«Que signifie, aujourd’hui, être auteur dans un pays où la répression fait rage ?».

Voilà la question à laquelle l’édition 2019 des Assises Internationales du Roman tente de répondre. Une édition qui loue le courage de ceux qui prennent le risque de la dissidence. Ces hommes qui n’ont rien à perdre, ou plutôt qui sont prêts à perdre le peu de confort qui leur reste. Place à ceux qui savent qu’ils risquent leur vie, entachent leur réputation, s’exposent à la calomnie, à l’humiliation, et au rouleau compresseur des mastodontes au pouvoir qu’ils dénoncent parce qu’ils osent nommer les têtes pensantes, les acteurs de l’injustice qu’ils dénoncent.

Un auteur dissident, ce n’est pas un écrivain, à la Blanchot, en confrontation avec la littérature même. Son oeuvre est confrontation.

C’est le risque qui caractérise un auteur dissident. Le risque d’être menacé, fiché, mis sur écoute, emprisonné, exilé. Mais aussi celui d’être mal lu, de voir son œuvre dévoyée. D’où l’importance de les lire, de les écouter.

De retour à Lyon, les Assises se tiennent cette année aux Subsistances. Parmi les diverses tables-rondes, débats et autres lectures, AIR propose ce soir, en ouverture, une rencontre avec trois artistes qui payent au prix fort leur liberté d’expression : le poète chinois Liao Yiwu, l’écrivain égyptien Alaa El Aswany et la photographe iranienne Reihane Taravati.

 

Liao Yiwu
Réfugié aujoud’hui à Berlin, Liao Yiwu fait partie de ceux dont le destin a basculé lors des événements de Tian’anmen. Le grand massacre, un poème écrit suite à la répression du 4-juin, lui vaudra d’être arrêté et condamné à quatre ans de prison et à une vie dans la clandestinité. Une peine qui n’a pas eu raison de son obstination : Liao Yiwu est notamment l’un des signataires de la fameuse Charte 8, menée en 2010 par Liu Xiaobo. Une charte qui réclamait la fin du parti unique en Chine.

 

Alla El Aswany
Celui qui concluait chacun de ses articles par «La démocratie est la solution» est aujourd’hui poursuivi par la justice militaire égyptienne pour «insultes envers le président, les forces armées et les institutions judiciaires». Le régime du maréchal Al-Sissi reproche à l’auteur de J’ai couru vers le Nil son récit du Printemps égyptien de 2011.

 

Reihane Taravati
Accusée d’avoir «heurté la chasteté du public» en diffusant sur les réseaux sociaux une vidéo où elle dansait sans tchador avec des amis sur «Happy» de Pharrell Williams, la photographe iranienne a été arrêtée et condamnée à un an de prison et à quatre-vingt-onze coups de fouet avec sursis.

 

Ces auteurs, qui engagent leurs corps dans leur combat, incarnent la dissidence dans leur acceptation romantique. Mais la résistance peut aussi se faire par l’écoute et par la conservation de la mémoire. C’est le cas, respectivement, de deux autres invités de l’Air: Violaine Schwartz et Monseigneur Michaeel Najeeb.

 

Violaine Schwartz
L’auteure de Papiers (P.O.L.) a restitué avec délicatesse la parole des demandeurs d’asile qui, après des traversées de frontières souvent traumatiques, doivent faire face à d’ubuesques démarches administratives. Ces récits de l’exil glaçants seront donnés en lecture ce mercredi 22 mai.

 

Monseigneur Michaeel Najeeb
L’archevêque irakien est l’auteur chez Grasset de Sauver les livres et les hommes. Il y raconte le difficile sauvetage de manuscrits anciens de la barbarie de Daech. Son arme à lui ? Un scanner. Grâce à son minutieux travail de numérisation, des multiples manuscrits issus de la religion chrétienne mais aussi de cultures mésopotamiennes ont pu être sauvés – et notamment un parchemin du Nouveau Testament datant de 945.


Programmation :

Assises Internationales du roman
Du 20 Au 26 mai 2019 à la Villa Gillet

 

Ouverture des AIR :Le courage de la dissidence
(20/05 à 19h30)
Avec : Alaa El Aswany (écrivain égyptien), Reihane Taravati (photographe iranienne), Liao Yiwu (écrivain chinois)
Modérateur : Michel Eltchaninoff (rédacteur de chef de Philosophie Magazine).

 

Des tables-rondes avec plus de 50 écrivains de 20 nationalités.
Philippe Apeloig, Alaa El Aswany, Andrés Barba, Christophe Boltanski, Adrien Bosc, Grégoire Bouillier, Geneviève Brisac, Joshua Cohen, Bérengère Cournut, Amaury da Cunha, Daniel de Roulet, Sophie Divry, Pierre Ducrozet, Carolin Emcke, Davide Enia, Jérôme Ferrari, Philippe Forest, Éric Fottorino, Rodrigo Fresán, Daniel Galera, Santiago Gamboa, Anne-Marie Garat, Sylvie Germain, Sylvie Gracia, Simonetta Greggio, Joumana Haddad, Fabienne Jacob, Serge Joncour, Maylis de Kerangal, Mick Kitson, Cloé Korman, Amitava Kumar, Marie-Hélène Lafon, Camille Laurens, Linda Lê, Mike McCormack, Serge Mestre, Delphine Minoui, Monseigneur Michaeel Najeeb, Itamar Orlev, Emmanuelle Pagano, Connie Palmen, Maria Pourchet, Sylvain Prudhomme, Elisabetta Rasy, Yves Ravey, Violaine Schwartz, Aude Seigne, Jón Kalman Stefánsson, Reihane Taravati, Antoine Wauters, Liao Yiwu.

 

Autour des récits d’exil
(22/05 à 21h)
Lecture de Papiers (P.O.L, 2019) de Violaine Schwartz.

 

Autour des images
(25/05 à 21h)
Des mots derrière les images : projection- lecture avec Amaury Da Cunha, photographe, Sylvie Gracia, Camille Laurens, Sylvain Prudhomme et Marie-Hélène Lafon, écrivains.

 

Autour des mères
(26/05 à 15h)
Des mots pour une mère : une photo, un objet, trois mots. Quatre romanciers évoquent leur mère.
Avec : Christophe Boltanski, Geneviève Brisac, Éric Fottorino et Maria Pourchet.

 

Clôture des AIR : soirée spéciale élections Européennes
(26/05 à 20h)
France Culture présente des reportages, des analyses, et les réactions d’écrivains européens ainsi que de nombreuses personnalités.


Les Subsistances | Laboratoire international de création artistique
8 bis quai Saint Vincent
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