Dans la constitution égyptienne de 1971, l’Egypte était qualifiée de « nation égyptienne » ; dans le nouveau projet de Constitution, elle devient une « partie de la nation arabe et islamique »
Des changements subtils, mais lourds de sens et de conséquences si jamais la nouvelle Constitution égyptienne venait à être adoptée, se sont introduits dans le projet soutenu par Mohamed Morsi. MEMRI publie un document qui passe au crible plusieurs articles de la peut-être nouvelle constitution, comparée aux précédentes.
Perspective : Le 1er décembre 2012, le président égyptien Mohamed Morsi annonçait que la nouvelle constitution égyptienne serait soumise à référendum le 15 décembre. Face à la plus grave crise qui ait traversé l’Egypte depuis son élection en juin, Morsi a retiré, ce samedi 8 décembre, le décret du 22 novembre, par lequel il s’accordait des pouvoirs au-dessus de tout recours en justice ; il a toutefois maintenu le si controversé référendum. L’opposition dénonce une grossière manoeuvre politique.
En assistant aux manifestations, parfois violentes, qui ont suivi, on se dit que si l’histoire s’accélère, elle ne tolère toutefois aucun raccourci. Dictature, révolution, contre-révolution… Ceux qui ont initié la révolution, de jeunes laïcs actifs sur facebook et les autres forums en ligne, reprennent en main leur printemps arabe. Certes, la majorité a voté contre eux, mais cela n’autorise pas son représentant de s’ériger en nouveau dictateur.
Depuis longtemps déjà, les modérés, progressistes, libéraux, réformistes (les termes pour les qualifier son nombreux) se mettent en danger dans les pays à haut risque du Moyen-Orient pour faire entendre un autre discours. C’est le discours du monde moderne qui coule virtuellement dans tous les foyers, un discours qui n’est plus l’apanage des Occidentaux, qui s’est déjà imposé dans bien des esprits, mais qui n’est pas encore institutionnalisé. En 2004 déjà, bien avant le Printemps arabe, MEMRI tentait d’apporter aux progressistes la tribune dont ils se voyaient privés : l’impassible Irakien Iyad Jamal Al-Din, au discours implacablement rationnel, le Saoudien lyrique Ibrahim Al-Buleihi, ou l’Egyptien Kamal Ghobraïl, parlaient déjà, il y a dix ans, de la nécessité de moderniser leurs régimes et modes de pensée. Aujourd’hui, ils sont toujours là, portant les mêmes noms, ou d’autres… Le discours des progressistes s’est peaufiné, élargi, affirmé, au point d’inspirer les Européens, un peu las parfois de leurs propres valeurs laïques, républicaines, égalitaires; pourtant irremplaçables.
Le débat sur l’article 1
Dans la Constitution de 1971, l’article était formulé comme suit : « La République arabe d’Égypte est un Etat pourvu d’un système démocratique, fondé sur la citoyenneté, et le peuple égyptien représente une partie de la nation arabe oeuvrant à la réalisation de son unité tout entière. » Cet article a été modifié dans le projet de Constitution actuelle, devenant : « La République arabe d’Egypte est un Etat indépendant et souverain, uni et indivisible, ayant un système démocratique. Le peuple égyptien fait partie des nations arabes et islamiques, est fier de son appartenance à la vallée du Nil et à l’Afrique, ainsi que de sa dimension asiatique, et est un acteur positif de la civilisation humaine ».
Cet amendement marque l’islamisation de la Constitution. La proposition de modifier la formulation pour définir le peuple égyptien comme faisant partie de la nation islamique, et non plus seulement l’arabe, nous renvoie à un article du cheikh salafiste Yasser Burhami, l’un des leaders et fondateurs du mouvement Al-Da’wa Al Salafiyya. Il écrit que cette adjonction « confirmerait l’appartenance du peuple égyptien à la nation arabe tout autant qu’islamique, ce qui est gravé dans les cœurs de tous les Egyptiens depuis la conquête islamique de l’Egypte jusqu’à ce jour … »
Lire la 2ème partie du rapport de MEMRI sur les articles du projet de Constitution (en anglais)