Mais que s’est-il passé dimanche soir devant la résidence de l’ambassade de France à Téhéran?
Selon le porte-parole du Quai d’Orsay, « l’accès de la résidence de France à Téhéran a été entravé par des services de sécurité non identifiés qui ont procédé à l’arrestation de personnes invitées par l’ambassadeur de France et se sont livrés à des actes de violences inacceptables, y compris contre des personnels diplomatique français ».
L’incident s’est produit alors que plus d’une centaine de personnes, dont des diplomates étrangers et des Iraniens, avaient été invités à un concert de musique classique iranienne à la résidence, a expliqué lundi l’ambassade de France à Téhéran à l’AFP. Peu avant le concert, de nombreux agents de sécurité ont investi les abords de la mission française, contrôlant les invités et arrêtant un certain nombre de jeunes Iraniens. Alors qu’une jeune femme parvenait à leur échapper en pénétrant dans l’ambassade avec l’aide du personnel, plusieurs agents en civil ont malmené et frappé deux diplomates gardant le seuil de la mission française, toujours selon la même source. Des policiers en uniforme présents sur place ne sont pas intervenus. Les deux diplomates n’ont pas été sérieusement blessés.
Les ambassades étrangères en Iran organisent souvent de tels événements culturels permettant aux diplomates étrangers, mais surtout aux nombreux jeunes Iraniens invités, d’échapper pour un temps à l’étouffant quotidien iranien. Ainsi, en l’absence de boîtes de nuit en Iran, ces réceptions revêtent le rôle de véritable ballon d’oxygène où les femmes se couvrent de leur plus belle robe de soirée (le maquillage est déjà largement arboré dans la rue). Or comme dans beaucoup d’autres domaines en Iran, l’étau s’est là-aussi sensiblement resserré autour de la jeunesse du pays. Ainsi, durant ces derniers mois, d’autres incidents ont éclaté devant plusieurs ambassades occidentales à Téhéran, dont celles de France, d’Autriche, de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et d’Australie, lors d’événements auxquels étaient invités des Iraniens. Des forces de l’ordre en uniforme ont à plusieurs reprises interdit l’accès de ces ambassades aux ressortissants iraniens, notamment aux jeunes qui semblent être la cible principale de ces tracasseries policières, selon les diplomates.
Et la fronde gouvernementale n’est même pas voilée. Les autorités iraniennes ont ainsi mis en garde à plusieurs reprises la population, ces derniers mois, contre la fréquentation des ambassades étrangères en Iran, notamment des missions occidentales, qu’elles accusent d’avoir encouragé les manifestations de l’opposition à la réélection du président iranien Mahmoud Ahmadinejad.
Les autorités françaises ont convoqué hier matin l’ambassadeur d’Iran à Paris pour lui signifier « leur condamnation la plus forte de cette violation extrêmement grave de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques », a révélé le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valéro. Et son homologue iranien n’a pas tardé à riposter, en démentant aujourd’hui que les services de sécurité iraniens aient molesté les membres de l’ambassade de France en marge d’une soirée culturelle à Téhéran dimanche dernier.
«Il n’y a pas eu d’actes de violence contre des membres du personnel de l’ambassade (de France) à Téhéran (…) La police diplomatique iranienne avait mis en garde l’ambassade contre la présence de certaines personnes à cet événement», a annoncé aujourd’hui le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Ramin Mehmanparast, à la chaîne iranienne en langue anglaise PressTV.
Dès lors, qui sont ces « certaines personnes »évoquées par le porte-parole?
Les jeunes invités iraniens dont la présence à l’ambassade de France n’était visiblement pas conseillée? Ou alors ces « services de sécurité non identifiés » qui auraient agi, selon la mission française, en toute impunité?
On se souvient que les autorités iraniennes avaient déjà évoqué des « personnes non identifiées » pour désigner les coupables de la violente attaque en septembre dernier contre le domicile de Mehdi Karoubi, un des leaders de l’opposition iranienne, alors que le site internet de l’opposant avait révélé qu’il s’agissait de miliciens bassidjis. Ce sont d’ailleurs ces mêmes miliciens qui sont systématiquement envoyés par les autorités iraniennes devant les représentations étrangères pour manifester, parfois violemment, leur mécontentement, à chaque nouvelle tension avec l’Occident.
Pour s’amuser en paix, la jeunesse iranienne n’avait jusqu’ici d’autre choix que de payer cher ces miliciens bassidjis pour pouvoir organiser ses propres soirées privées sans risquer d’être fouettée, ou alors d’avoir la chance de figurer sur la liste VIP des réceptions de l’ambassadeur où elle jouissait de l’immunité de la résidence diplomatique. Cela ne semble plus suffire dans l’Iran d’aujourd’hui.