Zanyar Moradi a été pendu en Iran à la prison de Téhéran samedi 8 septembre.

Ce même 8 septembre, les pasdarans iraniens bombardaient par missiles les quartiers généraux au Kurdistan irakien de deux partis politiques kurdes d’Irak et tuaient leurs dirigeants, coupables de défendre les droits des sept millions de Kurdes qui vivent sous la botte du régime des Mollahs de Téhéran.

Moradi avait 27 ans. Il était originaire de la ville frontalière kurde de Mariwan, au Kurdistan iranien. Il avait été arrêté en 2009 et accusé d’avoir tué le fils du prédicateur de Mariwan.

Arrêté et pendu aux côtés de son cousin Loghman Moradi, Zanyar Moradi a nié jusqu’au jour de sa mort les accusations et défendu son innocence.

Le journaliste kurde Ala Hoshyar Tayyeb a mené cet  entretien avec Moradi via Telegram App et un téléphone portable introduit clandestinement dans la prison.

Moradi a déclaré qu’il avait été torturé tous les jours pendant neuf mois consécutifs au début de son emprisonnement. Il pensait que l’agence de renseignement iranienne l’avait arrêté pour s’emparer de son père, membre du parti Komala. Sinon, affirme Moradi dans cet entretien, ni les tribunaux ni l’agence de renseignement iranienne n’ont été en mesure de fournir des preuves susceptibles de l’associer au meurtre du fils du prédicateur de Mariwan.

Quand avez-vous été arrêté et pourquoi ?

Zanyar Moradi : J’ai été arrêté à Mariwan en 2009 et deux jours plus tard, Loghman Moradi a également été arrêté. Pendant neuf mois entiers sous la torture, les seuls chefs d’accusation qu’ils nous ont lancés étaient l’adhésion au parti Komala. Ils ont continué à essayer de nous recruter et à nous «aider», mais nous avons refusé. C’est pourquoi, neuf mois plus tard, ils ont dit que si nous refusions toujours de coopérer, ils nous puniraient des charges de muharaba, ce qui signifie combattre le régime. C’est pour cette même raison qu’ils avaient tué le fils du prédicateur de Mariwan, Mustafa Sherzadi. Selon le service de renseignement iranien, les fils du prédicateur étaient en contact avec al-Qaïda.
Une fois qu’ils ont mentionné les nouvelles accusations, la torture s’est s’intensifiée. Deux de mes disques vertébraux ont été disloqués sous la torture et j’ai subi deux interventions chirurgicales dans un hôpital de Téhéran sous la surveillance étroite de l’agence de renseignement.
Les accusations étaient toutes sans fondement, et même la famille de Mustafa Sherzadi sait que ces accusations sont fausses et complètement fabriquées par la branche de renseignement du Sina (Sanandaj) contre nous. Le prédicateur lui-même a déclaré à plusieurs reprises : «Quelque part, ils ont attrapé deux enfants et ont dit qu’ils avaient tué notre fils».

Quand vous ont-ils condamné à mort ?

Le tribunal révolutionnaire d’Iran nous a condamnés à mort en 2012, trois ans après notre arrestation. La branche de Téhéran de l’Intelligence iranienne nous a vus et a demandé plus d’informations et de détails. Une fois de plus, nous nous sommes défendus et leur avons dit qu’il n’était pas en nous de tuer qui que ce soit. Après cette réunion, le ministère de la justice a décidé que notre cas devait être examiné et approfondi.
En 2013, notre affaire a été renvoyée devant le tribunal et, avec notre avocat, M. Saleh Nikbakht, nous avons rencontré le juge Abdollahi. Il a déclaré qu’il n’y avait rien de tel dans notre cas à suspendre, et notre dossier a été renvoyé au service des enquêtes pour un suivi approfondi. Cette année-là, notre cas a été renvoyé à Mariwan cinq fois, mais rien n’a changé ni n’a été ajouté. L’enquêteur a écrit qu’il n’avait pu trouver aucune nouvelle preuve contre nous. Il a mentionné que le principal plaignant contre nous était le service de renseignement qui, selon lui, devrait fournir plus de détails et de preuves. Le service de renseignement n’a pas voulu que les tribunaux rouvrent et examinent notre cas. Les services de renseignement disaient que nous devrions recevoir la peine qu’ils voulaient, mais le service judiciaire ne cédant pas, nous étions pris entre deux feux. Si nous avions été rejugés, nous aurions un certain nombre de témoins prêts à venir au tribunal et à dire que, la nuit de l’assassinat, Loghman n’était même pas à Mariwan.

Quel âge aviez-vous lorsque vous avez été arrêté ?

Je venais juste d’avoir 19 ans et maintenant, neuf ans ont passé en prison.

Vous ont-ils parlé de votre père, membre du Komala, et mentionné que votre cas pourrait être lié à lui ?

Je reviens à 2007. J’ai été détenu et interrogé plusieurs fois par les services de renseignement, au point de connaître les agents qui y travaillaient, et je leur ai dit qu’ils n’avaient pas besoin de me retenir de cette façon, qu’au besoin je leur téléphonerai pour aller les voir moi-même. Une fois, le policier a dit que ce n’était pas nous qu’ils voulaient, mais la branche de Sanandaj. Le premier soir de ma détention, ils m’ont dit : «Votre père aurait dû savoir que nous pourrions lui faire du mal, lui aussi. Il est toujours à Mariwan agissant contre nous et donc, à travers vous, nous avons fait en sorte qu’il arrête ses activités.» Donc mon cas est lié à mon père. Trois mois avant mon arrestation, mon père a rejoint (clandestinement, Ndlr) la Région kurde. Mais heureusement, bien que touché par neuf balles, il a survécu. Sous la torture, ils ont continué à me dire : «Vous êtes le fils d’Iqbal.» Je ne doute pas que ce soit une revanche politique. C’était une affaire montée de toutes pièces pour faire revenir mon père. C’est pourquoi ils n’ont pas laissé notre affaire être renvoyée devant les tribunaux, car ils étaient certains que tout serait clarifié.

Qu’avez-vous à dire au prédicateur de Mariwan ?

Je ne suis pas coupable coupable pour avoir à lui parler. Il sait trop bien qui a tué son fils et comment. Quelqu’un du gouvernement lui a dit avoir été là quand son fils a été tué et qu’il sait tout. Ma seule demande serait qu’il décide en fonction des témoins qu’il connaît. Je ne veux pas m’excuser auprès de lui parce que je ne lui ai rien fait de mal. Je lui dirais seulement de ne pas se prêter à la mise en scène montée par l’Intelligence iranienne dans le but de retrouver mon père.

(Traduit de l’anglais par Gilles Hertzog).