La fonction essentielle du droit n’est pas de préserver l’ordre moral, mais de protéger les citoyens. La résistance actuelle au mariage pour tous semble ainsi s’inscrire dans la droite file d’une vision erronée du droit vu comme le lieu de résistance ultime au changement : des mœurs, des couples, des sexes, de la famille. Il est vrai que l’évolution du droit lui-même a pu favoriser cette vision : n’a-t-on pas attendu 1965 pour que les femmes obtiennent le droit de travailler et d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari ? La nostalgie n’est pourtant pas une philosophie, ni une éthique convocable dès lors qu’il s’agit de penser l’armature symbolique d’une société.
Pas plus que la vocation du droit n’est de veiller au maintien de la couche de poussière, celle de la psychanalyse n’est pas de se désoler des vacillations de l’ordre symbolique. Lacan en témoigne, lorsque, dans son dernier enseignement, il insiste pour montrer que le symbolique n’est pas le fin mot de l’affaire. La psychanalyse, dans la perspective où elle peut aussi interpréter l’époque, peut se saisir de cette possibilité pour affûter ses concepts, et c’est ainsi que l’édifice freudien a été repensé par Lacan. La psychanalyse qu’il a créée et initiée ne transpose pas le XIXe siècle au XXIe. Elle se situe du côté de l’anticipation et non de la réaction.
Lorsque la psychanalyse endosse à son tour le costume de l’ordre moral et se désole du déclin des vieilles autorités, elle renie son propre discours et prononce son oraison funèbre. Le tranchant de la psychanalyse est mis à mal quand c’est cet usage qui en est fait. Il réside bien plutôt du côté de ceux qui prennent acte de ce qu’est l’époque et sont sur la brèche.
Un sujet qui s’adresse à un analyste orienté par cette éthique n’apprendra pas de sa cure comment devenir convenablement straight. Un sujet qui s’interroge sur ce que c’est que devenir père ou mère, n’y trouvera pas de prêt à l’emploi et ne s’enseignera que de son expérience inédite. Occuper la fonction de parent n’est donc pas un « donné » inscrit dans la vérité pluriséculaire d’une nature réalisée par deux sexes, mais une invention, pour chacun singulière. C’est cela que l’analyse dénude. Elle permet pour chacun, homo ou hétéro, de se défaire du standard pour laisser fleurir et s’épanouir son style. L’analyste qui l’accompagne peut être vêtu de tweed. Il n’en doit pas moins rester punk.
En tant qu’homosexuel, je suis entièrement favorable au mariage pour tous et à l’adoption tel que le permet le projet de loi du gouvernement. Ce gouvernement a avec sagesse sorti la PMA du texte car il ne s’agit pas d’une disposition sociétale mais relevant de la bioéthique. Justement l’anatomie ce n’est pas le destin donc il n’est pas nécessaire d’avoir recours à une procréation médicalement assistée, à la GPA, à la FIV à partir de deux noyaux d’ovules ou deux noyaux de spermatozoïdes ou que sais-je encore, la création d’un utérus artificiel. Si les transsexuels se font opérer (opération très invasive), c’est parce qu’ils souffrent d’une pathologie grave et non par goût ou inclination. Même si la PMA finit par être ouverte aux lesbiennes (et donc nécessairement aux femmes seules… ce qui est interdit aujourd’hui), je suis farouchement opposé à tout remboursement par la sécu. C’est symboliquement nécessaire.
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