D’aucuns m’auraient dit aujourd’hui : « le Brésil d’Anice n’a pas été qualifié pour la suite de cette compétition ». Mais, puisque nous sommes quand même des gens civilisés qui savons faire les choses avec élégance et délicatesse, nous savons également tirer des conclusions, pas hâtives. Plutôt, politiquement correctes.

Nous félicitons notre adversaire pour l’endurance et la pondération durant le jeu. Le Brésil de Ronaldinho n’aurait pas démérité cette victoire. Néanmoins, celui du « menino Ney » a fait de son mieux. C’était, tout de même, un très beau spectacle.

Ce spectacle me rappelle les vives émotions autour des grandes compétitions footballistiques ces dernières vingt années.

Comment oublier le fameux but de mon joueur préféré sénégalais El Hadj Diouf face à la France ? J’étais en CM2 et tenais d’abord à voir la fin de ce mythique match avant d’aller en cours. Trop d’émotions. C’est à partir de là que mon amour pour la littérature negro-africaine a commencé à germer. Je pense fort à certains oncles qui venaient regarder le football chez nous à la maison, à Kindonou.

Est-ce que je peux oser oublier les fameux buts de Jay-Jay Okocha et les célébrations qui s’en suivaient ? On se levait parfois à quatre heures du matin pour vivre ces émotions !

La tristesse lorsque l’on apprit avec amertume que le Cameroun de Rigobert Song venait de perdre un de ses fils, si cher : Marc-Vivien Foé sur le terrain de foot. Ce nom ne me sort jamais de la mémoire. J’en ai pleuré, comme si c’était un proche. La magie du sport de compétition est quelque chose d’inexplicable.

Je garde de merveilleux souvenirs des matchs de Zinedine Zidane (son jeu est extraordinaire), de Didier Drogba (avec les promesses de sa grand-mère) d’Adebayor Sheyi (dont la maison est à quelques mètres de celle où nous passions nos belles vacances, chez ma douce tante Claudine à Lomé), des frères Ayew (qui nous font avoir toutes les attaques cardiaques possibles), de Romuald Bocco, d’Omar Tchomogo, de Stéphane Sessegnon (je pense fort aux journées fériées dont on bénéficiait quand le Bénin gagnait un match, sous Feu Mathieu Kerekou, alors président de l’ancien Dahomey), et bien d’autres joueurs.

Toutes les compétitions que je regardais titillaient ma curiosité sur les origines de chaque joueur. Évidemment, je ne me faisais pas prier pour m’appliquer aux histoires, surtout politiques de leur pays. 

Pour exemple, mon attachement à l’histoire du Brésil, et désormais à son peuple, vient de la fameuse Coupe du Monde de 2002, dont je parlais plus haut.

Le Sénégal qui défia la France : Aussi bien footballistiquement que politiquement, cela avait fait et continue de faire couler beaucoup d’encres et de salives.

Le Brésil, ex-esclavagisé, qui plia la dominante Allemagne en 2 buts à 0. Et, deviendra dès lors cinq fois champion du monde de football masculin, à une époque où le candidat Lula était en pleine campagne présidentielle. Le Partido dos Trabalhadores (PT) remportera pour la première de l’histoire l’élection présidentielle.

Double commémoration pour le pays du Roi Pelé, raison valable pour les supporters de la Seleção d’esquisser quelques pas de la « samba ».

J’avoue que nous avons rêvé de ce même schéma, puisque le candidat Lula vient de se faire réélire démocratiquement à la tête du plus grand État fédéral de l’Amérique du Sud.

Mais, nous avons omis une réalité : la présence de Jair Bolsonaro. Ce dernier se serait attribué ce merveilleux titre. Quelle aubaine pour lui !

Et fort heureusement donc, à quelque chose malheur semble être bon dans cette histoire de perdre face à la Croatie : l’histoire ne retiendra jamais que c’est sous Bolsonaro que le Brésil est devenu hexacampeão [six fois champion] comme nos amis de la Seleção le crient haut et fort.

Nous espérons qu’en 2026, un rendez-vous sera pris avec notre président démocratiquement élu, Lula, pour que, s’il plaise au ciel, tout en alliant le talent incontestable des joueurs brésiliens au travail d’équipe qui s’imposera, nous puissions mériter ce beau trophée et crier enfin : « O hexa chegou! »