Ascension stratosphérique. Il n’aura fallu que quelques mois à Marlène Schiappa pour devenir une icône (de la Macronie, du féminisme et de l’engagement citoyen tout à la fois). Rares étaient toutefois ceux qui, au moment de son éclosion, lui prédisaient un avenir politique radieux. Arrivée sur la pointe des pieds dans un gouvernement Philippe I faisant la part belle à ses ténors masculins (Bayrou, Hulot, Le Drian, Collomb), la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre l’homophobie n’a eu de cesse d’étendre son périmètre d’action et son influence politique. Jusqu’à susciter la jalousie… Les premiers temps furent d’ailleurs rudes. Au Conseil des ministres, ses nouveaux collègues ont commencé par la dévisager. Qui est-elle ? Que vient-elle faire là ? Sa manie de prendre le pouls de la société par le biais de Twitter a fait jazzer. Sans parler du déchaînement réactionnaire, encore manifeste lorsque Valeurs Actuelles cloue le nom de Schiappa au pilori, au même titre que les «associations pro-migrants» et les «féministes hystériques»… Consciemment et inconsciemment la secrétaire d’Etat divise, crée deux camps, devient un révélateur de pourriture. Ne serait-elle pas devenue l’incarnation moderne de combats de la gauche ? Possible !

 

Machisme systémique oblige, à défaut de promouvoir son action progressiste résolue, les articles qui lui sont consacrés portent immanquablement sur son style vestimentaire, sa coiffure, ses boucles d’oreille créoles jugées trop voyantes ou encore ses bracelets. Le ras-le-bol guette. A Anna Cabana, dans les colonnes du JDD, Schiappa confiait ainsi en octobre dernier : «Je m’attache les cheveux pour qu’on écoute ce que je dis !», avant de poursuivre : «Il y aurait un livre à écrire sur les cheveux en politique. Toutes les ministres ont eu soit les cheveux courts, soit les cheveux attachés». Schiappa va tenir bon. On connaît la suite. L’émergence des combats féministes, par le biais de l’affaire Weinstein, du combat contre les frotteurs du métro ou encore du hashtag #MeToo, va faire de cette ancienne adjointe au maire du Mans une pièce maîtresse du dispositif Macron. La roue a tourné. En off, un ministre décrypte : «Portée par la déferlante #balancetonporc, celle qui aurait dû être le boulet du gouvernement devient son trophée».

 

C’est la même Marlène Schiappa que l’on retrouve aujourd’hui aux cotés de Jérémie Peltier, jeune et brillant directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès, en tant qu’auteure de l’essai Laïcité, point ! Un livre court à mettre en toutes les mains, surtout celles qui méconnaissent l’esprit de la loi de 1905, désirent se rafraîchir la mémoire et se replonger dans les dispositions imaginées alors par Aristide Briand. A l’époque, le texte voté par le Parlement réalisait, selon le chercheur Jean Baubérot «un équilibre des frustrations, entre les laïcs intransigeants d’un côté, et les religieux intransigeants, de l’autre. Pour qu’au final, chacun ait la liberté la plus grande possible.» Autrement dit, un véritable tour de force. Avec le temps, le concept s’est transformé en horizon indépassable. Il est devenu un marqueur de France, complétant parfois la devise républicaine «Liberté, Egalité, Fraternité», faisant l’objet d’un «combat politique» écrivent Schiappa et Peltier.

«C’est la laïcité, explique la secrétaire d’Etat, qui permet d’éviter la communautarisation de la société. C’est elle qui fait que nous sommes une nation unique, un peuple unique, et pas un mille-feuille, les Village People ou une addition de communautés».

 

Le rappel est salvateur. Il était d’autant plus attendu que le discours fondateur du Président Macron sur la laïcité se fait cruellement attendre. Selon un sondage réalisé en fin 2017[1], 57% des Français considèrent que la laïcité n’est pas suffisamment défendue. Que faire alors ? Renforcer la loi ? Certainement pas ! Dans des lignes bienvenues, Marlène Schiappa analyse :  

 

«Certains veulent mettre des mots derrière cette notion, comme pour lui redonner du souffle – laïcité positive – ou du soufre – laïcité négative –, pensant qu’une notion vieille de plus de cent ans a besoin d’être appuyée et soutenue par autre chose, comme un boiteux s’appuie sur une canne pour tenter d’arriver à destination.»

 

Une fois n’est pas coutume, La France change, pas sa loi. Au citoyen – cet enfant gâté démocratique – de s’y faire ! A nous de réfléchir aux volontés profondes du législateur, si l’on veut continuer à vivre ensemble.


[1] Les Français et la place des religions, OpinionWay – LICRA, Octobre 2017