Jean-Marc Mormeck est mon ami. Mais plus qu’un ami d’esprit et d’action, il incarne l’image vivante que je voudrais avoir en ces temps de fatigue de la France, d’un pays fraternel où l’espoir demeure, où l’esprit et le goût du combat inspirent de nouvelles énergies, où tout reste ouvert pour qui, face à l’adversité, se bat pour inventer meilleur avenir.
Ce soir fatal du 5 décembre, au Palais des Sports d’Issy les Moulineaux, Mormeck, à quarante-deux ans, a livré son dernier combat de lourd léger, contre un adversaire supérieur, de quinze années son cadet, le Polonais Masternak. Ce pugiliste grandiose s’est incliné devant la force des choses, avec un panache sans faille qui a bouleversé le public. Il a conclu sa carrière et fait ses adieux à ses admirateurs et tous ceux qui le découvraient ce soir-là, nu dans sa pauvre gloire éclatante, avec une égalité d’âme qui signe les vrais gentlemen du ring. Il en sera demain une des légendes, à l’égal de ses pairs les plus titrés des deux côtés de l’Atlantique.
Plus que jamais, il était, lors de ces dix rounds fatidiques, le drapeau mouillé de sueur de tous ces gosses de banlieue  dont il partagea le sort et qui ont vu en lui, vingt ans durant, l’exemple souffrant et triomphant de l’acharnement à démentir  toutes les fatalités, sociales et autres. De lui, tout au long de ses duels sans merci et sans nombre, ils ont appris qu’un adversaire se respecte, qu’on ne siffle pas son hymne, qu’on l’applaudit, serait-il votre vainqueur, qu’être le plus fort aux poings ne vaut qu’au prix d’un beau jeu mené dans les règles du noble art qu’est la boxe, et non ce pugilat sans loi de la violence aveugle.
J’ai été fier de chanter côte à côte avec lui La Marseillaise d’avant match. Homme du peuple, venu du peuple,  frère et Grand Frère des déshérités, champion droit et tranquille, bien des Français, quelle que soit leur origine, la couleur de leur peau, qu’ils aiment la boxe ou l’ignorent, peuvent  s’honorer de compter Jean-Marc Mormeck parmi eux.