La part des anges est, métaphoriquement, ce qui revient de droit aux rebuts de la société, leur dernière chance de s’en sortir. Le film de Ken Loach est habité par ces êtres invisibles que sont ces anges au rôle mystérieux, qui se résume peut-être à un sourire.
À Glasgow, Robbie, qui vient d’être père d’un petit garçon, est jugé pour une agression. Il bénéficie de la clémence du juge. Tel est le premier sourire des anges. À la sortie du tribunal, une bande de voyous, qui s’étaient constitués partie civile, menacent le jeune père, condamné à seulement trois cents heures de travail d’intérêt général. Il tente de se défendre, mais sa compagne lui fait savoir qu’elle le quittera et élèvera seule leur fils s’il ne se ressaisit pas. Il ne doit pas retomber dans la délinquance. Robbie exécute sa peine, fait la connaissance d’un éducateur qui le prend sous son aile et organise la visite, pour les délinquants, d’une distillerie de whisky. Robbie se découvre un sens olfactif spontané, se fait remarquer par un collectionneur d’alcools rares, décide d’utiliser cette relation pour commettre un dernier coup…
Le film suit un chemin si imprévu et si direct, de scène en scène, qu’on s’attend à ce que tout puisse survenir n’importe quand. À chaque instant jusqu’à la fin, on ne sait si Robbie va s’en sortir ou retomber dans l’existence de renégat à laquelle il semble voué. Les événements s’enchaînent mystérieusement, comme si les anges étaient aux commandes. On reconnaît le réalisme social de Ken Loach au fait que l’action n’est pas au service des idées, mais qu’à l’inverse, elle préexiste à toute réflexion. Il y a cependant quelque chose de plus subtil dans ce film : le combat que se livrent les deux notions de libre arbitre et de destin. Ce n’est ni le hasard ni la fatalité qui conduit le film, mais autre chose. Une forme de sérénité, de bienveillance, d’humanisme. Le propos n’est pas celui du cinéaste, il est celui des anges, ce sont eux qui nous dévoilent la clef du film, alors qu’ils demeurent tout du long parfaitement invisibles, contrairement aux Ailes du désir de Wim Wenders, où les anges étaient incarnés.
La part des anges ici est d’accompagner et non de décider à l’avance d’un destin. Elle n’influe en rien sur le libre-arbitre, mais fait savoir que vers la même destinée, le voyage se fait avec ou sans le réconfort des anges, et le bonheur n’est plus qu’une question de choix. Le cinéaste a suggéré leur présence invisible dans tout le film. A chaque plan, il nous propose de voir autre chose, en vue de rendre possible un bonheur permanent, qui, à lui seul, peut racheter les erreurs et les errances d’un homme dont l’existence était vouée au néant.