Ce mercredi 11 février, deux femmes incarnant les combattants kurdes de Syrie ont pris une initiative historique : en visite à Paris depuis quelques jours pour célébrer la victoire à Kobané contre l’Etat islamique, Nassrin Abdalla, commandante à Kobané même des YPJ (Unités féminines de protection) et Asya Abdellah, co-présidente du PYD (Parti de l’union démocratique) sont allées rendre hommage aux victimes des terroristes islamistes en se rendant dans les locaux de Charlie Hebdo puis à l’Hyper Cacher. Elles étaient accompagnées d’une importante délégation de responsables kurdes appartenant au même courant politique. Il s’agit là d’un geste sans précédent, à double titre. Tout d’abord parce que pour la première fois un mouvement constituant une force majeure au Moyen-Orient, une force dont, faut-il le rappeler, les militants sont de culture musulmane, affirme ainsi clairement sa défense de la libre expression de la presse, y compris si celle-ci «blasphème» à l’égard de l’islam. Ensuite parce que ce même mouvement s’engage avec éclat aux côtés des Juifs tombés sous le feu des tueurs antisémites.
La dimension de la démarche accomplie par les deux dirigeantes kurdes est historique pour une autre raison encore : on sait en effet que le PYD, qui encadre les forces des YPJ, est l’organisation sœur du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), principale formation des Kurdes de Turquie. Or le PKK reste inscrit par les Etats-Unis et l’Union européenne sur la liste des organisations terroristes. En allant dans les locaux de Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher, le PYD et donc le PKK témoignent de leur reconnaissance des valeurs universelles que sont les droits de l’homme.
«Ceux qui ont assassiné à Paris ont la même mentalité que ceux qui ont attaqué Kobané et la zone kurde syrienne, le Rojava», a déclaré la délégation. Les responsables du combat des Kurdes de Syrie parlent sans détour, pas de «Je suis Charlie, mais», pas d’échappatoires hypocrites qui, au nom du fameux «pas d’amalgame», évitent de nommer précisément la menace : le terrorisme islamiste. Ils connaissent malheureusement trop bien le danger mortel que constitue l’Islam politique, sous la bannière duquel des hordes de fanatiques se sont lancés dans une épuration ethnique et religieuse qui a déjà fait des milliers de morts et des centaines de milliers d’exilés contraints de quitter l’Irak et la Syrie. De même, ces combattants kurdes savent-ils parfaitement ce qu’ils doivent, dans le combat victorieux à Kobané contre Daech, à l’intervention aérienne de la Coalition, et plus précisément à l’aide américaine et européenne.
Une puissance nouvelle est en train de changer la donne au Moyen-Orient : les Kurdes ouvrent la voie vers la démocratie dans une région sinistrée par les dictatures nationalistes et islamistes. Aux Occidentaux de reconnaître explicitement le PKK et le PYD comme des alliés. Des alliés qui ont proclamé dans une démarche à la symbolique puissante leur soutien à liberté d’expression et au rejet de l’antisémitisme. Ils donnent un exemple précieux dans une partie du monde gangrenée par l’obscurantisme religieux et la haine des Juifs.

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