Il y a un an, une centaine de personnes avaient trouvé la mort lors de ce qu’on a appelé « la révolution de la dignité ». Après des mois de blocage au Maïdan (la place de l’indépendance de Kiev), ce triste événement a précipité la chute de Viktor Ianoukovitch.
Le triomphe de la révolution ukrainienne a été fêté vendredi au Maïdan et samedi à l’Opéra National de Kiev. Les autorités du pays ont choisi Bernard-Henri Lévy et sa pièce, Hôtel Europe, pour constituer le pic de la célébration. La soirée était gratuite, grâce à la générosité de deux sponsors, la Fondation Victor Pinchuk et la Fondation André Lévy. En sorte qu’à partir de 19h, un flot d’Ukrainiens ont commencé d’entrer dans le théâtre construit 1867.
Le public était constitué d’officiels et de simples citoyens. De soldats de retour de Debaltsevo et de réservistes de Marioupol. D’habitués de l’Opéra et d’autres qui n’y étaient jamais venus. Il y avait surtout, tassés jusqu’au dernier balcon, ces jeunes du Maïdan que Bernard-Henri Lévy a rencontrés lors de sa première visite à Kiev et de sa première allocation sur la place en février 2014, aux heures les plus sombres de l’événement.
Seul en scène, il a joué lui-même le texte que les lecteurs de La Règle du Jeu connaissent bien puisqu’il fut à l’affiche du Théâtre de l’Atelier, avec Jacques Weber, à Paris, entre septembre et novembre dernier. C’était le même texte. Mais, à la façon de Meyerhold, introduisant, chaque soir, dans ses représentations de 1917, ce qu’il appelait « les nouvelles du Front », Bernard-Henri Lévy avait injecté dans son texte les plus récentes et dramatiques nouvelles venues du front ukrainien. La salle applaudissait aux mots de Kramatorsk, Debaltsevo, Marioupol, Odessa. Elle s’est déchaînée quand Bernard-Henri Lévy a évoqué l’affaire des Mistral ou la figure de Nadia Savchenko, cette jeune pilote ukrainienne emprisonnée à Moscou et qui est devenue une sorte de Jeanne d’Arc du pays. A la fin du spectacle, la salle a fait à l’auteur une longue ovation debout avant de voir Petro Porochenko monter sur scène et rendre au directeur de La Règle du Jeu un vibrant hommage. Celui-ci a repris la parole à son tour pour remercier l’équipe de l’Opéra de Kiev, évoquer la mémoire de son père, remercier son ami Victor Pinchuk pour son amical soutien et, surtout, rendre hommage à celui qu’il a vu récemment sur le terrain, en première ligne, à Kramatorsk et dont il a dit qu’il était définitivement entré, à ses yeux, dans la petite cohorte de ceux qui font « la guerre sans l’aimer ».