L’auteur de ces lignes ira manifester à Paris demain dimanche 16 décembre pour l’égalité en matière de mariage, adoption, filiation et procréation médicalement assistée. Ce que, en d’autres termes, mal choisis, on appelle couramment le mariage gay et l’homoparentalité. Il est en effet indispensable que la société, et donc la loi, ne s’adapte à ce qu’il y a de meilleur dans l‘évolution des mœurs, à savoir le recul décisif de la haine et de la discrimination homophobes, et la reconnaissance que l’homosexualité n’est ni un fléau ni un choix. On est – et non pas « on naît » – homosexuel. C’est comme ça. Nous sommes des êtres de langage et de symbolisation dont les désirs n’ont rien de « naturel », y compris lorsque nous sommes hétérosexuels, ce qui reste parfois à voir.

Le projet de loi avancé par la majorité – parfois, malheureusement, avec beaucoup d’hésitations – est un premier pas qui autorisera le mariage pour tous les couples qui le désirent. Mais il est loin, hélas, d’aborder toutes les questions relatives à la filiation, questions, complexes mais légitimes, découlant logiquement du droit au mariage. Les plus farouches adversaires de la loi, qui se recrutent essentiellement à droite et à l’extrême droite, ressortent les mêmes arguments apocalyptiques que l’on pouvait entendre lorsqu’il fut envisagé d’autoriser la pilule et l’avortement : notre société allait s’effondrer et aller droit vers la barbarie. Il n’en a évidemment rien été, sauf à considérer que l’on vivait bien mieux avant Mai 68, voire avant la Révolution française.

Les défenseurs acharnés de la famille hétérosexuelle – pour le bien de l’enfant, affirment-ils – font preuve d’un étrange aveuglement en s’imaginant qu’il existerait une « famille idéale ». Ça se saurait. C’est en effet cette bonne famille rigoureusement patriarcale qui a abondamment fourni l’Histoire en criminels monstrueux – splendide démonstration, par exemple, dans le film le Ruban blanc de Michael Haneke – et on ne voit guère pourquoi ni comment des parents homosexuels produiraient des enfants au devenir pire que ce que la famille traditionnelle a produit (la sinistre actualité de ce jeune américain qui vient de tuer 27 personnes dont 20 très jeunes enfants est là pour nous rappeler, une fois de plus, qu’aucune famille ne prémunit d’aucune folie assassine). Parmi les enfants de couples homosexuels il y aura certainement de futurs adultes très perturbés, ni plus ni moins que parmi les enfants nés de classiques papas-mamans. Rappelons au passage que les premières études sur les enfants ayant deux hommes ou deux femmes pour parents montrent que ces bambins-là ne se portent pas plus mal que d’autres.

Il est déplorable que les représentants de l’Eglise catholique, du protestantisme, de l’islam et du judaïsme aient cru bon se retrouver pour condamner la loi à venir. On aurait préféré admirer ce bel élan œcuménique s’il avait dénoncé d’une seule voix les massacres de masse qui se commettent en Syrie ou au Soudan. Cette commune hostilité des représentants français des cultes monothéistes se heurte néanmoins à une opposition chrétienne (à savoir les associations David et Jonathan et Carrefour des chrétiens inclusifs, qui défileront dans un cortège baptisé, si l’on peut dire, « Croyants unis pour l’égalité des droits »), musulmane (représentée par Homosexuels et musulmans de France – HM2F – qu’anime Ludovic-Mohamed Zahed) et juive (le Beit Haverim).

De très nombreux appels à manifester circulent, signés tant par des intellectuels, des personnalités de la culture que par des militants associatifs. La mobilisation parisienne s’annonce comme un succès, mais celui-ci se mesurera en fait à l’aune du nombre de manifestants « anti » lors de leur mobilisation prévue pour janvier. Inutile, donc, de souligner l’importance d’être massivement présents ce dimanche à 14h place de la Bastille, pour marcher jusqu’à l’Opéra.

P.S. Le Beit Haverim fait savoir qu’il a donné rendez-vous à celles et ceux qui souhaiteraient manifester dans son cortège à 13h30 devant le magasin Paul Beuscher, 27, boulevard Beaumarchais.

3 Commentaires

  1. P.-S. : C’était «pour» l’École libre et non pas «contre». Mon lapsus révèle assurément mon attachement à l’École publique, véritable garante de nos libertés individuelles puisqu’elle les place sous le sceau de l’égalité politique.

  2. Je me souviens des manifestations contre l’école libre. Elles avaient pu faire reculer un abolitionniste de la peine de mort. Je comprends et j’appuie la décision d’opposer à l’opposition conservatrice une rue progressiste dont la discrétion de sa hauteur de vue permettrait que l’on en vienne à contester plus loin son envergure à perte de vue. Pour autant, j’avais cru lire un appel au débat contrevenant à la loi de l’insulte, et je déplore que l’on en soit arrivé à ce qui me paraît être une insulte au débat, savoir un gigantesque concours de queues à celui qui aura la plus longue entre Bastille et Luxembourg. Notre famille méritait mieux que cela au stade de recomposition avancé qu’elle a déjà atteint, et que, ne nous en déplaise, elle ne retracera pas telle une perle à rebours. On ne se reprend pas dès l’instant que l’on s’est donné. Tout est là. Ce qui pose problème, c’est l’anonymat du tiers donneur et non sa survivance. Pour preuve, la qualification de PMA d’une IAD dont on cherche à gommer l’identité de l’auteur d’un don de sperme ou d’ovocyte qui aurait beaucoup de mal à disparaître, une fois recouvré son vrai nom, au point où la société l’efface de la vie qu’il a commise au monde. Je suis pour l’identification du tiers donneur de sperme en tant que père de l’enfant d’un couple a fortiori sans homme et du tiers donneur d’ovocyte en tant que mère de l’enfant d’un couple a fortiori sans femme. C’est une question de principe. C’en est une aussi que de qualifier ledit coparent d’un enfant, qui de par sa nature possède et un père et une mère biologique, de beau-père de l’enfant d’un tiers donneur d’ovocyte ou de belle-mère de l’enfant d’un tiers donneur de sperme. Lorsque j’évoque la levée de l’anonymat des hommes et femmes qui ont fait don de vie, entendons-nous sur la notion… Que l’on signe Voltaire si l’on craint d’être à rouer, peu me chaut, je ne tiens pas plus que cela à la patronymie. Ce qui m’est en revanche quasi intolérable, c’est le déni d’existence. Le fait qu’un homme n’ait pas été obligé d’effectuer pour autrui la gestation d’un être qu’il n’a que « simplement » conçu avec une femme ne va pas le rendre plus abstrait qu’une mère porteuse. D’ailleurs, au cas où l’IAD serait acceptée pour les couples lesbiens, – il n’y a pas de raison pour qu’une mère homosexuelle ne soit pas à ce titre traitée à égalité avec une mère hétérosexuelle, – il deviendrait rapidement impossible d’empêcher que la procréation médicalement assistée, l’insémination avec donneur s’entend, s’étende aux couples gays. Il suffit de le voir pour l’entendre, Pierre Berger nous revient d’un futur où le monde lui appartient. On pourrait dire, tout de go, que le débat est clos. Ce que moi, je propose, c’est de ne pas nous arrêter en si bon chemin quand tellement de questions rechignent à être soulevées. Le mariage était jusque-là un repère concernant la consubstantialité de l’altérité sexuelle et de la reproduction sexuelle. Le mariage pour tous privera la société de ce repère. Je propose donc que l’on élève le tiers donneur au rang de symbole conscientisant du substrat hétérosexué de la procréation. Ce dernier se sentait relégué dans un statut de lépreux. Perçu comme une sorte d’acteur pornographique, on le poussait à dissimuler son onanisme derrière la porte d’un boxon hypocritement aseptisé par une institution médicale au service exclusif d’une famille monogame qui souhaitait qu’on la laisse oublier que le don de gamètes dont elle faisait l’objet avait été privé d’amour. Un don malproprement qualifié d’ailleurs, car on ne donne pas son sperme ou son ovocyte, on le vend, et l’on ne reçoit pas comme un cadeau du ciel un tel produit, aussi sacré soit-il, on l’achète. La société doit rendre son âme à la PMA qui doit rester un trouple si elle ne veut pas jeter le trouble au sein du couple qu’elle féconde. Elle doit rendre sa tangibilité à la nature si l’homme se construit bien contre celle-ci, soit en réveillant les instincts naturels face à ses tentations morbides, soit en mobilisant les armées du Surmoi contre l’empire de ses motions barbares. Il lui faudra alors, obligatoirement car cela s’imposera à elle d’une manière ou d’une autre, concevoir une autre institution, au moins aussi incontournable que pouvait l’être le régime matrimonial sous l’ère patriarcale, fondée à rappeler ce principe infrangible de la procréation aux créatures qui se mettraient dans le crâne les deux slogans d’Arc-en-ciel Wallonie : «Jésus aussi avait deux papas», oui, des pères adoptifs, sauf qu’au-delà de la provoc, il faut penser le Père comme unique en tant qu’Être et donc unique à L’être au sein d’une Trinité où l’Esprit Saint est à équidistance Dudit Père et de Son seul Fils à pouvoir L’être; «Marie, première mère porteuse», là encore, le subterfuge ne doit pas occulter l’identité d’Iosseph comme seul et unique père biologique d’Iéshoua‘, mais je m’égare comme vous devez l’avoir suffisamment compris, rien de ce que je dis ne peut être qualifié de très catholique, pas davantage d’ailleurs que tout ce que je fais. Ma mère est la fille d’un Juif libre penseur né sous Max Régis qui réussit à suivre le Front populaire tout en faisant le premier chiffre d’affaire de France pour Waterman. Mon père, tiraillé entre un père antifranquiste et une mère bigote, j’allais dire espagnole, a refusé de faire sa première communion à l’âge de huit ans. Ma perception de la Sainte Trinité est forcément biaisée. Comme la vôtre, sans doute… Je suis né libre et égal en droit à celui qui croyait au ciel et à celui qui n’y croyait pas. J’ai horreur qu’on me réduise à ce que je ne suis pas.