Qui parlera du volume que Gilbert Merlio et Daniel Meyer, deux éminents spécialistes de la philosophie allemande du 20e siècle, consacrent à Oswald Spengler (1880-1936), Spengler ohne Ende [1] (Spengler sans fin), sur le phénomène que pose sa réception dans le contexte international ? Ce livre fait suite à un colloque tenu à la Maison Heinrich Heine en 2011, qui paraît aujourd’hui en Suisse. Même si ce volume est d’abord pensé pour les germanophones, car il est composé à un peu plus de 80% de textes dits puis écrits dans la langue de Goethe et Spengler, il intéresse aussi les francophones, déjà parce que le colloque a eu lieu en France, puis parce que nombre de Français ont été marqués dans l’entre-deux guerres par Le déclin de l’Occident – Des Untergang des Abendlandes, publié en deux volumes : le premier en 1918, qui connut une version définitive en 1923, le second en 1922. Il a obtenu un immense succès. Même si Spengler publia plusieurs livres, on peut dire qu’il fut l’auteur d’un livre unique, traduit jusqu’au Japon, où il parut en 1926, livre republié en 1971, 1976, 1989, 2001 et 2007 aux éditions Sakurai shoten et en 1967 par Hayashi shoten. On lira avec intérêt l’analyse qu’en donne en français justement Eddy Dufourmont dans l’ouvrage (p. 205-215).
Oswald Spengler va s’attaquer à la démocratie à partir des années 1920, comme au socialisme et au marxisme. L’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, loin de lui assurer une reconnaissance, lui vaut au contraire de la part des nazis une accusation de « pessimisme systématique », comme le souligne Alain Pons (cf. Encyclopaedia Universalis, Paris, 1992, p. 21, 474-475).
La plus célèbre thèse du philosophe allemand — qui lui valut en France, après sa mort, la critique la plus vive de Malraux, depuis ses premiers livres sur l’art, La Psychologie de l’art (1948-1950) « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.2]. »
Il reste qu’au bout du compte, pour Malraux, la métamorphose reste la seule voie concevable à l’avenir de l’humanité, car ce par quoi une civilisation se survit par-dessus tout, son art, sa culture, mais aussi son rapport au spirituel, — mais non par son économie ni ses choix politiques — ne traversent le temps qu’à travers une Métamorphose.
Il est indéniable que Malraux permet de penser autrement Spengler.