C’est le débat le plus absurde du moment.
Je résume.
Un nombre grandissant d’autorités spirituelles se décident enfin à condamner, du Caire à Riyad et Jakarta, les crimes d’un islamisme pour lequel elles ont eu, jusqu’ici, bien des indulgences.
Un mouvement naît à Londres où des milliers de gens clament, sur la Toile, leur refus de voir les meurtres, les décapitations en série, les appels à la guerre sainte lancés depuis l’Irak, se perpétrer en leur nom.
Le mouvement s’étend à la France où l’imam de Drancy, Chalghoumi, puis d’autres, puis Dalil Boubakeur, trouvent les mots pour dire l’horreur que leur inspire l’assassinat, dans les montagnes de Kabylie, d’Hervé Gourdel et invitent les fidèles à descendre dans la rue pour dire, eux aussi, leur dégoût et leur colère.
Et voilà un quarteron de petits esprits qui, au lieu d’applaudir, au lieu de se féliciter de ce signe d’unité nationale face au pire et au lieu d’admirer, surtout, le courage de ces manifestants qui savent que brandir le portrait d’un « sale Français » fait d’eux, aux yeux de l’Etat islamique, des traîtres, des apostats et des assassinés en puissance, ne trouvent qu’une chose à dire : « manipulés… culpabilisés… requis de s’excuser d’un forfait qui leur est étranger… ces gens, en manifestant leur fraternité, n’ont fait, en réalité, qu’obtempérer à une sommation et confirmer la suspicion dont ils étaient l’objet… »
On passera sur le mépris.
On passera sur le fait qu’il se trouve encore des éditorialistes « de gauche » pour ne voir leurs concitoyens d’ascendance arabe, berbère et, en tout cas, musulmane que comme d’éternelles victimes, objets de l’Histoire jamais sujets, incapables de produire un discours qui leur soit propre, aliénés.
Et l’on n’insistera pas sur l’« humour » de ceux qui, sur un site décidément mal inspiré, osèrent comparer les lecteurs du Coran rejetant l’interprétation mortifère qu’en font les émules d’Al-Baghdadi aux porteurs de prothèses se démarquant, sic, d’Oscar Pistorius, aux Martiens se dissociant de Jacques Cheminade ou aux femmes se désolidarisant, re-sic, de Nabilla…
La vérité est que nul n’a parlé de « se désolidariser » de qui que ce soit.
La vérité est que, sauf au Front national, l’on n’a entendu nulle part que les musulmans de France seraient des « suspects » ayant à montrer « patte blanche ».
Mais la vérité c’est que l’islam lui-même, cet islam dont se réclament les tueurs de Mossoul non moins que les imams de Lyon ou de Paris, cet islam dont Daech s’est fait, qu’on le veuille ou non, un étendard sanglant, est devenu un lieu de débat, que dis-je ? un champ de bataille – et que, de cette bataille, les musulmans eux-mêmes sont les arbitres premiers.
Islam contre islam.
Guerre d’appropriation autour des noms de l’islam.
Lutte idéologique, interne donc à l’islam, entre ceux pour qui « djihad » par exemple est un commandement spirituel et ceux qui l’entendent comme un appel au meurtre et à la guerre sainte.
Prenons n’importe lequel de ces jeunes que des prêcheurs improvisés invitent à rejoindre le millier de leurs concitoyens déjà partis pour la Syrie et l’Irak.
Imaginons-le tenté par ce groupe en fusion djihadiste qu’il voit se former dans sa cité ou sur les pages Facebook qui recrutent sur le Net et lui serinent qu’être musulman c’est faire la chasse aux juifs, aux chrétiens, aux yazidis et aux chiites.
Eh bien, il est capital qu’il entende de vrais imams, vraiment lettrés, lui dire que le Coran ce n’est pas cela.
Il est décisif qu’il ait l’image d’autres groupes témoignant, tel celui rassemblé, vendredi dernier, devant la Grande Mosquée de Paris, que l’islam est une religion de fraternité et de paix.
Il est essentiel qu’à l’idée de l’islam prônée par la nouvelle secte des assassins et dont le nombre des adeptes ne fait, pour l’heure, que croître s’oppose une autre idée, portée par des voix plus puissantes et, fortes de cette puissance, aptes à battre en brèche, à rejeter dans les limbes et à déconsidérer les tenants de la première.
Dire cela n’est pas faire injure aux musulmans, c’est leur faire gloire.
Ce n’est pas s’en défier, c’est croire en leurs forces vives et en leur capacité à défendre la République.
Ce n’est pas faire du communautarisme, c’est faire, ou refaire, de la politique – mais attention ! la vraie, celle qui disjoint autant qu’elle rassemble, celle qui trace des lignes de démarcation au sein de formations idéologiques dont nos bons maîtres nous enseignaient qu’on a toujours raison d’y faire passer le bon fil à séparer les deux éternels partis de l’inhumanité et du vivre-ensemble.
L’occasion est là de traiter enfin, et à fond, cette maladie de l’islam dont parle Abdelwahab Meddeb depuis vingt ans.
Ces tragédies en chaîne, ce climat d’apocalypse suspendue, ce grand cyclone planétaire où tournoient – entre autres – quelques-uns des mots de l’islam, peut-être tout cela sera-t-il, pour ceux qui tiennent à ces mots comme à leur foi la plus intime, le point de départ d’une longue et belle marche au terme de laquelle la troisième religion du Livre rompra, elle aussi, avec la part obscure d’elle-même.
Puissent les musulmans de France ne pas rater ce rendez-vous.
Puissent les irresponsables qui les invitent à rester chez eux ne pas les désarmer à la veille de ce combat qu’ils attendent depuis si longtemps.
Nous sommes tous embarqués. Mais eux sont en première ligne – il faut qu’ils gagnent.
L’honneur des musulmans, suite
par Bernard-Henri Lévy
30 septembre 2014
Lutte idéologique et guerre d’appropriation autour des noms de l’islam.
Nous gagnerons Monsieur Levy, car l’islam ce n’est pas cela quitte a marcher sur le corps de ces djihadistes, je triompherais, car cette bête qui défigure mon image n’est pas mienne et nous serons assez forts pour ôter ce masque de gorgone qui nous enlaidit et pire nous rend malheureux, car oui, je suis malheureux… Car « N’est-il vrai que, nous autres hommes, désirons tous être heureux » comme le disait Platon ?
L’islamophobie ce serait choisir de se taire. Les Américains ne connaissent pas l’islam. Ou bien ils l’enlaidissent, ou alors, il faut qu’ils nous l’embellissent. En l’occurrence, le véritable néocolonialiste n’imagine pas le monde arabo-musulman, trop faible et trop fragile mais surtout, incapable de développer des stratégies politiques et militaires d’envergure, il ne se l’imagine pas, ce sanctuaire d’impuissance pacifique, cet éternel indigène des colonies privé de souveraineté, doué d’une quelconque forme d’impérialisme. Ce n’est pas avec des Ben Affleck qu’on fait Vatican II. Or, voyez-vous, les musulmans ont droit, eux aussi, aux lumières de Rushdie.
L’honneur des Chalgoumi, ces éclaireurs conscients et soucieux de ce qui les précède, c’est de sauver l’honneur des hommes. Je les entends déjà. Je les entends encore, leurs faux Frères musulmans, je peux distinctement les voir donner ordre à leurs troupes de laisser faire, de laisser vaquer à ses basses préoccupations l’esprit corrupteur des partisans du dialogue interreligieux. Ils misent sur une intégration facilitée, ouvrant la voie à une immigration en hausse, offrant l’avantage d’un rapport de forces inversé une fois achevée la radicalisation des âmes qui, sujettes à moult tentations, auront, bon gré mal gré, maintenu sous le Dôme un pied au plancher. Ce qu’ils ne captent pas là-haut, les ennemis de nos libertés fondamentales, c’est que 99% des hommes, une fois qu’ils y ont goûté, s’engouffrent dans le World Trade Center afin d’en ressortir vivants, avec autant de vies qu’ils auront pu arracher à un sacrifice qui n’était pas le leur. Ces hommes se découvrent les gardiens d’un mode de vie dont ils participent de la conception qui, avec l’énergie d’un réflexe rotulien, les pousse, à tout instant, à se positionner en tant que les irréductibles adversaires d’une idéologie antiterrestre qu’ils ont eu l’occasion de juger sur pièces, et qui s’avère immonde. Les frères musulmans des infidèles de France en sont là. Malheureusement, il y a parfois un monde entre la France et le monde.
Abdallah II nous le rappelait, le 24 septembre dernier, devant l’Assemblée générale des Nations (unies dans l’objectif commun de réprimer leurs propres inhumanités), «les Arabes chrétiens représentent une part essentielle du passé, du présent et de l’avenir de la région». C’est donc jusqu’aux pays arabes les plus proches d’Israël que va la phobie du mot «juif», enfin proche… à l’évidence moins proche que des cinquante-six autres États membres d’une Organisation de la coopération islamique que j’ai bien failli confondre avec l’Organisation communiste internationale, cette OCI exhortant le président de la coalition Pluie de roquettes à mettre en œuvre son plan d’adhésion à la CPI en vue de poursuivre Israël pour génocide. Et le concept du dhimmi de se couper d’une bonne moitié de lui-même sur le bout de la langue du monarque hachémite. Nous revoilà éliminés, les juifs! condamnés à errer, non pas de par le monde, mais hors-monde! à l’intérieur des territoires préoccupés par d’autres questionnements! arrachés du bloc de sagesse dans lequel se sont imbriqués un à un les gens du Livre! Comment donc? à quel «livre» faites-vous allusion?
C’est là une différence de taille entre islam et chrétienté que, d’un côté, l’on s’accroche à la réécriture de l’Histoire quand, de l’autre côté, se poursuivent sans relâche et la lecture et l’étude d’une histoire subjective, contradictoire, involutive et conservée sous forme de canon. Apprenons à prendre notre mal en patience. «Les» musulmans, nous dit le roi de Jordanie, sont appelés à favoriser, en terre d’islam, la concorde entre l’Oumma et ses indigènes chrétiens, mais aussi entre l’Oumma et les peuples des pays voisins. Ayant fait quelques progrès dans l’effort de conquête verticale dont démontra Iéshoua‘ en se laissant clouer les ailes, et non le bec, par les prédécesseurs de Constantin Ier, celles-ci «leur» enseigneront de quelle façon le «peuple» juif, depuis les temps anciens, a su se faire respecter. Trop de Juifs ont renoncé à guérir l’islam d’un antisémitisme qui lui serait consubstantiel. L’islam doit rapidement rattraper son retard dans le domaine, un tantinet blasphématoire mais la frontière est mince entre métaphysique et surréalisme, de l’épistémologie du monothéisme. Le musulman moderne lira dans le texte ce qui s’est dit avant qu’il ne prenne la parole. Il effectuera une étude simultanéiste des paroles révélées. Il appréciera le travail de rumination qui fut le sien. Il fera ce distinguo franc et courtois, libérateur et appétant que nul n’escomptait plus entre ce que les scribes ont ingurgité et ce qu’ils ont régurgité dans le champ des autres. Il n’en reviendra pas sans s’être prémuni d’une connaissance accrue en ce qui concerne la pensée proto-islamique, cet islam qui réagençait à sa sauce des noms et symboles dont il lui faudrait un jour authentifier les sources. Tout ce travail l’aidera à reconsidérer son point de vue sur les Antiquités arabes où il ne trouvera pas traces des notions de Jérusalem céleste ou de Jérusalem terrestre, pas davantage d’ailleurs qu’il n’y pourra dépoussiérer, au socle de la vénérée Al-Lat, le moindre lambeau sémiotique dans lequel S’en va le Tétragramme. Pourquoi est-il si important d’aller refaire un tour entre Al-Lat et Allah, entre l’ère matriarcale et son pendant patriarcal, et entrevoir un soupçon de logique derrière ce machisme terrifiant? Questionnons la réponse. Car sous le voile intégral, n’est-ce pas la Déesse-Mère et avec elle, une tentation d’un autre type que celle qui saute aux yeux, j’entends par là un foutu axe de régression (au paganisme) que l’intégriste, ce dur à convertir, s’efforce de cacher?
Deux dernières petites recommandations avant d’avancer. 1) Ne jamais se gargariser de leçons entre deux élèves sages comme une icône. Vous n’êtes pas le maître de celui dont vous attendez qu’il vous prouve sa bonne foi. Dans un sourire louis-de-funeste, l’on psalmodie souvent le Cause toujours, tu m’intéresses. 2) Rester convaincu du fait qu’en religion, le principe d’antériorité n’a pas force de prééminence. Preuve en est la présence de Mahmoud, auprès de Papa Francesco, réunis autour de Shimon pour trois prières distinctes; une prière catholique visant la concorde universelle, une prière juive attendant réparation pour un péché de spoliation demeuré si longtemps impuni, une prière musulmane qui, sous l’Autorité palestinienne, sonne le tocsin de la fin de l’Histoire lorsque celle-ci n’a pas même eu à sortir sa dague mahométane pour que les deux premiers représentants du monothéisme reconnaissent, face au monde, qu’ils étaient supplantés.
Finalement, je crois que je vais m’arrêter là un moment, au cours duquel j’entends bien me faire comprendre des Palestiniens et de leurs pros. Je suis parfaitement d’accord avec eux quant au fait que l’antériorité de la présence des trois ordres et des douze tribus sur l’ancienne terre des royaumes de Iehouda et d’Israël n’est pas ce qui légitime le retour des survivants de la Shoah vers leur Terre promise et néanmoins moult fois repeuplée suite au vain programme de désintégration dont leur inentamable unité a fait l’objet de la part des adversaires, et bientôt spoliateurs, du statut unique de peuple élu du Dieu unique. Non. Les Juifs n’ont pas assiégé deux fois Jérusalem dans le dessein d’y fonder deux fois le royaume de David. Et puis. Si c’était l’antériorité qui prévalait sur toute autre forme de revendication, quelques revenants de Kena‘ân, j’allais dire de nulle part, ne manqueraient pas de faire valoir leur domination chronologique des armées de Iehoshoua‘ et l’on pourrait remonter ainsi jusqu’au premier Protozoaire à s’être incrusté dans les parages. Or. S’il est si important que nous reconnaissions ensemble la préséance de la Tora et des Évangiles sur le Coran, il se peut qu’il y ait une bonne raison à cela. Je précise que l’antériorité de peuplement, argument que les Palestiniens reprochent aux Juifs de mettre en avant lorsque, de leur côté, ils n’ont rien d’autre à opposer aux Israéliens pour justifier d’une succession aux souverainetés impériales qui ont eu pour effet de s’annuler les unes les autres avant que de se résorber en eux, eh bien, cet argument, matérialiste et prosaïque, est non seulement contradictoire avec la solution des «deux États pour deux peuples» par laquelle Benyamin Netanyahou renonce à la restauration du royaume de David et de son intégrité territoriale violée, mais il est très au-dessous de ce que demandent les Juifs, dorénavant, aux musulmans. Ce que nous attendons de vous, Mesdames, Messieurs, c’est une reconnaissance de dette. Une prise de conscience de ce à quoi ressemblerait le culte de vos ancêtres si le culte d’Israël ne leur était jamais apparu. À cela, des revendications bassement territoriales ne songeraient même pas. Elles se contenteraient de dévorer de l’espace-temps avec brutalité, quel qu’en soit le degré de conscience et, disons-le, la qualité d’existence.
Partant que les Juifs signifient l’Antéchrist dans l’esprit des quatre cavaliers des Contre-Lumières, — 1&2) le Jihâd schismatique et son intracompétition, 3) le nationalisme gobinesque et 4) le nouveau parti pris anticapitaliste, — c’est pour la sale besogne que constitue leur extermination, besogne que les uns promettent d’accomplir au profit de tous, que sera déclenchée la Colère du Jour (qui ne s’est point levé) sur ces points de détails cardinaux qui, bien moins irrationnels qu’il n’y paraît, s’affronteront pour l’or aux Olympiades totalitaires. Le SS-Grossmufti s’était rapproché du Führer dans l’espoir que ce dernier le débarrasserait de la tumeur sioniste. À présent c’est au tour des fous d’Allah d’évacuer Hypérion de sa planète juive. Rien d’autre ne saurait expliquer les noces convulsives de l’Asiate russofère et de l’Aryen prototypique.
Mais concentrons-nous un instant, je vous prie. Attardons-nous, si j’ose dire, sur le négationnisme d’État. Nous n’y entendons rien tant que nous nous obstinons à faire l’impasse sur les rivalités joviales qu’ont toujours éprouvées les Titans scripturaires vis-à-vis des cultes et mystères qu’ils ont phagocytés. Il serait si simple que l’État islamique en Irak et au Levant ne soit qu’un pur produit de la République arabe syrienne. Or non. Le Jihâd, celui qui nous occupe, — qu’il se décline sous d’autres formes ne nous confisquera pas le mot après la langue, laquelle est partie intégrante de la tête que nous n’enfouirons pas dans nos épaules sous la pression d’un buzzer écarlate, — cette guerre totale des islamistes de tous poils, cet Effort (par l’épée) dans la voie du salut né au nazi n’a pas attendu les Assad, ni les Brunner d’ailleurs, pour se répandre par le sang des autres. D’où la nécessité de rembarrer l’autothéocratie jusqu’à son matérialisme pur et dur. L’Histoire, chez les Statiques, pourchasse son propre cours. Nous n’y pouvons rien contre. L’État négationniste sédimente sans rencontrer d’obstacle sérieux sur sa déroute. Comment ça? Comment un perdant, un défait, que dis-je, un déconfit, comment la nation d’un convaincu de saloperie peut-elle aussi impunément injurier la conscience d’Homo posthitlerus? Comment un faux-neutre persévère-t-il ainsi dans le refus d’appeler par leurs noms les actions criminelles des grands hommes qu’il érige en modèles au lieu que de bannir et la horde et l’ordre du désordre? Mais, je vais me le dire… Le négationniste peut sévir sur la Terre car Hitler a perdu la guerre. Si le nazisme l’avait emporté sur le camp du mal, — c’est ainsi que l’on entr’aperçoit la réalité humaine dans la passoire roulante de Reinhard Heydrich, — si le génocide des Juifs était unanimement considéré comme une victoire radicale du bien sur le mal radical, alors, faites-moi confiance, il n’y aurait aujourd’hui plus un Palestinien, de chaque côté de la ligne de démarcation suprême, pour occulter le rôle de Mohammed Hadj al-Husseini dans la Solution finale. Ainsi du rapport au génocide des Arméniens ou aux mutilations faites aux cadavres des martyrs de Philippeville. Sous les tropiques de l’ONU, impensable qu’on aille se glorifier d’une telle cruauté, — le machin fut créé par les vainqueurs de l’Allemagne nazie. — Mais dans l’uchrone latent, l’État qui a rallié les forces de l’axe nihiliste y fonde son souverainisme par la remise des compteurs à 0000. Ces actes, que nous identifions comme autant d’abominations, tout ce bazar hideux, ouvertement ou fermement, fait sa fierté.
Revenons à ce qui nous occupe. En ces heures d’insoutenable attente où un touriste algérien en trekking dans les Alpes françaises a été capturé par un groupe terroriste affilié Bloc identitaire, les autorités algériennes ont dû rappeler qu’elles ne répondaient pas aux exigences des animaux totem étrangers à la communauté humaine. Saisis d’effroi, les chefs algériens et français ont argué, d’un ton faussement candide, n’avoir jamais appris à parler le sanglier. Bravo, et après. Qu’attendons-nous pour — Drrriiiiiing — un jour de plus? un mois de plus? un — Drrriiiiiing — de plus? rien de moins étiolant à l’hori — Drrriiiiiing — en chute libre? Mais si. Et même du roboratif. Et d’abord. Dans les 24 heures faisant suite à la prise d’otage : une prise de parole des autorités françaises : une emprise de la parole française sur l’Accouchée honteuse, patrie meurtrie, mais patrie responsable de sa progéniture. Et déjà. Le déploiement des forces spéciales sur tout le territoire national. Tu veux dire le territoire international? Bien entendu, le territoire international, et ce jusqu’au lieudit du martyre de la Res Publica, en sorte que soit réduit au minimum le risque que nous perdions la trace de ses bourreaux. C’est comme ça qu’ILS NE PASSERONT PAS à travers les mœurs relâchées de nos rangs resserrés. Ou bien. Notre semblant d’État n’a plus qu’à concéder des pans entiers de son territoire à des méta-États plus macabres les uns que les autres. Et pour le coup. Il n’y a plus de blanc, et moins encore de noir dans la grotte aux éclairs de Georges de La Tour. Juste de la grisaille moralineuse, déprimante à se pendre.
Nous avons vu que les djebels barbares, s’ils pouvaient être apparentés à des courants contraires et convergents, ne représentaient pas le peuple algérien dans sa diversité. Quant aux indéboulonnables du FLN, — amusez-vous à faire permuter les mots auxquels renvoie cet acronyme, — ils ont conservé de la Poseuse de bombes l’image d’une héroïne en un seul morceau. Fondés à repousser jusqu’à la fin du monde le choc des civilisations, il nous faut être néanmoins lucides sur ce pan-nationalisme très largement revendiqué en terre d’islam et qui, nous ne l’ignorons pas, est un autre visage des entristes océistes de l’ONU. Étouffé par des forces loyalistes opposées aux valeurs syro-compatibles de liberté, d’égalité et de fraternité que ne cesse de bafouer la Veuve noire d’OSIRIS ben Laden, l’espoir de voir naître un jour une Syrie pluraliste, multiconfessionnelle et férocement laïque s’est réduit à une peau de chagrin. Vu l’état de délabrement où rougit, muré derrière ses mains, le visage éclairé de Nahor, ce serait le comble que le sang versé sous Baghdadi aille noyer les crimes d’Assad contre l’humanité! Le comble que le premier des terroristes stambouliotes se rapproche à grands pas de l’Europe, par l’efficacité du voile antivapeur dont il se sert comme couverture, de la destruction des traces mémorielles du premier génocide du XXe siècle, de l’évacuation de trois résistants salafistes qui semblaient avoir planifié leur autoparachutage en France par la case prison. Le comble que le cryptocalifat algérien poursuive indéfiniment son jeu de yo-yo orgasmique entre la rue arabe et ses sacrifices humains d’un autre âge, au sommet des montagnes, — ceci expliquerait-il que la sauce arabo-printanière n’ait jamais pris dans ce qu’il conviendrait d’appeler une base arrière du Jihâd que rien ne viendrait notablement entraver? — Arrêtons là (sans trait d’union). Quand de deux choses l’une, soit l’Algérie est l’alliée objective de la guerre que mène contre les Noachides l’islam des dévoyeurs de fond et cela fait d’elle, au même titre que la République arabe syrienne, une ennemie de la paix mondiale, soit la République algérienne démocratique et populaire est réellement impuissante face aux spasmes incessants qui retordent son corps disloqué, auquel cas nous ne pouvons plus continuer d’ignorer que l’EI règne bien au-delà des États enregistrés sous ce nom par notre propre Organisation. À moins que. Oui, souvenez-vous… la belle idée! l’idée neuve de démocratie : «Nous, démocrates de tous les pays, représentons une alternative possible à l’extension infinie du rayon d’action anti-EI.» Et alors! Alors, ce n’est plus aux apparatchiks du FLN planqués derrière la pitoyable image vulnérable, et donc, inattaquable d’un Bouteflika au bout de sa rouerie que nous devrions accorder notre pleine et entière confiance, mais bel et bien à leur opposition. Aux opposants politiques de notre choix, ceux qui ne tirent pas avantage de la pantomime écœurante que nous jouent depuis cinquante-deux ans les libérateurs d’une colonie perdue d’avance.
Nous venons de toucher à une différence de nature entre les régimes algérien et iranien — le révolutionnaire vert est un Morsi qui aurait réussi — en ce que l’Algérie a, elle, encore une chance d’être sauvée. Que son printemps démocratique n’ait pas succédé au long hiver nationaliste ne nous aveuglera pas. Jund al-Khalifa est à Bouteflika ce que la daechéance de l’islam est à Assad. Et le martyre en Kabylie d’un otage de l’État islamique, un otage français, et donc, plus profondément qu’on ne se l’imagine, un otage amoureux de l’Algérie, ce martyre pour le moins dégueulasse ne profitera pas à l’outil inanimé du suffrage universel mais à l’esprit qui en inspira la vague géante, et conséquemment, à la seule indépendance qui fût jamais, celle de l’esprit. L’heure est au resserrement des relations franco-algériennes dans l’expectative d’une intervention de la coalition anti-EI sur le sol algérien qui obtienne l’aval moral des Français de toutes origines, algériennes comprises. Celui qui s’interposera entre le faussement fort et le bien moins faible qu’il n’y paraît tancera l’Autorité étonnamment impuissante de son pays. Il en appellera à une collaboration bien plus étroite des brigades antiterroristes algériennes et françaises qui inclurait leur déploiement sur tout le territoire national algérien jusqu’à ce que soient crevés les abcès de fixation islamistes, neutralisés les ravisseurs programmés du successeur d’Hervé Gourdel, démantelés leur(s) réseau(x) terroriste(s). L’Algérie est au panarabisme ce que l’Iran est au panislamisme. Une entreprise spécialisée dans la chape de plomb. Dans l’état actuel des causes, nous ne pouvons plus sérieusement mobiliser nos troupes contre le Khorassan et, dans le même temps, développer le tourisme familial des Français d’origine algérienne sans veiller à ce qu’aucun d’entre eux ne nous revienne de chez tonton aguerri aux modes opératoires de l’État islamique en Irak et au Couchant.
Les Français sont encore trop nombreux à ne pas prendre la mesure de ce qui les sépare de leurs bourreaux. À Saint-Martin-Vésubie, «Ils ont osé». Comme si nous avions affaire à des enfants de chœur bravant l’autorité du sacristain pour aller s’allumer un joint, à minuit, sur le toit de l’église du village. Mais ma bonne dame, le Parti des Indigestes de la République n’a rien d’une colonie de vacances! Sa métabranche armée a lancé à François Hollande un ultimatum censé permettre à son métatronc politique de se défausser de sa propre responsabilité dans l’assassinat d’Hervé Gourdel sur le seul chef de l’État français dont ils priaient pour que ses concitoyens le prissent en aversion suite à sa décision de poursuivre l’opération Barkhane en Irak et au Levant. Si les Français n’entravent que t’chi au culte du Moi islamocentré, on remarquera pourtant qu’ils ne se laissent pas attirer, loin s’en faut, dans ses pièges. Ils auraient même une fâcheuse tendance à dissoner dès l’ouverture de l’opéra tragi-comiquement wagnérien que décompose la société suicide en hommage à tous ceux qui l’ont mise à genoux avant que de lui perforer la nuque. À ce titre, j’aurais trouvé insupportable que l’on somme les musulmans occidentaux de réagir aux massacres perpétrés en leur nom lorsqu’il leur appartenait de manifester leur intention de se démarquer d’une guerre d’influence et prendre part, spontanément, au grand combat de la parole contre une meute acéphale tenaillée par son épouvantable compulsion à égaliser. Mais l’angélisme ne s’arrête pas là. Certes, notre guerre ne se voile plus la face. Mais elle se demeure floue. Je vais donc devoir fourrer la main dans son plan focal. Les plus redoutables guerriers de (Dawlat al islamiyya fî irak wa shâm (Islamic State of Iraq and the Levant (État islamique en Irak et au Levant sont des occidentaux, des (pas si) fous (que ça) d’Allah qui avouent eux-mêmes s’être accrochés au cursus scolaire, éventuellement universitaire, que l’Occident mettait à leur disposition dans le seul but de retourner l’ensemble de ces savoirs contre le sol du droit. Le droit, par exemple, de revendiquer le droit du sang en terre d’islam. Le droit de résister à la dénaturation du sang en terre infidèle. Si la France ne s’impliquait pas, les lointaines victimes de ces guerriers français seraient en droit de riposter contre une patrie qui, d’une certaine façon, leur a déclaré la guerre. Cela vaut aussi pour le Royaume-Uni quand il y a de fortes chances pour que le décapiteur de James Foley soit sujet britannique. Il s’agirait donc, sinon d’un officier britannique, d’un officier d’origine britannique ayant déclaré la guerre aux infidèles d’Orient et participant, à l’heure où nous nous apprêtons à vivre nos années de plomb, à l’islamisation forcée des hérétiques musulmans et chrétiens d’Irak après que feu Saddam y eut déjà pendu ses juifs, haut et court. Une guerre potentiellement menée au nom de la couronne d’Angleterre, dans cette région du temps que les USA et le Royaume-Uni auraient déstabilisée, si l’on ne venait pas écarter tout soupçon d’infiltration de leur ancienne coalition néocoloniale dans le périmètre de ses exploits passés.
Il n’y a d’urgence à rassembler que ce qui est divisé. Or l’unité qui est la nôtre se fera autour de la conscience de ce que nous partageons le nom propre d’Adâm. Nous en sommes loin. Loin de nous identifier à l’ontologie du dépassement. Et si notre créature s’est faite à l’image du «Je» qui est «celui qui est», l’incapacité à tolérer l’existence d’un peuple juif entre l’Égypte, l’Arabie, l’Iran, la Syrie et la Turquie ne saurait être un problème exclusivement barbare. Elle concerne aujourd’hui l’impérialisme des terres d’islam tout comme elle concernait jadis la chrétienté. Rome s’est réformée après qu’elle se fut contre-réformée. La Mecque n’a pas le commencement d’un début de réponse à la question de sa dénégation des fondements du monothéisme. On ne va pas se cacher derrière son petit moi. L’exception antijuive appartient à l’islamisme du fait qu’elle existe dans l’islam. Les imâms de France choisissent de mettre en avant les seules sourates desquelles une interprétation universaliste est réalisable. Cela est bon. Cela est beau. Mais cela ne leur fera pas faire l’économie d’un examen sévère des explosifs de quelques sacrosaints hadîths ou d’une charî’a dont un trop grand nombre d’ordonnances devront faire l’objet d’une suspension sous peine de fermer aux fidèles musulmans les portes de la démocratie. Le sous-marin lanceur d’alerte de l’antiracisme ne suffira pas à terrasser la terreur. Dans une semaine, un mois, un an, la guerre refera rage entre Israël et le monde arabe. Parce que la Cisjordanie sera restée occupée. Parce que la Cisjordanie aura été évacuée. Parce que le mot «Israël» suffit, lui, à flinguer l’enthousiasme d’une Assemblée du peuple d’Égypte applaudissant à tout rompre chacun des autres axes de réconciliation fixés par l’Obama 1re année. Parce que le mot «Israël» interrompt la clameur continue d’une Assemblée nationale populaire algérienne soulevée par le Hollande 1re année. Bien sûr, notre coalition anti-EI est forte d’avoir permis aux nations arabes d’assumer un certain degré de dépendance vis-à-vis de l’Occident après avoir chèrement recouvré leur indépendance à son encontre. Mais notre Grande Armée occidentorientale risque fort de manquer son but si nos pays, complètement à l’ouest, font l’impression aux Arabes modérés de lutter conjointement, comme eux et avec eux, contre les créateurs de Daech que seraient — roulement de poubelle — les futurs anciens seuls alliés véritables des États-Unis au Proche-Orient. Hep, garçon! pour moi, ce sera un Permuto. Avec de la glace.
L’heure de vérité a sonné. Chacun a montré tout ce qu’il devait cacher face à la décapitation d’Hervé Gourdel. Pourquoi les hamassistes du dimanche ne pouvaient pas devenir, en l’espace d’une poignée de semaines, des républicains redoutés? Parce que nous ne trouvons pas les mots pour leur parler. Marek en sait quelque chose. Son puissant lasso de mots les épuise plus qu’il ne les puise, or Dieu sait s’il n’est pas en reste sur le fond, côté justesse ou côté prophétie. Alors que lui manque-t-il, que nous manque-t-il que possèdent les slogans sanglants que nous ne parvenons pas à leur ôter de la tête? et quand je dis «leur», le possessif se rapporte à ceux d’entre nous pour qui la fraternité est déterminée par l’appartenance au groupe ethnoreligieux fantasmatique de l’Oumma. Eh bien, ce qui manque à notre Ve version historiquement antifasciste de la République, c’est un degré d’autoconscience adossé à une dominante commune aux modes de production majeurs et mineurs d’une cité, capable d’impulser la secousse primordiale au courant alternatif de la civilisation des Lumières. Il lui manque un facteur d’intimidation mentale dont les sbires du PIR, qui lui-même est un sbire, ne sont pas dépourvus. Cette élite de seconde classe, et son concert de Viggo à la manque, persuadés sont-ils que notre monde y gagnerait s’il avait le courage de régresser aux sources titaniques censément antérieures à la substitution du bélier à Is’hac, c’est pourtant elle, cette masse de vents contr’ère, qui ferme les portes du surmoi à la prévalence de l’intentionnalité sur le grossier passage à l’acte des automates compulsionnels. C’est l’â(ne anti)-establishment et sa rhétorique anticoloniale d’un autre âge que montent les croisés verts en quête d’une cause dépassant leur enfer permutable, — vous pensez-vous capable d’éradiquer la pauvreté avant que la coalition anti-EI n’ait eu anéanti sa cible? — C’est la république à la dérive antirépublicaine qui, au coup de feu du départ pour l’épreuve de la Courte échelle sociale, désigne le Grand Bouc à la vindicte populiste, mais revenons à cette cause toute trouvée des vainqueurs défaitistes des guerres d’indépendance qui préfèrent accuser les ex-puissances coloniales de la dérive ultranationaliste de leurs nations. Trouver les mots, cela consiste souvent à en supprimer. Nous devons réfuter le sentiment de supériorité colonialiste tout comme le ressentiment de supériorité anticolonialiste. Oui, l’Europe fut bien coupable d’entretenir des relations d’État à État avec les dictatures arabes, mais l’Europe n’a pas inventé le panarabisme contre lequel ses empires se sont fracassés. En revanche, lorsqu’elle tente de fournir une aide substantielle aux démocrates des printemps arabes, au lieu de l’y encourager, l’on rouvre pavlovement ce tiroir verbal de néocolonialisme et c’est lui, ce mal du siècle, qu’il va nous falloir déposséder de son emprise sur les esprits malléables. Vidons, dès aujourd’hui, les mots de leur contresens, qui est un privilège auquel s’accrochent les sous-employeurs de la jeunesse française. Si nous ne voulons pas que nos quartiers rejoignent, sinon les djebels, en tout cas les décombres qui, infailliblement, se rattachent au Hamas, donnons aux djihadistes en herbe le pouvoir de décrypter la vraie nature des crapules qui les manipulent.
Le racisme des âmes
L’annonce faite par l’État islamique en Irak d’une recommandation de s’attaquer aux infidèles dans le monde entier, relève d’une nouvelle approche de la spiritualité qui consiste à éradiquer ceux qui n’ont pas la même spiritualité qu’eux.
Nous allons devoir réagir à cette menace, non pas par les armes, mais par les idées. Car c’est bien d’une idéologie d’intolérance qu’il s’agit. Il va falloir se pencher sur les textes qui sont à l’origine de ces idéologies d’extermination pour les dénoncer et assurément les interdire.
Cette nouvelle sorte de racisme n’a pas sa raison d’être. Ce ne sont pas les armes qui vont réussir à les éradiquer, mais bien en les attaquant sur le plan des idées. Il va donc être temps de prendre le taureau par les cornes et de s’attaquer directement aux sources de cette ignominie.
Dans un premier temps, il sera aussi nécessaire de choisir son camp et de dénoncer tous ceux qui d’une manière ou d’une autre financent, protègent ou encouragent ces idéologies.
Cela serait peut-être une nouvelle révolution mondiale de tuer le mal par le mal, l’idéologie par l’idéologie.Les philosophes des lumières devront intégrer dans leurs discours, la dimension spirituelle des humains qui est de loin différente de leur dimension religieuse.