Deux semaines après avoir décidé d’éliminer toutes les coupes occidentales des catalogues de coiffure masculine de Téhéran, la République islamique fait parler d’elle en terme de mode. Et en glamour, pensez-vous ?
Hier, le procureur général de Téhéran, GholamHossein Mohseni-Ejei, a décidé de faire lui aussi dans la déclaration fracassante, en annonçant en grande pompe qu’il souhaitait un renforcement du contrôle sur les tenues féminines.
« Malheureusement, la loi, qui considère la violation du code d’habillement comme un délit, n’a pas été appliquée dans le pays ces quinze dernières années », a-t-il notamment déclaré.
Conformément à la loi coranique, la Charia, imposée après la Révolution islamique de 1979, les femmes sont obligées de se couvrir les cheveux et de porter de longs et amples vêtements. Les contrevenantes sont officiellement passibles de coups de fouets, d’amendes ou de peines d’emprisonnement.
Pourtant, alors que cela fait trente et un ans que nos mollahs font tout pour les habiller de la tête aux pieds à la saoudienne, nos Iraniennes ne se laissent pas faire et rivalisent de courage et de ruses en tout genre pour se faire respecter. Aidées dans ce sens par le Réformateur Mohammad Khatami et son élection à la présidence en 1997, elles sont parvenues à changer le tchador en foulard relâché en arrière laissant sans peine dépasser de nombreuses mèches de cheveux colorées. Quant au manteau, il n’a plus rien d’islamique. Serré à souhait autour de leur taille fine, il laisse sans peine dévoiler les formes de leurs corps, les rendant encore plus désirables. Voilà ! Il existe des bombes en Iran. Des millions de bombes persanes !
Pourtant, contrairement à ce qu’il affirme, un certain Mahmoud Ahmadinejad en a décidé autrement. Son l’arrivée à la présidence s’est accompagnée de la création d’innombrables « troupes de la morale ». Des employés de la police, assermentés par le ministère de la Culture et de la Guidance islamique, destinés à vous « guider » vers le droit chemin. Parmi elles, de véritables dark-vador à l’Iranienne, souvent moustachues, vous harcelant en pleine rue sur votre façon de vous habiller. Vous ne baissez pas la tête et trouvez quelque chose à en redire ? Préparez-vous à essuyer une volée d’insultes, et de vous faire traîner par les cheveux dans un fourgon : direction le commissariat le plus proche.
Là-bas, on a pour but de vous faire peur ! Très peur ! Ne vous inquiétez pas, vous n’allez pas vous faire bander les yeux, ni vous faire torturer, ou encore violer, vous n’avez pas critiqué la réélection d’Ahmadinejad tout de même ! Non, on va juste vous traîner en pâture devant des agents vous prenant pour une prostituée avant d’appeler vos parents ou votre mari, histoire que vous ayez honte, très honte, afin de vous faire passer l’envie de recommencer. Et puis, cerise sur le gâteau, on vous fait signer une promesse écrite de ne plus jamais recommencer.
Or alors que vous et moi, rentrerions illico et en pleurs chez nous pour revêtir notre plus beau tchador noir pour les cinquante années à venir, nos Iraniennes n’ont pas vécu trente et un ans de République islamique pour rien. Malgré les nombreuses campagnes télévisées gouvernementales visant à les intimider, elles laissent passer l’orage, ou plutôt quelques jours d’été, avant de sortir à nouveau, défier les dark-vadors, avec quelques centimètres de moins niveau manteau et pantalon, et quelques centimètres de plus au niveau mèches et talons. Que voulez-vous ! C’est la collection automne-hiver 2010 !
« Il revient au juge de décider de condamner des contrevenantes à une simple amende« , a réaffirmé hier le procureur général de Téhéran Mohseni-Ejei, avant de lancer, d’un ton menaçant : « Selon la loi, les contrevenantes à la chasteté publique, peuvent être condamnées à des peines allant jusqu’à deux mois de prison ou 74 coups de fouet« .
Il est intéressant de noter qu’en 2005, le candidat ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejead a bénéficié (déjà à l’époque) d’une vaste fraude organisée au premier tour lui permettant de sortir du relatif anonymat dans lequel il baignait jusque là. Or lors du second tour, il a été élu par une majorité de la classe populaire uniquement sur la base de slogans populistes promettant de leur ramener l’argent de l’essence à leur table et de couper la main des corrompus. Nulle part n’a été mentionné une quelconque volonté d’islamiser de la société ainsi que d’envenimer le monde entier.
Une semaine après l’annonce gouvernementale de l’envoi à la rentrée d’un millier de religieux à l’école pour « rénover » les pensées des élèves, neuf mois après la décision d’islamiser les programmes universitaires des sciences humaines et quatre ans après l’exclusion des facultés du pays des premiers professeurs et élèves les plus politisés, la volonté d’un retour aux premières heures de la Révolution islamique de la part du gouvernement ultraconservateur Ahmadinejad n’est donc même plus un projet. C’est une réalité.