Si 2013 fut placée sous le signe d’Albert Camus, lui qui, né en 1913, aimait le soleil, l’amour, la vie, refusant le cynisme, invitant à la solidarité des hommes, si 2014 s’achève d’un côté par l’hommage à Jacques Derrida, disparu il y a dix ans, dont les idées d’hospitalité, de différence, de témoignage continuent de nous habiter,  et, de l’autre, par la célébration de Michel Foucault, trente ans après sa mort brutale, lui dont la réflexion sur l’esthétique de l’existence nous aide à comprendre une époque d’incertitude et de surinformation, que nous réserve 2015 ? La pensée française, à travers trois de ses plus grands intellectuels sera à nouveau à l’honneur dans les mois à venir.
Le centenaire de la naissance de Roland Barthes donnera lieu, de mai à juillet, à une exposition rétrospective à la Bibliothèque Nationale de France : la Galerie des donateurs dévoilera le manuscrit original des Fragments d’un discours amoureux et présentera des archives photographiques dans une scénographie originale. Trois biographies (signées Marie Gil, Louis-Jean Calvet et la plus récente, celle de Tiphaine Samoyault) permettront de redécouvrir la vie de celui qui fut tout à la fois un théoricien du langage et de la littérature, et un écrivain essentiel de la seconde moitié du XXe siècle. Philippe Sollers, qui reviendra sur des liens de fidélité à toute épreuve, nous fait attendre avec impatience L’Amitié de Roland Barthes, qui sortira à l’automne prochain… Alors que le récent Deleuze, les mouvements aberrants de David Lapoujade abordait déjà l’ébullition conceptuelle du philosophe, à travers l’éclosion des multiplicités nomades, ritournelles cosmiques ou autres machines de guerre, 2015 commémorera les vingt ans de sa disparition, notamment avec Deleuze Musique, sous la direction de Pascale Criton et Jean-Marc Chouvel : nouvelle occasion d’aborder le flux du désir, la différence et la répétition, à travers les motifs du rythme, du son et du territoire… Enfin, Louis Althusser, célèbre caïman en philosophie des années 1960, sera au cœur d’une riche actualité en ce début d’année 2015 : ses livres les plus importants, le recueil Pour Marx et le collectif Lire le Capital, fêteront leur cinquante ans, et deux inédits à paraître au printemps, Des rêves d’angoisse sans fin et Être marxiste en philosophie accompagneront cette commémoration.
Après Camus, Foucault et Derrida, voici donc Barthes, Deleuze et Althusser. Qui dit que la France n’a pas des raisons d’espérer et d’être fière ? Un peu en avance, méditons pour finir le slogan choisi pour le prochain et dix-septième Printemps des poètes (7-22 mars 2015), repris à Vladimir Maïakovski, « Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent ».