifiés jamais rendus.

Question subsidiaire : que feraient les Européens laissés seuls face aux Russes, quant à l’aide militaire et financière à l’Ukraine ? S’inclineraient-ils à leur tour ? Passeraient-ils outre, la nuque raide ? Rien n’est moins sûr.

Ce que j’ai appris de l’Ukraine depuis trois ans, auprès de BHL, lors de nos divers tournages c’est que l’Ukraine ne cédera vraisemblablement pas, qu’elle continuera la lutte coûte que coûte. C’est un combat pour la liberté, commencé bien avant la chute de l’URSS et dont le sort se joue aujourd’hui du côté de Louhansk, Kherson, Koursk, dans le froid, les bombardements sans fin, et dans la résistance de tout un peuple.

Gilles Hertzog

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