Une fois n’est pas coutume, parlons, loin de la politique, du débat d’idées, loin de l’Ukraine et des frasques militaro-ubuesques du sieur Poutine, loin des livres amis, parlons, oui, du corps.
Le corps, ce petit monstre de complexité savamment fichu mais pas toujours sympathique, prompt à se dérégler et qui, le traître, nous veut parfois du mal. Mais unique royaume qui nous appartienne en propre. Et sur lequel, figurez-vous, vous avez tout pouvoir. Ou presque. A 85%, vous en êtes le (la) souverain(e) quasi-absolu(e). Peut-être penserez-vous que je galèje ? Que Dame Génétique, le temps qui passe et qui corrompt, les pollutions environnementales, les maladies, les pandémies et leurs cortèges malins ont la haute main sur nous, et que seule ou presque la médecine, et encore, peut parer pour partie ou réparer les innombrables outrages que ces dérangeurs-nés nous infligent à l’occasion ? Vous pensez que le corps, c’est le Destin ? Ah, que n’avez-vous lu le dernier bréviaire de Maître Saldmann, et ses recettes de bon docteur Prévention, qui vous met en direct, page après page, votre santé entre les mains. Vos mains à vous. Car il n’y a pas meilleur médecin pour vous que vous. Vous êtes le (la) premier(e) prescripteur(trice) et premier(e) thérapeute dans cet art millénaire des soins, ici, de soi à soi.
Non, vous n’allez pas, pour ce faire, devoir vous transformer en super-héros de vous-même, suer sang et eau sous mille exercices, endurer mille privations. Vous allez même y prendre un bon et franc plaisir. Auto-producteur(trice) de votre santé, écologue de votre aimable personne, voici ce que vous allez bricoler au jour le jour avec bonheur, grâce à de petits riens basiques, souvent jouissifs, certains aux airs de gentils gags, en faveur de votre corps, cet ami qui vous veut du bien, et qui vous en sera intimement reconnaissant.
D’abord les aliments qui vous veulent du bien. Ceux dont votre corps va bien se nourrir avec bonne conscience, avant le cassoulet toulousain, la choucroute alsacienne et le Paris-Brest, les viennoiseries et autres charcuteries de pays, délices que vous refoulerez grâce à cet antidote calorique radical qu’est leur ingurgitation croissante jour après jour, jusqu’à ce que le dégoût, sous peu, s’empare de vous, et vous octroie six mois de sevrage pleins. Exit la grande bouffe, les bombes caloriques, les pulsions glycémiques. A l’aide supplémentaire, si nécessaire, de la stimulation de votre nerf vague (dit pneumogastrique) qui relie votre tube digestif à votre cerveau, par la méthode de « la grosse bouchée » : vous remplissez votre bouche d’eau tiède trois minutes dès que pointe la tentation de rechuter ; et l’envie et la faim s’évanouissent d’eux-mêmes.
Place désormais aux vrais amis de l’estomac. Pour 30% de calories en moins, 20% de vie en plus, et davantage encore de risques de cancers écartés. Vous chérirez les sardines (sans huile), les brocolis al dente, l’avocat mélangé aux carottes, le thon naturel, de l’ail, des fruits (à commencer par le kiwi et la pomme, discret aphrodisiaque, toujours pelée), sans oublier le piment rouge, les pâtes, les noix, le chocolat noir, le pain complet et la tarte à la cannelle. Le tout arrosé de dix thés verts et de quatre cafés quotidiens (sans sucre, faut-il préciser). Bien entendu, vous cuisez vos mets exclusivement à la vapeur, pour la sauvegarde des nutriments (qu’atomiserait votre micro-ondes). Du sel ? Non, mais du poivre. De la viande ? Non, mais du poisson et ses omégas 3 trois fois la semaine ; ou, au pire, de la viande blanche avec des pommes de terre ou des lentilles, riches en amidon, pour tapisser à l’avance votre malheureux côlon.
Bien entendu aussi, après vous être scrupuleusement lavé(e) les mains, vous buvez un demi-litre d’eau avant les repas, vous laissez filer cinq minutes entre chaque plat, vous ne vous resservez jamais, et vous mastiquez chaque bouchée trente-deux fois, autant que vous avez de dents, parfaitement entretenues, cela va sans dire (changez souvent de brosse à dents). Et une fois par semaine, vous jeûnez du dîner au lendemain midi, sans sustentation matinale. Bien entendu.
Passons à l’entretien de l’homme-machine, comme aurait dit Descartes. « No sport » se vantait Churchill, gros fumeur de cigare et buveur invétéré de whisky, qui mourut à plus d’âge. Sauf que vous n’êtes pas Churchill. 30 minutes d’exercice physique par jour (vélo fixe à domicile, MP3 aux oreilles ; petites haltères ; marche soutenue) : risque de cancer -40%. Si tout cela, néanmoins, vous emmerde, alors au moins fredonnez, chantez (un vrai sport qui mobilise 300 muscles !) sous votre douche (froide, bien sûr) ; et allez danser en boîte les vendredis soirs (l’Acropole, à Massy-Palaiseau, immense et très marrant). Et puis si, décidément, vous ne respectez rien de tout cela, une chose au moins, une seule, ne serait-ce que pour votre tonus hormonal : l’amour, douze fois par mois minimum, accompagné obligatoirement de l’entretien de votre périnée, cette partie intime entre vos attributs génitaux et l’anus, que vous contracterez vingt fois cinq secondes, deux fois par jour sinon trois, contre les descentes d’organe. Vous en direz des nouvelles au bon docteur Saldmann ! C’est beaucoup mieux pour la Chose, hommes et femmes confondus, que le vélo, tout à fait contre-indiqué pour le sexe, même à selle large et haute…Et puis toujours la libido : dormir nu(e) et dans le noir absolu, de préférence en couple, et collés l’un à l’autre. Outre la vitamine C et la vitamine D, voici enfin un truc pour les femmes : gardez vos chaussettes : résultat, paraît-il, garanti… Quant aux hommes : eux, les pieds nus, et qui dépassent des couvertures.
Même chose pour la mémoire : de l’exercice, encore de l’exercice, toujours de l’exercice ! Car le cerveau, à la longue, se rouille. Et la nouveauté est le meilleur carburant pour entretenir vos performances intellectuelles, régénérer vos neurones. Contre la monotonie et les activités répétitives, pour l’augmentation des informations et l’ouverture de nouvelles fenêtres et circuits d’impression dans les zones neuronales, multipliez les stimuli sensoriels, les associations de sens et d’idées spontanées, baroques ou non, les ponctuations mnésiques, les mini-sorties de route, modulez vos habitudes et vos habitus, laissez le hasard vous faire découvrir ce que vous étiez à cent lieues de chercher. Exemple : vous changerez de main chaque jour en vous brossant les dents. Ce sont des préconisations presqu’aussi frustres que cela, mais qui marchent. Et le reste à l’avenant. Changer, inverser, casser les rythmes, acquérir du nouveau, se surprendre, s’octroyer des plaisirs inédits, minuscules ou pas. Quant au stress et l’anxiété, ayez recours à la technique du bol. Vous plaquez vos mains en coquille sur la bouche ; le fait de respirer votre propre gaz carbonique contrarie la respiration hachée et l’hyperventilation que génère une bouffée d’angoisse (cela ne vous prive pas de commencer une analyse, si besoin). Autre menue chose quasi-microscopique, peut-être pas complètement non plus : se gratter. Oui, se gratter. Mais la cheville uniquement. Hormones du plaisir en émoi !
Grands et petits « trucs » parsèment le livre de Saldmann, avec d’autres enjeux plus fondamentaux, délibérément scientifiques dont je vous fais grâce ici. Il est question de télomères et de leur longueur au bout des chromosomes, de neurones miroir. Mais le tout est léger, dérangeant, rassurant. Et puis, il se trouve que je connais deux personnes, dont un ami turc, hier encore énormes, gargantuesques, auxquelles Saldmann a sauvé la vie avec ses recettes, dont une qu’il ne mentionne pas ici : la mort assurée s’ils ne faisaient rien. Alors…
Déjà, arrêtez de fumer, cessez, sauf exception rare, l’alcool. Le reste devrait venir tout seul.
Merci, docteur. Et, plus encore, remerciez-vous vous-même. Puisque vous êtes le(la) thérapeute et le garant premiers de votre saine existence.