C’est une question qui m’est sans cesse posée lors de premières rencontres en France : “de quelle origine êtes-vous ?”
Parfois formulée telle quelle, parfois suggérée avec plus ou moins de délicatesse, cette question, rarement mal intentionnée, renvoie à un trait évident de mon identité : mon apparence asiatique l’emporte souvent sur mon Français parlé sans accent et suggère que je viendrais d’ailleurs.
Parfois je m’en amuse gentiment et taquine mon interlocuteur en feignant d’ignorer le sens de sa question. Je réponds alors : “de Paris, 10ème arrondissement.”
Car je suis né à Paris. J’y ai grandi, étudié, travaillé sans interruption ou presque jusqu’à mes trente-cinq ans. Mais ça n’est évidemment pas de cette origine là dont il est question dans l’esprit de la plupart de ceux qui m’interrogent, mais de celle de mes ancêtres. Et lorsque je ne fais pas semblant de ne pas saisir la question, je réponds que je suis d’origine coréenne.
J’ai découvert la Corée au travers des deux seuls Coréens qui ont accompagné mon enfance et ma jeunesse de Parisien : mes parents, qui s’installèrent une vingtaine d’années en France pour raisons professionnelles et qui tout en m’incitant à devenir un Français parmi d’autres, me transmirent ce qui constitua l’essence d’une autre identité culturelle : leur langue, leurs saveurs, un ensemble de valeurs qu’ils revendiquaient et me ressassaient sans cesse. Et lorsqu’à l’âge de onze ans, je foulai pour la première fois le sol coréen, je m’y sentais à la fois dépaysé et chez moi.
Vingt-cinq ans plus tard, la Corée ne m’était plus aussi dépaysante : j’y avais vécu deux années de mon enfance, j’y étais retourné par la suite, pour les vacances, puis lors de déplacements professionnels. Mais je décidai qu’il m’en fallait plus et en novembre 2010, je m’installai en Corée pour de bon.
C’est cette immersion d’un Franco-Coréen en Corée que j’ai chroniquée pendant trois ans et demi sur mon blog “La gazette de Séoul”, et dont j’ai rassemblé, puis remanié ici les billets, en les actualisant lorsque nécessaire. Ce recueil n’a la prétention d’être ni un “que sais-je ?” exhaustif sur la Corée, ni “les aventures de son auteur en Corée”. Plutôt un regard averti, affectueux, respectueux et critique sur la Corée d’un Français qui, lorsqu’il vivait à Paris, se sentait un peu Coréen.
Cette initiative me paraissait intéressante à l’époque où j’entamai mon blog, tant le lien entre les deux pays me paraissait improbable : vu de France, la Corée n’était souvent qu’une petite péninsule lointaine à laquelle il n’était pas urgent de s’intéresser tellement il existait d’autres lieux plus dignes d’intérêt, à commencer par ses trois grands voisins que sont la Chine, le Japon et la Russie.
Aujourd’hui, la Corée n’est plus aussi inconnue. Il ne se passe plus un mois sans qu’un reportage télé ne se penche sur l’obsession des Coréennes pour la chirurgie esthétique, ou qu’un internaute ne clique, avec des milliards d’autres, sur un clip vidéo d’une star de “K-pop”.
Mais c’est la Corée qui passe au travers des mailles des médias, celle dont on fait l’expérience en y vivant, qu’il m’a paru intéressant de chroniquer. Celle des Coréens qui ne sont ni particulièrement connus, ni particulièrement refaits ; qui se lèvent chaque matin et vont travailler ; qui élèvent leurs enfants, les éduquent, les marient ; qui voient leurs proches naître, grandir, aimer et mourir.
Bref, c’est la Corée des Coréens qui vivent comme vous et moi que j’ai souhaité chroniquer, et au travers de l’expérience desquels nous avons peut-être quelque chose à partager, voire à apprendre.

Un commentaire

  1. Bonjour,
    Je suis content d’avoir « découvert » la suite de « La gazette de Seoul », que je visitais régulierement dans l’attente d’un nouvel article.
    Merci pour cet éclairage sur la Corée !
    Dans l’attente d’un prochain article.