Il se nomme Frédéric Saldmann.
Il est médecin. Généraliste, hygiéniste, nutritionniste, cardiologue & altri. Il écrit des livres de santé pour vous et moi.
Le meilleur médicament, c’est vous !, son dernier opus atteint, à ce jour, plus de 600.000 exemplaires. Comme vous probablement, j’ignorais jusque-là que j’étais un médicament, et plus encore le meilleur médicament de moi-même. Maintenant je le sais, j’en suis même convaincu. Fréderic Saldmann est passé par là. Qui est ce diable de médicastre tous azimuts et si persuasif ?
Un médecin contre la médecine ? Un anti-médecin ? Un naturologiste à tous crins ? Ou un médecin de tous arts, adepte autant des médecines douces que de chirurgie dans les règles, un curateur des corps, fils de Hygie, déesse de la santé ?
Tous les dix ans, il est bon, face aux  fracas du monde et aux désordres engendrés dans nos têtes,  de faire une cure d’essentiel, d’en revenir à ces éternels grands esprits, ces grands aînés formidables, simples et fraternels, Montaigne, Molière, Diderot, ces amis du genre humain. Back to basics !
Molière donc. Ce malade non-imaginaire que les médecins de son temps ne surent pas sauver, eût aimé, je crois, notre homme-orchestre aux 600.000 lecteurs. Les médecins, disait-on alors, prennent médecine le jour de leurs noces et, pas fous, s’arrêtent là. Saldmann, lui, prend médecine chaque jour de son existence bien réglée, et nous engage à faire de même, pour peu que nous le suivions. Mais pas n’importe quelle médecine, on le verra plus loin. Pas celle dont Molière fit le procès sans appel dans Le Malade imaginaire et dont il va ici vous régaler lui-même.
Petite information préalable à cette lecture moliéresque, pour une juste actualisation des choses. A l’époque de Molière, les grands laboratoires pharmaceutiques et leurs nouveaux médicaments-miracle jetés chaque jour sur le marché, n’existaient pas… Il n’y avait que des médecins. Soi-disant tels.
Donc Argan est un malade imaginaire, un parfait hypocondriaque, aubaine fort rémunératrice pour tous les Diafoirus qui se bousculent à son chevet.
« Plus, du vingt-quatrième, un petit clystère insinuatif, préparatif et émollient, pour amollir, humecter et rafraîchir les entrailles de Monsieur », lui prescrit l’un.
« Plus un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rose et autre, pour balayer, laver et nettoyer le bas-ventre de Monsieur », lui prescrit un autre.
« Plus, le soir, un julep hépatique, soporatif et somnifère, composé pour faire dormir Monsieur » surenchérit un troisième.
« Plus du vingt-cinquième, une bonne médecine purgative et corroborative, composée de casse récente avec séné levantin, pour expulser et évacuer la bile de Monsieur », lui dit un quatrième.
Sacré Molière ! On croirait presqu’entendre la petite musique quotidienne de nos Grands Labo modernes.
Chaque prescription au Malade imaginaire lui coûte trente sols, dix sols, vingt sols. Argan se ruine à se faire soigner de maladies qui n’existent pas par des médecins non moins imaginaires que lui. Cela ne vous évoque-t-il pas quelque chose de fort actuel, la sur-consommation en médicaments et en santé des Français, les visites à répétition chez le médecin pour un rien, et, in fine, le déficit de la Sécurité sociale ?
Frédéric Saldmann revient certes moins cher. Son Meilleur médicament, contre la somme de 18,90 euros, vous fera faire quantité d’économie, médecins, pharmaciens, labos, voire cliniques et hôpitaux, marchands de tabac et de vins. (Nombreux chômeurs supplémentaires en perspective. Merci, Frédéric Saldmann…)
Argan, plus « malade » que jamais, fait ses comptes.
« Si bien donc que, de ce mois, j’ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines, et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements. L’autre mois, il y avait douze médecines et vingt lavements.  Je ne m’étonne pas si je ne me porte pas si bien ce mois-ci que l’autre. »
Heureusement pour sa santé – que ses médecins s’acharnent, jour après jour, à mettre à mal, le Malade imaginaire a un frère. « Que faire donc quand on est malade ? », lui demande Argan en désespoir de cause. « Rien, mon frère », lui répond celui-ci. « Rien ? »
« Rien, il ne faut que demeurer en repos. La nature d’elle-même, quand nous la laissons faire, se tire du désordre où elle est tombée. C’est notre inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout, et presque tous les hommes meurent de leurs remèdes et non de leur maladie. »
Plus loin encore : « Lorsqu’un médecin vous parle d’aider, de secourir, de soulager la nature, de lui ôter ce qui lui nuit et lui donner ce qui lui manque, de la remettre dans une pleine facilité de ses fonctions, lorsqu’il vous parle de rectifier le sang, de tempérer les entrailles et le cerveau, de dégonfler la rate, de raccommoder la poitrine, de réparer le foie, de fortifier le cœur, de rétablir et conserver la chaleur naturelle et d’avoir des secrets pour étendre la vie à de longues années, il vous dit justement le roman de la médecine. Mais quand vous venez à la vérité et à l’espérance, vous ne trouvez rien de tout cela. »
Plus loin encore : « Songez que les principes de votre vie sont en vous-même, et que le courroux de Monsieur Purgon est aussi peu capable de vous faire mourir que ses remèdes de vous faire vivre. »
Molière conclut sa pièce, qui fut la dernière – il subit une attaque en scène en jouant le Malade imaginaire lui-même, malade imaginaire qu’il n’était, hélas, pas lui-même – en parlant de nous guérir de « la maladie des médecins. »
Le Malade imaginaire terminé, je me suis souvenu du Docteur Knock, la comédie de Jules Romains qu’immortalisa Jouvet, et de sa célébrissime maxime : « Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent. » Maxime que Knock complète un peu plus tard par ce définitif : « Malgré toutes les tentations contraires, nous devons travailler à la conservation du malade. » Il ne s’agit nullement, cela va sans dire, de la survie de ses patients, mais d’eux en tant qu’éternels malades et clientèle à jamais captive.
Saldmann, tout médecin, Ô combien, qu’il soit,  est un anti-Diafoirus doublé d’un anti-docteur Knock.
Il n’est certes pas de ces naturopathes qui, peu ou prou, minorent, voire nient les maladies. Mais, à ses yeux, les gens, seraient-ils de santé fragile ou défaillante, sont d’abord des bien-portants qui s’ignorent.
Le praticien qu’il est s’intéresse en priorité à notre bonne santé plutôt qu’à nos maladies. Sa philosophie de la santé, et plus encore sa pratique, repose sur l’action auto-curative de nos corps, pour peu que nous leur facilitions la tâche par une vie saine, faite de préventions simples, d’exercices simples et non moins constants, une hygiène basique de tous les jours, une alimentation bien construite et quelques joies du corps sans tempérance.
Dressons-en ici la short list. Ce qu’il ne faut pas faire, tout d’abord ; ce qu’il faut bannir.
Rien, sur ce chapitre, de vraiment nouveau sous le soleil : ne pas fumer, ne pas boire, ne pas sucrer, ne pas saler, ne pas manger de viande rouge, de fromage, d’œufs. Mais, guidé(e) par notre auteur, vous saurez comment diminuer en douceur puis vous sevrer de vos mauvaises habitudes, vous libérer  de vos dépendances et de vos mauvaises graisses.
Voici, à l’inverse, ce qu’il vous faut faire absolument. Du sport ou de la gymnastique une petite heure par jour, plus quinze minutes de méditation, si possible ;  grimpez vos escaliers à pied quatre à quatre (je plaisante) ; mangez du chocolat noir et des sardines (Omega 3), du blanc d’œuf, du poisson, des céréales, des fruits ; buvez 1,5 litre d’eau par jour, du jus de cerise en quantité ; mangez des pistaches et des grenades (pour une bonne érection) ; faites douze fois au moins l’amour par mois ; déféquer accroupi et non assis ; ne partagez pas votre serviette éponge avec vos proches, changez de brosse à dent chaque mois pour les bactéries ; faites deux choses en même temps, main droite main gauche, pour une bonne gymnastique du cerveau et éviter l’Alzheimer. Et, last but not least,  lavez les mains en permanence, lavez-vous de haut en bas, dormez du bon côté, c’est-à-dire le gauche. Puis, tant qu’à faire, jeûnez vingt-quatre heures, de temps à autre.
Tout cela diminue cancers, arrêts cardiaques (50.000 décès par an), attaques, AVC, maladies cardio-vasculaires, Alzheimer, maladies neuro-végétatives, de 40%.
Le livre fourmille de mille et uns conseils pratiques, aussi sérieux et fondés scientifiquement qu’évidents.
Mais tout ceci n’explique le phénoménal succès du livre, qui, il est vrai, venait à son heure, après les divers scandales, pilule d’amaigrissement et autres  médicaments qui tuent. Le bonhomme Saldmann y est aussi pour beaucoup. Il est d’abord un exceptionnel vulgarisateur, chose rare chez les scientifiques, dont il est. Une idée médicale, pour être bien comprise, doit s’énoncer clairement. Et puis, cet homme sourit. Il explique avec et par le sourire. Ses discours de persuasion sont des discours de sympathie, pas d’autorité, encore moins de culpabilisation. En sus, il est un esprit curieux de tout, à commencer dans sa, ses disciplines. Les scientifiques, les universitaires se cantonnent trop souvent dans leur domaine de référence, seul terrain noble à leurs yeux, s’échangent entre pairs leurs savoirs. Frédéric Saldmann, lui, navigue en vigie sur Internet, avec une curiosité d’enfant connectée à de la vraie science, et fait aliment de tout. Même chose pour ses avis. Ce sont les siens, et bien à lui. Les scientifiques purs et durs partagent les avis communs de leur milieu, reprennent  l’avis collectif dominant, en quelque sorte se plient à l’avis des autres. Saldmann est un outsider intuitif, doté d’une intuition quasi-animale et d’une indépendance d’esprit qui lui font détecter là où il faut ou ne faut pas aller, les bonnes et mauvaises pistes, et Dieu sait si elles sont nombreuses dans le domaine de la santé.
Cet  homme a compris son époque, une époque troublée, où la santé est un impératif mis à toutes sauces, soumis à toutes les influences. Son savoir, son sourire, un côté juvénile et espiègle, à l’opposé des grandeurs mandarinales, son empathie et la confiance qu’il inspire, ont fait qu’il tient désormais consultation publique pour 600.000 personnes dans sa salle d’attente de papier. A ces centaines de milliers de gens en quête de bonne santé, il dit tout de go ceci : le premier praticien, c’est vous. Vous pouvez au moins soigner, ou réguler une ou deux choses en vous, régler un ou deux dysfonctionnements majeurs. Et cela est déjà beaucoup.
Il a été entendu. Et cela, est, de nouveau, beaucoup.