Y revenir. Y revenir encore. Avec une conviction, une intuition, presque une promesse : Sarah Halimi est morte, oui et dans d’atroces conditions, mais, en dépit d’un arrêt de la Cour de cassation, l’affaire Halimi, elle, ne l’est pas.
Depuis cet arrêt, un sentiment d’injustice gagne.
Comment est-ce possible après que la plus haute juridiction française ait dit son dernier mot, par son arrêt confirmatif de l’irresponsabilité de l’auteur ? Après que l’un des plus hauts magistrats de France, François Molins, Procureur général près la Cour de cassation, ait publiquement affirmé que le droit français n’offrait aucune possibilité de juger cet homme et qu’il ne s’agit que de l’application stricte de la loi pénale ? Un sentiment d’injustice, donc, après une décision contre laquelle, en tant que tel, il n’y a pas de recours et que même une loi nouvelle, une loi Sarah Halimi, ne pourrait remettre en cause ?
Et pourtant je l’affirme, littéralement, c’est le sentiment d’injustice qui gronde, c’est le sentiment d’injustice qui gagne.
Et je l’affirme aussi, ce sentiment est juste lorsqu’un crime odieux a été commis sans un procès public, démocratique, où les auteurs ou complices auraient pu comparaître. C’est bien cela, quels que soient les motifs, l’injustice : un crime sans procès pour le meurtre de Sarah Halimi.
Ce sentiment s’est installé d’abord dans le coeur de la famille de la défunte, de ses proches. Puis dans ce que l’on a appelé, de manière réductrice et imparfaite, la communauté juive. C’est une réalité et une tristesse supplémentaire : Madame Halimi n’a été pleurée que par des Français de confession juive.
Il y en a eu cinq parmi ces coeurs inconsolables qui ne se sont pas résolus à l’injustice. Qui ne sont pas restés bras ballants. Cinq qui se sont dit que le silence après un tel crime serait un second crime et que le silence après un tel scandale serait un scandale plus grand encore. Cinq personnes sans organisation, sans grade, sans mandat autre que celui de leur indignation citoyenne et, je le crois, républicaine : Jonathan Behar, Julie Guez, Frank Tapiro, Gil Taieb, Cyrielle Cohen. Cinq personnes rejointes par toutes les institutions de la communauté juive – CRIF, FSJU, UEJF en tête. Puis par les plus hauts responsables politiques, par les personnalités publiques… et par près de 25.000 personnes sur le Parvis des droits de l’homme de la Place du Trocadéro.
Nous savons dans notre droit que le trouble à l’ordre public, que constitue l’écho social d’un crime, est l’une des conditions qui justifient de maintenir une personne en détention avant son procès ; il serait extraordinaire que cela n’autorise pas à s’indigner après une décision judiciaire, surtout quand elle entérine l’absence de procès.
La justice a toujours été rendue au nom du peuple. Elle est rendue en public. Elle vient du débat. Elle est l’objet du débat. On doit respecter une décision, mais on peut toujours (et heureusement !) la critiquer.
Je note, après le rassemblement de dimanche dernier, que le sentiment d’injustice gagne la France. Il gagne la presse, du Figaro à Libération, qui fait aujourd’hui un numéro spécial, en passant par Charlie Hebdo. Il gagne les plus grands intellectuels, et de toutes tendances, de Luc Ferry à Michel Onfray et de Bernard-Henri Lévy à Caroline Fourest. Difficile après un tel écho de déclarer qu’il s’agirait d’une réaction communautaire ou populiste lorsque dans le monde entier on s’interroge et on interroge la France.
Alors pour soigner la France de cette tâche, il faut que toutes les responsabilités soient examinées et tous les recours envisagés ; il faut tirer au clair l’intervention de la police comme ces témoignages, qui sont tout sauf nouveaux, mais qui n’ont jamais été recueillis par la police.
Je ne puis dire ce qu’il en sera. Mais je sais que le sentiment d’injustice est le pire qui soit et qu’il n’y a que la justice pour le dissiper.
Je ne puis dire qu’on y arrivera, mais simplement qu’il est impossible d’en rester là. Assurément l’affaire Halimi n’a pas commencé avec l’arrêt du 14 avril 2021. Mais elle a recommencé ce jour-là.
Ce texte est la retranscription de la chronique hebdomadaire de Patrick Klugman pour RCJ. Un podcast à écouter ici.
« Billet d’humeur de Patrick Klugman » est à écouter tous les vendredis sur RCJ.
J’espère que la justice d’Israël aura l’occasion de montrer à la France comment juger un criminel.
Une civilisation qui considère ses rats avec humanité en vient nécessairement à infester les hommes.
Grossière ambiance.
Les policiers français veulent que la République les protège. Qu’ils ne se privent pas de la protéger de ses instincts grégaires face à toute forme de barbarie.
Qu’ils remontent avec elle jusqu’à l’heure fatidique où un banal contrôle de police au coin d’une rue ensoleillée d’uchro-France les confronta une nouvelle fois — ? — à la banalité du mal.
Qu’ils lui passent en boucle la scène mais, cette fois-ci, avec l’assassin dans le rôle du cadavre, ce tueur de flic dont le profil ne fait désormais plus débat.
Et maintenant, qu’elle médite, à l’aune d’une menace qu’elle ne peut plus ignorer dès l’instant qu’elle vagit dans son expansionniste pré carré, sur la réponse létale du gardien de la paix en tant qu’elle n’aurait pas manqué d’être qualifiée par une partie d’elle-même de crime raciste, voire de racisme systémique.
La démocratie ne veut pas crever ? Banco.
Les Républicains ne veulent pas crever ? Qu’ils se dégottent un chef !
Mais comment donc ? Eh bien c’est simple.
Que leurs sages commencent par leur désigner un candidat, et qu’ils aillent aussitôt se ranger derrière lui.
Et qu’importe ses chances de victoire.
S’ils attendent les résultats de l’analyse ADN à laquelle les prétendants de Pénélope exigent qu’on les soumette avant de valider tel ou tel nom sur la base de calculs savamment statistiques, ils peuvent signer leur arrêt de mort.
L’objectif n’est pas tant de remporter la prochaine présidentielle que de sauver un parti Historique, un parti fondateur, un parti légataire tenu au devoir de transmettre un noyau de valeurs autour duquel une constellation de hauts faits revient, à chaque aurore, hanter ce rêve français qui ne supporterait pas qu’on le plonge de façon dogmatique dans un coma qui ne serait qu’artificiellement réparateur, se ranimant de lui-même au flirt transcendantal avec le chant ô combien transcourant des partisans de la Libération mondiale et, pour ce faire, au dépassement de la basse politique, ce qui semble être pour certains un exercice lavillenien.