Les millions d’électeurs de Donald Trump qui scandaient « America First » ignoraient-ils que ce slogan avait une histoire aux Etats-Unis ? En 1940 un petit groupe d’extrême droite lança en effet le fameux « America First Committee » dont l’objectif était de faire pression sur le président Franklin D. Roosevelt afin que les USA restent à l’écart de la guerre. L’une des figures les plus célèbres de ce groupe fut l’aviateur Charles Lindbergh, qui ne cachait pas ses sympathies pour Hitler. « America First » fut repris en 1943 par un petit parti qui lui aussi était favorable aux nazis. Prétendre vouloir centrer la politique sur « l’Amérique d’abord » n’était en fait qu’une manière à peine voilée de refuser, au nom d’un nationalisme isolationniste, que le pays s’engage contre le monstre hitlérien.

 

Il n’y a heureusement pas de Hitler à combattre aujourd’hui. Mais le nombre de dictateurs sanglants qui sévissent sur la planète – tant contre leurs propres peuples que contre leurs voisins – est impressionnant. Est-ce que « America first » signifie que Trump va s’en laver les mains ? En d’autres termes est-ce que les USA vont renoncer au combat difficile pour les droits de l’homme en tous lieux ? Quand on a entendu celui qui n’était alors que le candidat républicain affirmer que « le monde se porterait mieux si Saddam Hussein et Kadhafi étaient toujours au pouvoir », il est à craindre que l’isolationnisme qu’il prône reviendra à renouer avec la complicité plus ou moins tacite avec les bourreaux. C’est d’ailleurs ce qu’espèrent les complices de ces criminels de masse, complices qu’on trouve bien sûr avant tout à l’extrême droite mais aussi dans la frange souverainiste de la gauche (principalement le courant chevènementiste) et au sein des courants les plus malsains de la « gauche de la gauche ». Leur « anti-impérialisme » à géométrie variable les amène à dénoncer toute intervention de solidarité internationaliste comme un complot pour piller les richesses des peuples. Et peu leur importe que lesdits peuples espèrent jour après jour qu’on viendra, si nécessaire avec des forces militaires étrangères, arrêter la main des dictateurs qui les massacrent – que ce soit au Darfour ou au Burundi. Le nationalisme et l’isolationnisme promis par Trump, appuyé par les souverainistes ultra-droitiers et ultra-gauchistes, réussiront-t-il à enterrer le droit d’ingérence, ce droit essentiel qui autorise la communauté internationale d’empêcher les crimes contre l’humanité et crimes de génocide ?

 

Figure de proue de l’extrême droite sur le Vieux continent, Poutine se délecte de la victoire de celui qui a multiplié les clins d’œil amicaux à son égard quand ce n’étaient pas carrément des déclarations d’admiration. Entre hommes à poigne on se comprend. Le chef d’Etat russe sait surtout qu’il va être débarrassé de l’administration démocrate qui s’est opposée – souvent trop mollement d’ailleurs – à ses manœuvres impérialistes aussi bien en Ukraine qu’en Syrie. Il a écouté Trump et en déduit logiquement qu’au Conseil de sécurité de l’ONU il n’aura plus à faire face aux résolutions américaines – qu’il bloquait systématiquement. Il mise aussi sur la levée des sanctions prises après son invasion de la Crimée. Bref, il compte sur Trump pour avoir les mains libres dans ses entreprises de déstabilisation chez ses voisins proches. La conception conspirationniste des événements du monde, massivement diffusée par les organes de propagande moscovite, n’est-elle pas partagée par le nouveau président des Etats-Unis ?

 

Comment Trump appliquera son programme, nul ne sait. Ce qui est certain en revanche, c’est que l’homme a attisé le pire dans une grosse partie de l’électorat américain : l’aigreur et le nationalisme, l’égoïsme le plus rance et le racisme, l’anti-intellectualisme et l’homophobie. Ce sont les mêmes ressorts sur lesquels jouent les leaders ultra-conservateurs en Europe. C’est dorénavant à qui dénoncera au mieux les « élites mondialisées » au nom du « peuple » auquel il faudrait rendre sa liberté confisquée par les banques et les financiers internationaux, voire par ces puissances occultes que les conspirationnistes voient partout. Cette rengaine est malheureusement trop connue. Elle mène toujours, oui toujours, au déferlement de la haine aveugle. Jusqu’à présent dans l’Histoire, ce sont systématiquement les Juifs qui en ont subi les conséquences. Aujourd’hui ce seront à coup sûr les musulmans qui en feront les frais en premier. Les homosexuels et les femmes ne seront pas bien loin dans le collimateur, leurs droits acquis aux termes de décennies de luttes seront remis en question. Et que les Juifs ne s’y trompent pas : ils ne seront pas oubliés, ces « cosmopolites » comme les désignait Staline qu’apprécie tant Poutine, ces « kikes » comme on dit au Ku-Klux-Clan qui a apporté son soutien à Trump. Frantz Fanon a rapporté cette phrase de son professeur de philosophie, d’origine antillaise, s’adressant à ses élèves noirs : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. » Il est sans doute nécessaire de la paraphraser ainsi : « Quand vous entendez dire du mal des Latinos, dressez l’oreille, on parle des Juifs. »

 

Le nouveau président US n’est peut-être, finalement, qu’un apprenti-sorcier. Mais il a d’ores et déjà libéré et encouragé, aussi bien chez lui qu’ici, des forces qui ne se laisseront pas facilement dompter. C’est dire notre responsabilité pour les empêcher d’accéder au pouvoir en France.

 

Un commentaire

  1. Personne n’envisage ici que les promesses guerrières d’Hilary (si elles les avait tenues) auraient engendrées une explosion de groupes terroristes n’ayant plus rien à perdre? Mieux vaut ne pas se priver de la diplomatie avec la Corée du Nord, la Russie, la Syrie, etc.. Mieux vaut des guerres hypothétiques que certaines (en particulier avec Poutine à nos frontières).