De la vague d’attentats terroristes qui frappa Paris le 13 novembre dernier, faisant 191 morts et 352 blessés, le philosophe Laurent de Sutter retient en particulier, dans son dernier essai, le déclenchement des bombes à proximité du Stade de France, sous la forme de ceintures d’explosifs. Pour qualifier les meurtriers de ces attentats-suicides, l’auteur soutient qu’il faut les appeler « kamikaze », en référence au phénomène des avions-suicides japonais, utilisés pour la première fois en automne 1944 lorsque le vice-amiral Ônishi Takijirô engagea des brigades aériennes à s’écraser, chargées d’explosifs, sur les forces navales américaines. Pourquoi privilégier ce terme, qui associe les mots vent (kaze) et esprit (kami) ?
Laurent De Sutter explique que, de la bataille d’Okinawa au terrorisme actuel, le point commun est la mise en scène de l’opération de destruction, sa dimension spectaculaire. L’objectif est de rendre l’acte à son extrême visibilité. Le kamikaze porterait une dimension esthétique et appartiendrait au régime des apparences. Pour appuyer sa thèse de l’attentat-suicide comme dispositif esthétique, Théorie du kamikaze renvoie aux travaux de Jean Baudrillard consacrés à l’attaque des deux tours du World Trade Center de New York. Baudrillard insistait sur l’impact visuel, le poids des images et la puissance médiatique, comme si l’événement du 11 Septembre était, en tant qu’image et non comme fait brut, un film-catastrophe.
Laurent de Sutter entend prolonger cette analyse, la reprendre pour notre époque. Kamikaze, djihadiste, même fascination morbide pour l’image et le mythe ?
L’entrée du terrorisme dans l’ère de la pyrotechnie spectaculaire, l’image de l’horreur et de la violence telle que la puissance d’impression conduise à la sidération et à la paralysie, ou encore l’attraction obscène pour le tourisme de la ruine, où le pèlerinage d’afflux de visiteurs ne fait plus de Ground Zero un lieu de mémoire et de recueillement, mais un espace de fascination pour la destruction et la mort. La proposition du livre, Théorie du kamikaze, qui fait du kamikaze un flash aveuglant et destructeur dans la médiasphère contemporaine, donne à réfléchir.
La dimension « esthétisée » de la violence est essentielle aux yeux des djihadistes, quand on voit également leur travail de propagande vidéo… Même les terroristes sont entrés dans une ère de la mise en scène perpétuelle, et s’inspirent, sûrement à leur insu, des canons du film catastrophe hollywoodien…
Un pas de plus dans la compréhension du phénomène, j’ai hâte de le lire!
Comment peut- on expliquer cette fascination morbide pour l’horreur?
Par la BFMisation des esprits?
Il y a s’interroger non seulement sur les motivations de ces fous qui se sacrifient, mais aussi sur leur public…
Les arènes du XXI e siècle?
Merci pour votre analyse très intéressante que je vais de ce pas poursuivre avec la lecture de cet essai.
Le but du terrorisme est d’inspirer la terreur au sein d’une société ou d’une communauté. Pour y parvenir, la mise en scène spectaculaire de la mise à mort est le principe de base… Plus l’attentat est visuel, plus il marquera les esprits et instaurera un climat anxiogène.