« L’Histoire ? On dit, en effet, “l’Histoire”. Mais on dit ça pour faire les importants. C’est le mot noble pour habiller la pure horreur de ces tas de carcasses, rouilles, ruines, décombres, dévastations, cadavres, ordures, excréments, qui peuplent les vraies guerres. On dit “Histoire”, oui, et c’est une façon comme une autre – peut-être la plus vulgaire – de donner un sens à ce qui n’en a pas ». Bernard-Henri Lévy, Le Lys et la Cendre, Grasset, 1996. 

Cette « Histoire », c’est la tourbe, idée centrale du livre de Bacqué. 

Mais il y a plus en commun que ce pessimisme entre Bacqué et Lévy, il y a l’idée que ce pessimisme est plus libérateur, et plus humain, ou humaniste, que l’optimisme grec. Parce que si l’Histoire, le monde, est cette tourbe, si nous sommes cette tourbe, il y a aussi, il est aussi autre chose, qui nous dépasse et par quoi nous pouvons essayer de nous dépasser. C’est, je crois, ce que Lévy avait tenté de dire dès La Barbarie à visage humain, et c’est le bâton, autre figure centrale, avec la tourbe, contre la tourbe, du livre de Bacqué. 

Ce dépassement, Lévy l’a vécu en particulier à travers ses engagements pour les agressés, tous ceux qu’on voulait détruire, au Bengladesh, en Afghanistan, en Bosnie, en Ukraine, en Israël. Malraux, à la fin des Voix du Silence : « L’humanisme, ce n’est pas dire : ce que j’ai fait, aucun animal ne l’aurait fait. C’est dire : nous avons refusé ce que voulait en nous la bête, et nous avons voulu retrouver l’homme partout où nous avons trouvé ce qui l’écrase ». Pour cela, « BHL » a été énormément moqué et haï. Cela me rappelle les mots d’un autre grand parrain, Hugo :

« J’ai fait ce que j’ai pu, j’ai servi, j’ai veillé,
Et j’ai vu bien souvent qu’on riait de ma peine. 
Je me suis étonné d’être un objet de haine,
Ayant beaucoup souffert et beaucoup travaillé. 
»

Veni Vedi Vixi, Les Contemplations. 

Au fait, que les haineux le sachent – mais ils l’ignorent, parce qu’ils ne lisent pas –, Lévy est bien plus sévère envers lui-même que tout ce qu’ils pourront vociférer et persifler. 

Bon, vous n’êtes pas venus pour Lévy, vous êtes venus pour Bacqué – encore que vous soyez plus nombreux ici, chez Lévy, que rue Payenne[1] ! Mais je tenais à dire tout cela pour que vous sachiez que ce n’est pas du tout un hasard ni une mondanité, cette lecture ici, chez Bernard-Henri Lévy. Si Lévy est un fervent soutien de Bacqué depuis longtemps, c’est, je crois, mais il le dirait mieux que moi :

1. Parce que Bacqué exprime par le roman poétique, nourri aussi de l’Étude, sa propre vision originelle du monde, à la fois si pessimiste, si humaine, et pour tout dire peut-être si juive et en même temps si universelle ;

2. Tout simplement parce que, écrivain, il sait – ce n’est pas de l’ordre de l’opinion, c’est comme un menuisier sait la valeur d’un confrère menuisier –, il sait que Bacqué est un grand, un très grand écrivain. 

« La Guerre » de Pascal Bacqué

La Règle du jeu publie le feuilleton audio du 3e tome d’une œuvre en 5 parties : La guerre de la terre et des hommes. Une vaste aventure de mots et de parole, pour dire la puissance de l’Histoire occidentale et son effondrement. Poète et étudiant du Talmud, Pascal Bacqué a décidé il y a quinze ans d’écrire un « mythe » en prose.


Épisodes

Prologue : j’ai peur de la terre

Quand soudain les hommes, qui des siècles durant n’avaient eu peur que des hommes, se mettent à redouter la terre, le sol, – et ce qu’il couvre, ou bien couve ?

Première Partie : Cosmologie

Avant le récit, les théorèmes. Quand la crise s’abat jusque sur les idées, il faut partir des idées, et se constituer ce que les savants appellent un organon, et le gens normaux, un cosmos. C’est-à-dire, un monde bel et bien mis en place. Mais on vous prévient : ce cosmos-ci est maléfique. Et pour cause, il va générer la guerre de la terre contre les hommes. Savez-vous qui est l’auteur de cette horreur ? Vous n’auriez jamais deviné. C’est l’homme quelconque

Pourquoi enregistrer un livre sous forme de Podcast avant de le publier ?

Pascal Bacqué répond aux questions de la rédaction à propos de « La guerre », un livre lu in extenso sur La Règle du Jeu avant sa parution papier. Chaque mercredi, retrouvez sur notre site un épisode inédit de l’oeuvre.

Prélude : Le café les grandes marches, place de la Bastille

Comment et pourquoi la parole de la Guerre est conduite depuis un lieu particulier, la célèbre place d’une capitale européenne, qui finalement n’aura pas marqué l’Histoire universelle parce qu’on y aura jeté à bas une prison, mais parce qu’on en aura découvert une autre, cachée, autrement sadique… Celle qui enferme nous tous.

Chapitre 1 : Les conseils littéraires de Felian Hen

11 Mars 2020. Sur une place de la Bastille où plane un étrange malaise qui est loin d’être passager, Pascal B. rencontre le grand philosophe Felian Hen, qui va lui expliquer ce qu’il attend de lui : qu’il écrive la « Montagne magique de notre temps ». Car cela exige une adaptation, et un effort de la part du brave B. : ne s’est-il pas rendu compte que, pour réussir donc se vendre, les livres doivent désormais rencontrer un ventre mou, celui de la société marchande ? Mais alors, que dira Hen des étranges hallucinations qui s’emparent de son interlocuteur ?

Chapitre 2 : Insoumission

Mais quand, au lieu du ventre mou de la société marchande qu’il doit absolument parvenir à toucher, le pauvre Pascal B. se trouvera en face de l’immense écrivain Anselme Le Bec Helloin, expert en maniement dudit ventre mou, qu’adviendra-t-il de notre drôle, qui fait face à l’invincible maîtrise et à la sublime bienveillance du maître ?

Chapitre 3 : Un souvenir de la veille

Quand au lieu d’un roman, c’est un poème épique que Pascal B. s’engage à écrire pour dire la maladie du monde, avec l’aide d’amis exceptionnels.
Pascal B. reprend ses esprits avant de rejoindre son groupe. Quelque chose s’est décidé en lui : il ne veut décidément pas écrire un roman : il veut que naisse un poème de cette étrange et décisive maladie que traverse la tourbe des hommes ; un poème, un mythe, qu’il n’aura pas la force d’écrire seul, parce qu’il faut bien plus que lui pour affronter nos questions mortelles. Mais il a des amis, des hommes d’exception, si loin de lui et si proches, comme dit le Saint Journal Télérama. Blague à part, il en a, de la chance.

Chapitre 4 : La formation du quatuor

Quand au lieu d’un roman, c’est un poème épique que Pascal B. s’engage à écrire pour dire la maladie du monde, avec l’aide d’amis exceptionnels.
Pascal B. reprend ses esprits avant de rejoindre son groupe. Quelque chose s’est décidé en lui : il ne veut décidément pas écrire un roman : il veut que naisse un poème de cette étrange et décisive maladie que traverse la tourbe des hommes ; un poème, un mythe, qu’il n’aura pas la force d’écrire seul, parce qu’il faut bien plus que lui pour affronter nos questions mortelles. Mais il a des amis, des hommes d’exception, si loin de lui et si proches, comme dit le Saint Journal Télérama. Blague à part, il en a, de la chance.

Chapitre 5 : La rencontre inconcevable

Ayant chassé comme il convient leur ami B., les membres du quatuor traversent un moment d’hésitation : bien qu’ils soient loyaux et grands, comment pourront-ils faire ce que B. leur demande ? Et d’ailleurs, le doivent-ils ? C’est alors qu’ils vont recevoir la visite du plus rare et plus nécessaire des hommes, celui qui leur annoncera comment il vont effectivement parvenir à l’envers d’un monde… à l’envers.

Chapitre 6 : l’événement

Ainsi la crise qui guettait et confinait les hommes dans leur angoisse, devait enfin éclater. Qui aurait cru qu’elle partirait de cette province du monde, la France, et de cette place de la Bastille où les grands évènements qui avaient renversé la terre avaient laissé place à des aventures bourgeoises et finissantes ? Mais justement, c’est du passé que tout arrive : le passé, que la terre va vomir. 

Mais où était passé Pascal B. ? (1ère partie)

Pascal B. fut convoqué, en l’an de grâce 2020, dans le Palais de Pharaon, c’est-à-dire dans l’antre miraculeux des nymphes littéraires et des dieux immortels de la maison Malligard, célèbre maison d’édition de la rue Gaston Gallimard. C’est là que Monsieur Pucre, prêtre de Pharaon, lui explique pourquoi, bien entendu, il ne l’éditera pas ; explication qui est déjà, pour ce péquin, une grâce imméritée et une munificence mirifique. 

Mais où était passé Pascal B. ? (2ème partie)

Il y a des fautes de goût qui sont impardonnables, dans des lieux aussi parfaits, aussi immémoriaux, aussi sacrés en somme que la maison Malligard, palais de Pharaon. Car enfin, comment ose-t-il, ce goujat de B., fracasser sur le sol son Mac, oeuvre prodigieuse d’Amadeus Jobs, meilleur ami de tout écrivain, devant Pharaon – et que dire, quand, par un effet parfaitement écoeurant d’une magie infâme, les débris de ce Mac deviennent des serpents ?

Mais où était passé Pascal B. ? (3ème partie)

Mais alors, quand Monsieur Pucre, pour conjurer l’abomination de l’horrible Pascal B., envoie la divinité bifide de la maison : le prodigieux, le planétaire Séliné proust, afin d’en fracasser le serpent blanchâtre émané de la machine morte, que se passe-t-il quand la voix du dieu retentit ? Ah, c’est à croire que même Sol-Air, le dernier génie vivant de Malligard, ne s’en remettra pas. Enfin, si, bien sûr, il s’en remettra.

Prologue : la découverte du monde à l’envers

Les membres du quatuor lisent le cahier de jeune fille écrit par Léa B., fille de Pascal B. 
C’est la grande démolition des mots d’ordre de notre époque, et une première figuration des effondrements qui la guettent… 

Le cahier de Léa B.

Dans le cahier de Léa B., jeune fille imaginative, les membres du quatuor, amis de Pascal B. découvrent d’étranges récits : l’écroulement du langage, pendant qu’Internet, dépassé par lui-même, se transforme en « Ça », énorme substance qui organise la foule, cette foule que la jeune fille avait découverte, quand elle regardait les concerts des Beatles avec son père, sur Youtube.
Même les mains des hommes ont perdu leur utilité. Plus besoin de parler, plus besoin de faire : l’appli Plip s’occupe de vous.
On savait que les jeunes filles sont capables des récits les plus horrifiques ; mais que va faire notre quatuor des atrocités de leur petite Mary Shelley ?

Les Chaleurs et Les singularités

La traversée de l’horreur continue, d’abord avec « les Chaleurs », cet étrange événement, presque plus surprenant encore que les aventures de la Covid, du fameux « réchauffement climatique ». Car enfin, que fait-on, quand malgré l’immensité du phénomène, il fait encore bon quelque part ; que devient la terre, pour une jeune fille qui lui rend visite ? 
Et enfin, « les singularités », qui voient Léa, décidément une magicienne, rencontrer le sorcier qui inventa toute cette histoire, à savoir un personnage bien connu des lecteurs de la Guerre de la terre et des hommes, mais qui cette fois, par anagramme, révèle son pseudo – celui de l’inventeur de l’ordinateur et de tout ce qui s’ensuit. Première au monde, Léa aura pénétré à l’intérieur de la tourbe – mais non, pas besoin de pilule rouge, on n’est pas à Hollywood – c’est pire. 

La solitude des grandes âmes, la menace et l’action

Après avoir lu le cahier de Léa B., étrange fantaisie qui raconte l’impossible, n’est-ce pas ? (la disparition du langage, la persécution climatique et la persécution digitale et transhumaniste, tout le monde sait bien que ça n’arrivera pas, voyons !), les membres du quatuor, ces grands esprits remarquables, sont désemparés. Que faire, si jamais les mots perdaient leur sens, si l’humanité se perdait en dénonciations et flicage, et si tout était perdu ? Léa B., menacée désormais par la rue, est exfiltrée par un mystérieux octogénaire, Stefanus Lev, qui lui raconte pourquoi il a consacré sa vie à l’action : pour la sauver, elle, cette petite jeune fille…

L’effort du quatuor et La guerre de la terre

C’est le moment magique : chacun redouble, dans le quatuor, d’impossibles efforts, pour faire avec ce qu’ils ont : un piédouche devant eux, et leur certitude que la catastrophe approche. Il va falloir aller du côté des sciences noires, pour peu qu’elles ne soient pas de pures et simples supercheries. Et pourtant… Car le piédouche subit une telle mutation, devant eux, que c’est la terre elle-même, muette, pantelante, et furieuse, qui va se révéler à eux… 
C’est alors que le moment est arrivé, celui de la guerre, donc celui du poème que Pascal B. avait demandé aux membres du quatuor. Y aurez-vous droit, chers auditeurs, à ce poème ? Le méritez-vous ? En attendant, il aura fallu le dernier geste, accompli par le grand Monsieur, qui accueille tout ce petit monde chez lui, dans une rue où le sommeil est rare… 


[1] La maison de Thierry Consigny est située rue Payenne où ont lieu déjà eu lieu des lectures de Pascal Bacqué.